Pour une vraie gestion de l’aéroport de Bruxelles National

Le 10 mai le Conseil d’Etat a rendu trois arrêts importants concernant la gestion des vols à Bruxelles National. Ils disent clairement la constitutionalité des normes de bruit établies par un arrêté de la Région de Bruxelles-Capitale en 1999. La Région de Bruxelles dispose à nouveau des moyens nécessaires pour exiger une solution durable, qui mette fin à l’insécurité juridique et qui garantisse l’habitabilité de la ville. Cependant, le modèle institutionnel bruxellois limite toujours l’action du gouvernement régional. Il est probable que les partis flamands – ou certains d’entre eux – continueront, en dépit de la décision du Conseil d’Etat, à s’opposer à la perception des astreintes qu’une décision de la Cour d’Appel de Bruxelles en juin dernier (déjà !) autorise la région de Bruxelles-Capitale à réclamer en cas de non-cessation des infractions à l’arrêté bruit. C’est le moment de rappeler que la perception des astreintes ne constitue pas un but en soi ; elles ont pour seul objet de contraindre le gouvernement fédéral, seul habilité à définir les procédures de vol, à adopter -enfin – une politique de gestion de l’aéroport national qui tienne compte de la nécessité de minimiser les nuisances engendrées par son exploitation.


Après cette décision du Conseil d’Etat, une réponse est en effet attendue du pouvoir politique fédéral. Le gouvernement fédéral ne peut plus attendre l’échéance électorale de 2007. Le ministre de la Mobilité devra donner des ordres à Belgocontrol pour que les avions les plus bruyants ne survolent plus Bruxelles.

Le moment paraît adéquat pour organiser une autre répartition des vols, en collaboration avec les régions, qui sont compétentes en matière d’environnement. Il importe de rappeler que les normes de bruit bruxelloises, calquées sur les recommandations de l’organisation mondiale de la santé, sont raisonnables. Elles n’interdisent le survol de la Région qu’à 5 à 10 % des avions, les plus bruyants. Il n’y a donc aucune raison de prétendre qu’elles menacent l’exploitation de l’aéroport. Il n’est pas non plus nécessaire que leur application conduise à un accroissement des nuisances subies par les habitants de la Flandre. Il apparaît au contraire vital que ses habitants réclament de leur Région l’adoption de normes similaires. Tout citoyen, quelle que soient sa langue et son lieu de résidence, a droit au sommeil et à la sécurité.


Malheureusement, les carences historiques dans la gestion de la politique aéroportuaire en Belgique, et en particulier une politique d’urbanisation outrancière aux alentours de l’aéroport, que ce soit sur le territoire de la Région flamande ou de la Région bruxelloise, rendent aujourd’hui la réalisation de cet objectif difficile.

Difficile, mais pas impossible, à condition que le dossier soit géré par le gouvernement fédéral sans parti pris communautaire.

Deux options se présentent à lui. La première est celle de la délocalisation de cet aéroport si mal situé dans la banlieue de la capitale de l’Europe. Cette solution aurait le mérite de préserver l’emploi en Belgique et même d’en générer d’avantage via les travaux d’infrastructure. Il serait logique dans ce cas-là de consulter nos voisins du Nord de la France qui sont eux aussi demandeurs d’une nouvelle installation aéroportuaire. En ce domaine il apparaît particulièrement pertinent de mettre en œuvre des synergies transnationales.

La deuxième solution est celle d’une transformation de cet aéroport en aéroport urbain, solution qui a déjà été mise en œuvre dans beaucoup de villes européennes et américaines. Cela implique la fermeture de l’aéroport durant la nuit et l’abandon des activités de fret qui peuvent être délocalisées vers d’autres aéroports. Il ne peut être question non plus de suivre la stratégie de développement poursuivie par l’actionnaire principal de l’aéroport, le consortium d’investissements australien Macquarie. L’aéroport de Bruxelles n’est pas adapté à une activité de hub et n’a pas non plus vocation à accueillir des compagnies low cost. Il doit demeurer l’aéroport de la capitale de l’Europe : desservir les capitales européennes par des vols réguliers, qui répondent à la demande de la majorité de la clientèle d’affaires qui est également celle qui génère des revenus importants pour Bruxelles.


Dans un aéroport urbain rendu à sa vocation naturelle, la gestion des trajectoires de vol deviendra simple. Il sera possible de concentrer les survols, désormais uniquement diurnes, sur les trajectoires les plus favorables, compte tenu de la sécurité des opérations et de la densité des zones survolées. Le nombre de victimes des nuisances engendrées (aujourd’hui plus de 300.000 !) en sera considérablement réduit. Il sera alors possible de les exproprier ou de les dédommager du préjudice subit. La quasi-totalité des aéroports européens indemnisent les riverains des préjudices qu’ils subissent. A Bruxelles-National, un fonds destiné à cette indemnisation avait bien été instauré en 2000. Il n’a jamais été activé, parce que la dispersion des vols en décuplant le nombre de victimes a rendu toute indemnisation impayable.

Voilà plus de dix ans que les victimes des nuisances engendrées par le trafic aéroportuaire de Bruxelles National se battent pour la reconnaissance de leurs droits. Aujourd’hui, la décision du Conseil d’Etat leur a apporté une lueur d’espoir. Elles espèrent que le gouvernement fédéral, ainsi mis face à ses responsabilités, aura le courage politique nécessaire pour adopter un plan de gestion durable de l’aéroport de Bruxelles-National.

(texte paru dans La Libre Belgique des 20 et 21 mai 2006 sous la signature de Caroline Sägesser)