L’industrie tente de compenser la croissance du trafic par des avions moins gourmands, moins polluants.
Cela suffira-t-il ou faut-il renoncer aux fraises en hiver ?
analyse
L’affaire du saut de puce Bierset – Gosselies envisagé par une compagnie aérienne à bas prix a fait autant de bruit qu’un vieux 747 fumant noir au décollage. Dans une chronique (1), le spécialiste Pierre Sparaco relève que la British Mediterranean Airways a assuré, pendant plusieurs mois, un vol quotidien Londres-Cardiff par Airbus A320, à vide, dans le but de conserver ses précieux – car rares – créneaux de décollage et d’atterrissage à Heathrow.
Dans le même ordre d’idée, Pierre Ozer, chercheur à l’université de Liège, constate qu’actuellement, la viande d’agneau dans les grandes surfaces belges et des pays limitrophes vient, par avion, de Nouvelle-Zélande, pour un prix inférieur à 6 euros le kilo. Mais pour quel coût environnemental, alors qu’il ne manque pas, ici, de petits agneaux tout disposés à finir à la broche ?
Gaspillages comiques s’ils n’étaient tragiques. Comme tout moyen de transport brûlant des carburants fossiles, l’aéronef pollue de diverses manières : bruit, émission de gaz, de vapeur d’eau et de divers résidus de combustion, tout cela à basse altitude, lors des phases de décollage (surtout) et d’atterrissage, mais aussi à très haute altitude.
Avec des effets divers. L’eau-vapeur, par exemple, émise à haute altitude, se transforme en petits cristaux de glace qui constituent des traînées de condensation visibles par temps clair. Celles-ci peuvent évoluer en nuages d’altitude ou cirrus. De jour, ces nuages renvoient les rayons solaires et contribuent donc à un refroidissement temporaire de la température, effet antagoniste à celui dit « de serre ». Lors d’un vol de nuit, par contre, point d’effet antagoniste mais un réchauffement car, agissant comme un gaz à effet de serre, la vapeur d’eau séquestre, dans les couches basses de l’atmosphère, la chaleur venant du sol.
Produit avec les composants de l’air chauffé par les réacteurs, les NOX, qui regroupent monoxydes (NO) et dioxydes d’azote (NO2), ont, à l’instar des fluorocarbonés, des effets dévastateurs sur la couche d’ozone. Par contre, à basse altitude, ce même NOx favorise la formation d’un ozone (O3) nocif pour la santé. Selon les sources, l’aviation commerciale génère de 2 à 3 pc des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2), responsable de l’effet de serre, alors que les transports, dans leur ensemble, en émettent 15 pc de la masse totale. Pas grand-chose, dira-t-on, sauf que les prévisions de croissance du trafic sont de l’ordre de 5 pc l’an.
Trois litres aux cent
Airbus présente son nouveau très gros-porteur, A380, comme une solution car, à pleine capacité, il affiche une consommation de 3 litres de kérosène aux 100 km par passager, « une performance qui n’a pas à rougir par rapport à la voiture », commente le Dr Rainer von Wrede, directeur au département Environnement chez l’avionneur européen.
L’industrie des avionneurs et des motoristes ne s’en cache pas : son but actuel est de compenser l’augmentation du trafic aérien par des appareils progressivement moins polluants. Les circonstances économiques l’y aident : le prix du carburant incite les compagnies à renouveler leurs flottes avec des appareils moins gourmands, donc moins polluants. Mais ce phénomène est surtout vrai pour la Chine, l’Inde et certains pays arabes, dans une moindre mesure pour l’Europe, et quasi pas pour les Etats-Unis, où les compagnies aériennes tardent à se relever du choc du 11 septembre 2001.
Dans cette affaire, chacun tente de prendre ses responsabilités : l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a fixé des normes de réduction de bruit et d’émissions polluantes, tout comme l’Union européenne, dans le cadre du Conseil consultatif pour la recherche sur l’aéronautique (ACARE). Dans ce dernier cas, l’objectif fixé d’ici 2020, pour les avions, est une réduction de moitié du bruit perçu, une diminution de 50 pc du CO2 et de 80 pc du NOX et autres émissions nocives. Pour les moteurs, il s’agit de réduire le bruit de 10 décibels, le NOX de 60 à 80 pc et la consommation de fuel de 20 pc.
Cela suffira-t-il ? Certains préconisent des taxes ou redevances dissuadant les gens de prendre l’avion pour presque rien, donc pour n’importe quel prétexte. Ne faut-il plus aller en vacances aux Antilles ? Le transport de fret, multiplié par 75 entre 1960 et 2006, doit aussi être rationalisé. Une fois de plus, in fine, c’est le citoyen qui est placé devant ses responsabilités. Venus de trop loin, fraises et haricots verts en hiver n’ont de toute façon pas le même goût que les produits locaux et de saison.
(1) Web [www.toulouseweb-aero.com->http://www.toulouseweb-aero.com]