La Commission dévoile le coût faramineux de la pollution des avions

Lalibre.be
03 juin 2019
Le coût environnemental du secteur aérien s’élève à 33 milliards d’euros en Europe, selon une étude de la Commission. Les patrons des compagnies aériennes craignent une taxe sur le kérosène.

C’était l’invitée surprise de cette 75e assemblée de l’Iata, l’association internationale du transport aérien, qui se tient actuellement à Séoul. La commissaire européenne Violeta Bulc n’a fait qu’un aller-retour en Corée du Sud, mais elle est venue avec une petite bombe en main pour les 291 patrons des compagnies aériennes de l’association.

Selon une étude, qui sera publiée la semaine prochaine, le coût environnemental de 33 aéroports européens est de… 33 milliards d’euros par an. Ce coût équivaut à l’impact sur le changement climatique, le bruit, les émissions de CO2…

« Je dois être honnête avec vous, on pensait que ce chiffre serait vraiment inférieur », explique la commissaire à La Libre. En dévoilant cette étude, la Slovène prépare-t-elle le secteur à une taxe sur le kérosène, le carburant des avions ? « Ce n’est pas à exclure. Cela fait en tout cas partie des outils dont nous disposons pour limiter cet impact environnemental négatif. Mais ce sera à la prochaine Commission de décider » , répond Violeta Bulc, qui veut lier la très forte croissance du secteur aérien à sa durabilité. « Le prix payé par les voyageurs aériens couvre à peine les coûts d’infrastructures, mais pas les coûts environnementaux. »

Cette étude aura installé un froid au sein de l’assemblée générale des patrons de compagnies aériennes. « Les gouvernements devraient encourager le développement de carburants durables plutôt que se focaliser sur des taxes environnementales », s’insurge Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Iata. « Mettre de l’argent dans les caisses des gouvernements n’apporte rien pour réduire les émissions de carbone, c’est de l’hypocrisie environnementale. Si les constructeurs automobiles se mettent à fabriquer des véhicules électriques, cela n’a, par exemple, absolument rien à voir avec une quelconque taxe. » Est-ce la venue de Mme Bulc qui les a motivés ? Tous les membres de l’Iata (dont ne font pas partie les grandes compagnies low cost d’Europe comme Ryanair ou easyJet) se sont, en tout cas, engagés à réduire de moitié (en se basant sur les chiffres de 2005) leurs émissions de carbone d’ici à 2050. « Vu la forte croissance qu’attend le secteur, le challenge est énorme, mais nous misons sur les nouvelles technologies pour y arriver », conclut M. de Juniac.

Certains patrons résignés

Cette nouvelle préoccupation de l’aérien pour la planète vise sans doute aussi à éviter cette fameuse taxe carbone européenne. Mais, en coulisse, pour un ténor du secteur, il est déjà trop tard. « On ne va pas échapper à cette taxe et cela va être une catastrophe pour la compétitivité des compagnies européennes, explique-t-il. C’est un peu de notre faute, nous n’avons pas assez communiqué vers l’extérieur. Beaucoup de gens sont encore persuadés que nous ne payons aucune taxe. Ce qui est faux ! »

Catastrophe aérienne

« Nous serons les derniers à remettre le Boeing MAX en vol »

Tewolde Gebremariam, le patron d’Ethiopian Airlines, est un homme discret. Lors de l’assemblée de l’Iata à Séoul, il est revenu sur le crash aérien qui a touché sa compagnie, tuant 157 personnes en mars dernier. « Je voudrais renouveler mes condoléances aux familles des victimes », nous explique-t-il. Selon lui, ce « tragique accident » aura un « impact » sur la « très longue relation » qu’Ethiopian a développée avec Boeing. Il y a beaucoup de spéculations sur le retour en vol du Boeing 737 MAX, mis en cause dans le crash d’Ethiopian, mais aussi en Indonésie quelques semaines plus tôt. Certains envisagent ainsi déjà un retour du MAX cet été dans le ciel nord-américain. Il faudra attendre beaucoup plus longtemps pour revoir ce type d’avion en Éthiopie. « Nous serons les derniers à remettre cet avion en vol », estime ainsi M. Gebremariam. « Nous ne le referons que si les différents régulateurs l’autorisent et que d’autres compagnies commencent à voler à nouveau avec le MAX. » En Europe, le feu vert est loin d’être donné, si l’on en croit les propos de la commissaire au Transport Violeta Bulc. « C’est un cas sans précédent », explique-t-elle. « La sécurité est notre plus grande priorité : on a une politique de tolérance zéro à ce niveau. C’est l’Agence européenne de la sécurité aérienne qui prendra cette décision du retour du Boeing MAX en Europe. Nous lui faisons entièrement confiance. »

Raphaël Meulders, Envoyé spécial à Séoul