Kinshasa – Bruxelles-National… via Ostende

Mardi 9 novembre 2004, 6 h 50. Le vol 352 – un Airbus A 330-300 de SN Brussels Airlines – en provenance de Kinshasa commence son approche sur Bruxelles-National. La météo n’est pas bonne. La piste en usage est la  » 25 gauche « . Mais, alors que la descente est amorcée, la tour donne une autre piste au pilote : la  » 02 « .

En vertu du plan Anciaux, on  » bascule  » le trafic de  » 25  » en  » 02  » par vent de secteur est supérieur à 5 noeuds. Mais il faut savoir que l’aide à l’atterrissage sur cette  » 02  » (l’ILS ou  » instrument landing system « ) est nettement moins performante que celle de la  » 25 gauche « . Ainsi un pilote peut se poser sur la  » 02  » s’il a un contact visuel avec le sol à 200 pieds (60 m) d’altitude ; sur la  » 25 gauche « , ce point est abaissé à 50 pieds (15 m).

Ce matin-là, en vue de la  » 02 « , le pilote remet les gaz (dans le jargon, il effectue un  » go around « ) et demande l’autorisation de se poser sur la  » 25 gauche « , soutenant que le vent est de 5,5 noeuds seulement – et que les avions sont certifiés jusqu’à 10 noeuds. Refus de la tour, qui avance une valeur de vent plus forte. Et lui enjoint d’atterrir sur la  » 02 « . Le commandant de bord décide alors de  » divertir  » (c’est le verbe consacré)… et met le cap sur Ostende ! Là, il refait le plein, avant de repartir avec ses passagers sur Zaventem, où le temps s’est entre-temps dégagé.

SN Brussels – qui confirme l’incident – a transmis le rapport de son pilote à l’administration de l’aéronautique et a officiellement demandé des explications à la tour et à Belgocontrol. Mais, selon plusieurs pilotes qui nous ont contactés (l’incident à fait le tour de l’aérogare !), quelle que soit la polémique entre le pilote et le contrôleur sur la force du vent, c’est le plan de dispersion des vols de l’ex-ministre Anciaux qui est en cause.

A Bruxelles-National, des décennies durant, 90 % des avions partaient de la  » 25 droite  » et se posaient sur la  » 25 gauche « , y compris par vent d’est jusqu’à 8-10 noeuds. La  » 02  » n’était utilisée que par vent d’est au-delà de 10 noeuds et la  » 20  » par vent de tempête venant du sud : cas de figure exceptionnels. Mais les cartes ont été totalement rebattues, cela afin de disperser au maximum les avions et leurs nuisances autour de l’aéroport.

Vu le temps qu’il faisait ce jour-là, entre une piste équipée d’un ILS de catégorie 3 et éclairée comme une autoroute (la  » 25 gauche « ) et une piste équipée d’un ILS de catégorie 1 et éclairée comme une route de campagne (la  » 02 « ), il n’y avait pas à hésiter, nous confie un pilote. Avant le plan Anciaux, on ne se serait jamais compliqué la vie, et le pilote n’aurait jamais été amené à procéder de la sorte !

Rapport de cause à effet ? Mardi soir, Biac, Belgocontrol, la Belgian Cockpit Association et la Belgian Air Transport Association , ont décidé que les normes de vent seront relevées de 5 à 8 noeuds sur la  » 25 « …·

WILLIAM BOURTON

© Rossel & Cie S.A. – Le Soir, Bruxelles, 2004