Arbitre côté cour, Landuyt introduit un recours en cassation contre Bruxelles côté jardin…

Pas de nuit de noces pour les vols de nuit ! Après douze heures de palabres, des flèches dessinées en tous sens et quelques portions de frites pour sustenter les négociateurs affamés au milieu de la nuit, les discussions entre le gouvernement fédéral, Bruxelles et la Flandre ont été suspendues ce samedi, à 3 h 30 du matin.

Officiellement, la troïka devraient se revoir, ce mardi, pour un nouveau ballet aérien. Un temps nécessaire, selon Bruxelles, afin de faire analyser la faisabilité technique des dernières propositions flamandes, qualifiées par le ministre-président Charles Picqué (PS) de « surprenantes ».

Comme nous l’évoquons ci-contre, quatre points majeurs de discorde demeurent sur la façon de protéger les zones les plus densément peuplées des vols de nuit. Mais la « surprise » évoquée par Charles Picqué venait sans doute autant des propositions flamandes que de l’attitude du ministre fédéral de la Mobilité. Outre son incapacité à proposer un compromis, Renaat Landuyt (SP.A) a en effet annoncé, ce dimanche, qu’il avait introduit un recours en cassation contre la décision de la cour d’appel de Bruxelles.

Rappelons que cet arrêt permet à la Région bruxelloise d’exiger, depuis dimanche, des astreintes en cas de non-respect des normes de bruit lors des mouvements vers et au départ de l’aéroport de Bruxelles-National. Or, Bruxelles a décidé de mettre au frigo l’application de ce jugement le temps des négociations. Suite à la menace de Picqué d’actionner ce levier, Landuyt avait clairement enjoint Bruxelles de laisser cette arme au placard au prétexte qu’on ne peut en même temps tirer et négocier. Même si ce recours en cassation ne suspend pas la décision de la cour d’appel, le ministre fédéral n’a-t-il pas choisi à son tour de « tirer » ? Non, répond au « Soir » Renaat Landuyt. Introduire ce recours constitue une défense et pas une attaque. Je veux la paix mais je n’avais pas le choix. S’il y avait eu un accord, j’aurais pu prendre le risque de ne pas introduire ce recours qui n’aurait plus été valide après le 15 octobre…

Déclarant souhaiter plus de clarté juridique sur la répartition des compétences, Landuyt estime que les normes de bruit doivent revenir au fédéral : C’est comme pour la mer du Nord, explique-t-il. Ce qui se passe en l’air doit dépendre du gouvernement fédéral. Or, la loi spéciale sur les compétences n’est pas claire à ce sujet.

Qu’en pensent les décideurs bruxellois ? Charles Picqué (PS) se tait dans toutes langues pour ne pas crisper les positions. Ministre bruxelloise de l’Environnement, Evelyne Huytebroeck (Ecolo) est plus diserte : Ce recours me choque, concède-t-elle. Le ministre Landuyt a toutes les cartes pour répondre aux objections de la cour d’appel et il introduit un recours en revendiquant des compétences régionales. Bruxelles ne sera pas le dindon de la farce dans cette affaire.

Côté bruxellois, on souligne que ce recours n’aurait pas de chance d’aboutir vu que les Régions sont compétentes pour le bruit. La tactique de Landuyt, c’est de gagner du temps en jouant le jeu de la Flandre qui veut diviser Bruxelles, note ce négociateur.

Le gouvernement fédéral couvre-t-il son ministre ? Au cabinet de la vice-Première Laurette Onkelinx (PS), on minimise : Un ministre n’a pas besoin d’aval pour aller en cassation. Nous savions dès juin qu’il irait contre cette décision. Et tous les acteurs autour de la table de négociations le savaient…

Au MR, le vice-Premier ministre Didier Reynders ne veut s’exprimer ni sur la décision de Landuyt ni sur son caractère potentiellement explosif pour le gouvernement fédéral. On s’y borne à rappeler le mandat unanime délivré à Landuyt pour arriver à une solution avec les Régions.

CHRISTOPHE SCHOUNE FRÉDÉRIC SOUMOIS – lundi 17.10.2005