Un article du collectif «Avion Rouge» (Fabrice Collignon, Pierre de Wit, David Leloup, Pierre Ozer, Dominique Perrin, Sonia Veckmans et Martin
Willems) dans Le Soir et L’Echo du 6 avril 2007.
Ça y est, les fêtes de Pâques sont à nos portes, avec leurs congés ou leurs vacances. Mais aussi et surtout avec les ufs de Pâques que les cloches de Pâques venues directement de Rome larguent dans nos jardins. Puis, au moment de passer à table, nous dégusterons l’agneau pascal… de Nouvelle-Zélande. Et ce, que nous soyons à Bruxelles, Paris, Rome ou Berlin. En effet, partout en Europe, cet agneau est actuellement proposé à des centaines de millions de consommateurs à un prix ridiculement bas, très largement inférieur à celui de l’agneau local (entendez par «local», toute provenance européenne), atteignant un record de 5,30 le kg dans les hypermarchés français.
Et c’est là qu’intervient le miracle de Pâques, car on peut se demander comment il est possible qu’une telle «viande de qualité» provenant d’un lieu d’origine si lointain (18.700 km à vol d’oiseau), dont les services d’informations aux consommateurs contactés sont incapables de dire ou de vérifier si ce produit est venu par avion ou par bateau, se retrouve dans nos rayons européens à si bas prix.
On entend souvent que le prix (très) bon marché des denrées périssables importées d’outre-mer est en grande partie dû aux salaires de misère pratiqués dans les pays d’origine. Cela est certainement vrai, en effet, pour le Pérou, l’Egypte, l’Indonésie, le Kenya, le Sénégal ou l’Ethiopie, d’où nous importons respectivement asperges, fraises, crustacés, roses, tomates ou haricots, le plus souvent par avion, et où la pauvreté est généralisée puisque les pays cités ont au minimum un tiers de leur population vivant avec moins de deux dollars par jour. Pour certains analystes et professionnels, donc, ces importations massives qui se généralisent constituent un réel levier de développement pour ces pays du Sud. Admettons.
Mais qu’en est-il alors de l’agneau néo-zélandais ? En effet, la Nouvelle-Zélande, classée dans le top 20 mondial des pays présentant le meilleur «indice de développement humain», bien installée entre l’Espagne et l’Allemagne, est loin de faire partie des pays en développement. Comment donc arrive-t-elle à exporter ces animaux à un prix si bas, en l’absence de main-d’uvre bon marché, et en y incluant les coûts de transport sur une distance qui est de l’ordre d’un demi tour du monde? La question est ouverte! Et pour nous, citoyens soucieux de ce qui tombe dans notre assiette, nous nous en remettons au miracle et, surtout, nous nous demandons si tout ceci est durable.
En effet, tout déplacement de marchandise a un coût non négligeable, aussi bien financier qu’environnemental. Bien sûr, un peu plus de 5 litres de pétrole destinés au transport aérien ne pèsent pas très lourd dans la balance lorsque l’on sait que le kérosène coûte bien moins qu’un litre d’eau de Spa. Bien sûr, le coût du transport maritime est encore bien moins élevé (de l’ordre de 30 fois moins cher que le transport aérien). Mais il reste énorme par rapport au transport d’un agneau élevé localement.
Au moment où le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se réunit une semaine à Bruxelles pour évaluer quelles seront les répercussions du réchauffement climatique sur nos sociétés, et que nous savons d’emblée que les pays les plus vulnérables seront les plus démunis, car incapables de s’adapter à ces modifications climatiques profondes, on peut se poser des questions.
Des questions… Nous sommes bien conscients que ces quelques paragraphes en posent, sans vraiment apporter de réponses. Mais n’est-ce pas toujours le cas lorsqu’un miracle se produit?
D’autres articles à lire sue le site du collectif [http://avionrouge.blogspot.com->http://avionrouge.blogspot.com/]