Le jugement intervenu sur l’utilisation intensive de la piste 02

(n° 3-501)

Mme Isabelle Durant (ECOLO). – Saisi en référé par 67 riverains, le tribunal de première instance de Bruxelles impose dans son jugement la cessation provisoire de l’utilisation intensive de la piste 02 pour les atterrissages.
Ce jugement et ses attendus confirment largement les recommandations de l’étude AAC que le ministre avait, à l’époque, balayée d’un revers de la main, considérant qu’il ne fallait pas en tenir compte. Ce jugement ne concerne d’ailleurs qu’un des aspects de la politique de dispersion sur la fameuse piste 02/20, mais c’est l’aspect principal puisque tout le plan de dispersion repose sur le principe de décollages et d’atterrissages sur cette piste-là.
Monsieur le ministre, quelques heures après la publicité de ce jugement, la RTBF relatait votre intention de ne faire appel de ce jugement que si cette décision était prise collégialement par l’ensemble du gouvernement. Je m’en
étais réjouie. Cependant, une heure plus tard, selon l’agence Belga, vous déclariez que vous iriez en appel sans en référer au conseil des ministres, et cela en dépit du fait qu’au super conseil de Petit-Leez de janvier 2004,
auquel participait votre prédécesseur, il avait été décidé que toute la problématique de la politique aéroportuaire serait, jusqu’à nouvel ordre, gérée collégialement par l’ensemble du conseil des ministres. J’avais trouvé
cette décision plutôt rassurante.

De plus, un mois plus tôt, en décembre 2003, il avait été décidé que ce plan de dispersion n’était que provisoire, qu’il serait soumis à évaluation sur la base d’un cadastre du bruit. J’ai toujours considéré qu’il s’agissait
d’une fumisterie, mais cela, c’est un autre problème.
Un an plus tard, il n’est plus question d’évaluation – en tout cas, nous ne voyons rien venir – bien que tout au long de la saga DHL, tous les acteurs gouvernementaux du dossier aient déclaré que ce plan ne fonctionnait pas et qu’il était responsable de nuisances excessives.

Je suppose que, fort de ces déclarations, vous allez réagir ici comme ce fut le cas en 2003. À l’époque, c’est un jugement, avec menaces d’astreintes, qui avait soi-disant poussé le gouvernement à opter pour la dispersion des
vols. Vu la menace de devoir payer des sommes astronomiques, le gouvernement avait décidé d’urgence un changement complet de politique. Je suppose qu’aujourd’hui, ce jugement va vous inciter à revoir ce plan en profondeur,
de manière à éviter les astreintes.

J’ose donc croire que c’est dans la précipitation que vous avez fait les déclarations auxquelles je me suis référée et que c’est en conseil des ministres que vous prendrez position et que vos partenaires, s’ils sont cohérents avec leurs homologues bruxellois, opteront pour une révision
complète du plan. Sauf accès de schizophrénie aiguë, le contraire serait d’ailleurs incompréhensible de leur part.
Je vous pose donc deux questions précises. Entendez-vous laisser au conseil des ministres la compétence de décider si oui ou non il y a lieu de faire appel? Utiliserez-vous le délai de trois mois que vous laisse le jugement
pour, enfin, procéder non pas à l’une ou l’autre retouche, mais à la révision complète du plan? Si vous touchez à la piste 02/20 vous serez en effet obligé de revoir l’ensemble du plan. La problématique des zones densément peuplées reste pour moi le seul motif d’orientation de la
trajectoire des avions.

M. Renaat Landuyt, ministre de la Mobilité. – Je vais tenter de répondre le plus clairement possible à vos deux questions, madame.
Je vous suggère, en premier lieu, de lire attentivement le jugement. À mon sens, il s’agit d’une chance perdue pour les habitants de l’Oostrand. En effet, le juge n’utilise aucun de leurs arguments, si ce n’est qu’il part du
constat qu’un aéroport n’a pas sa place à côté de Bruxelles. C’est le seul argument repris par le juge, ce qui ne nous apporte aucune aide dans l’évaluation en cours.
Nous poursuivons donc celle-ci. Une première réunion avec des représentants des gouvernements flamand, bruxellois et fédéral a eu lieu le 1er décembre. Une autre réunion est fixée au 21 décembre, soit au cours de la semaine
prochaine.

L’évaluation se base sur le cadastre du bruit réalisé pour la période du 15 avril au 15 juillet. Nous essayons de trouver une base objective pour apporter une solution à un dossier au sujet duquel il me semble plus facile de prendre position que de prendre une décision !

J’en viens à votre deuxième question : que vais-je faire durant le délai de trois mois fixé par le jugement ? Je dois vous dire que les membres du kern, lesquels représentent chaque parti de la coalition, ont marqué leur
satisfaction quant au fait que ce mandat m’incombe. Ils savent que je prendrai mes responsabilités en la matière.
Mon problème est le suivant : durant le délai imparti, on ne peut laisser subsister une vérité juridique basée sur le fait qu’un aéroport ne peut se trouver à proximité d’une grande ville comme Bruxelles. C’est le principe de
base dont tout dépend, aucune autre argumentation n’étant avancée. Ce principe ne peut en aucune façon constituer une vérité juridique.

Ce jugement n’a aucune influence sur la manière dont nous effectuerons l’évaluation, si ce n’est qu’il fixe une date.
Il est prévu que le gouvernement fédéral dans son ensemble essaie de prendre ses responsabilités, même si les autres gouvernements ne prennent pas les leurs.

A l’heure actuelle, nous essayons de convertir le plan de dispersion en accord de dispersion !

Mme Isabelle Durant (ECOLO). – Nous n’avons pas tout à fait la même lecture du jugement, monsieur le ministre. J’y ai trouvé beaucoup d’autres éléments que la question de la situation de l’aéroport aux portes de Bruxelles.

Vous dites qu’il est plus facile de prendre position que de décider. Or, vous savez pertinemment bien que des décisions ont été prises. Je sais, pour ma part, combien la décision est nécessaire et indispensable. Croyez bien que si je vous interroge aujourd’hui, c’est moins pour prendre position que
pour vous pousser à décider.

Vous nous dites que tous les membres du kern sont très heureux que ce soit vous qui preniez la décision d’aller en appel. Cela signifie que les partenaires du gouvernement se lavent les mains et vous laissent seul. Cela serait extrêmement préjudiciable. C’est un dossier difficile, sur lequel on ne peut faire autrement que de revenir à des
principes tels que par exemple l’interdiction de survol des zones les plus densément peuplées.

Enfin, j’espère que la question du cadastre du bruit et de l’évaluation en cours aboutira à autre chose qu’à confirmer la situation existante ou à faire du cosmétique.
Dans ce dossier, on est parvenu à fâcher absolument tout le monde, à créer des conditions qui ne sont pas sans rapport avec la décision prise par DHL, tant ce plan Anciaux mécontente tout le monde, y compris les opérateurs
économiques. Il est grand temps cette fois – et ce jugement vous en donne l’occasion -, dans les trois mois qui viennent, non seulement de le corriger mais de le revoir en profondeur. Certains arguments du jugement vous en
donnent l’occasion.

M. Renaat Landuyt, ministre de la Mobilité. – Mes propos ont été mal interprétés. Dans le gouvernement, chacun prend ses responsabilités. Il a en tout cas été convenu que l’évaluation devrait être achevée en février.
Entre-temps, j’ai déclaré que le contenu de la décision n’aidait pas les argumentations de l’Oostrand ».

En tant que ministre responsable, je cherche à trouver un équilibre et je suis prêt à entendre les arguments de chacun. Le problème est que le juge ne parle pas des arguments avancés au sujet de la piste 02. Il énumère d’abord les droits des riverains, ceux qui figurent dans les lois et les conventions internationales. Puis il ajoute qu’il faut mettre ces droits en balance avec l’intérêt économique du pays. Ensuite : « Dans le domaine des nuisances sonores aéroportuaires, nous constatons qu’en région parisienne, l’aéroport du Bourget a été fermé totalement et que l’aéroport d’Orly est fermé pendant
la nuit. Et de poursuivre : « On devra bientôt s’orienter vers la localisation des aéroports loin des villes. En Belgique, Chièvres ou le triangle Tubize-Enghien-Soignies ».
C’est pour cette raison que j’ai déclaré aux médias que le Noordrand a des revendications similaires, le juge devra suivre ce raisonnement puisque l’aéroport est situé en région urbaine. Je ne voudrais pas inquiéter les
habitants d’Enghien ou de Tubize mais c’est ainsi que les juges raisonnent aujourd’hui.

Mme Isabelle Durant (ECOLO). – Je ne suis pas ici pour défendre uniquement les habitants de l’est de Bruxelles. Je vous ai parlé du plan de dispersion dans son ensemble, sans me limiter à des arguments en faveur de la piste 02.
Je pense en effet que tout repose sur celle-ci. C’est en changeant son organisation que l’on pourra modifier l’ensemble du plan. Je ne défends pas l’un ou l’autre groupe, même si je pense qu’ils ont raison d’introduire des
recours à l’encontre du très mauvais usage qui est fait de cette piste.