Le secteur aérien doit limiter ses émissions de gaz à effet de serre, dit Bruxelles.
A compter de 2011, les compagnies aériennes disposeront d’un certain nombre de quotas de CO2.
« On a évité le pire », soufflent les compagnies.
un article de Martin Buxant
Chacun porte sa croix. C’est, à peu de choses près, le message qu’a choisi de relayer la Commission européenne, mercredi, alors qu’elle annonçait que le secteur aérien devrait à l’avenir se plier aux impératifs de la lutte contre le réchauffement de la planète. « Nous prônons l’équité, a lancé l’eurocommissaire responsable de l’Environnement, le Grec Stavros Dimas. Et le secteur aérien, tout comme d’autres secteurs producteurs de gaz à effet de serre, doit prendre part à l’effort global de réduction des émissions de CO2 ». C’est qu’après l’aviation, les transports maritime et routier seront visés par des mesures similaires, a promis la Commission européenne.
Voilà donc le secteur de l’aviation civile qui rejoint – à l’horizon 2011 – le système des échanges de quotas de CO2 (dites « droit de polluer ») en place depuis 2005 pour quelque 12 000 entreprises européennes productrices de gaz à effet de serre. Selon le schéma établi, les compagnies aériennes qui n’épuiseront pas leurs quotas de gaz à effet de serre pourront le revendre à la bourse au CO2. En théorie, ceci doit aider l’Union européenne à rencontrer les objectifs du protocole de Kyoto, un traité qui vise à réduire de 8 pc les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2012.
Guerre commerciale
Les émissions du secteur aérien interviennent à hauteur de 3 pc du total des rejets de gaz à effet de serre. Ainsi, un passager d’un vol (aller-retour) entre Londres et New York génère « grosso modo » la même quantité de gaz à effet de serre qu’une personne chauffant son habitation pendant une année entière, fait valoir la Commission. Si les vols intra-européens devront se plier à l’achat et à la vente de leurs droits de polluer à partir de 2011, les liaisons entre l’espace aérien européen et le reste du monde ne seront soumises à la « taxe » CO2 qu’en 2012.
Une année de délai, donc. Mais obtenue de haute lutte : certaines compagnies aériennes américaines et asiatiques se sont déclarées prêtes à assigner la Commission européenne devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si Bruxelles ne postposait pas son projet d’une année. « Pour l’heure, on évite temporairement la guerre commerciale, observe Françoise Humbert, de l’Association européenne des compagnies aériennes. Mais ce système doit absolument être établi à l’échelle mondiale sous peine de n’avoir aucun impact environnemental. Par contre, les compagnies européennes souffriront de la concurrence des compagnies non soumises au système », termine Françoise Humbert.
Etranglement
Mais n’allez pas croire, cependant, que la Commission européenne a enfilé l’uniforme du parfait petit soldat vert. Interrogé mercredi, Stavros Dimas a démenti avoir subi des pressions de certains commissaires européens afin de rendre le système d’échanges des quotas plus favorables aux compagnies aériennes. A voir : « Nous sommes intervenus auprès du commissaire Jacques Barrot (Transports) et Peter Mandelson (Commerce extérieur) pour qu’ils intercèdent en notre faveur, rapporte, sous couvert d’anonymat, un expert du secteur aérien européen. Le projet initial de la Commission européenne allait étrangler de nombreuses petites compagnies aériennes européennes ».
Dans un premier temps, les compagnies aériennes se verront attribuer la quasi-totalité des droits de polluer gratuitement, ceux-ci seront basés sur des plafonds correspondant à la moyenne des émissions enregistrées au cours de la période 2004-2006.