Verhofstadt veut vendre le ciel de Bxl

Le texte ci-dessous a été écrit par Antoine Henry de Frahan et a été publié dans l’Echo.

L’économie de la pollution est un domaine d’étude fascinant : de tout temps, la façon dont les sociétés se sont organisées pour gérer la pollution qu’elles produisent s’est trouvée au cœur de leur système socio-économique. De tout temps, ce que les uns (les « riches ») percevaient comme un indésirable déchet, d’autres (les « pauvres ») y ont vu une ressource exploitable.

Dans les sociétés traditionnelles, l’allocation de la pollution se règle à l’intérieur d’un pays ou d’une ville, selon l’échelle sociale : la caste inférieure, les intouchables, récolte les déchets, vit dedans et les exploite. Dans notre monde moderne, cette répartition sociale de la pollution se généralise à l’échelle planétaire : en simplifiant, disons qu’on reconnaît les pays pauvres au fait qu’ils se battent pour recueillir toutes sortes de pollutions produites par ou pour les pays riches.

Les chiffonniers restent pauvres

Cette poubellisation de certaines économies nationales n’est pas cependant pas innocente. Elle ne crée pas de développement. Au contraire elle active une spirale entropique, un cercle vicieux : le démantèlement progressif des barrières anti-pollution crée un effet d’appel pour encore plus de pollution, qui à son tour accélère le démantèlement de ces barrières. Peu à peu, le niveau général du pays se dégrade. Les acteurs économiques se spécialisent dans la chiffonnerie, et tout le reste disparaît. A court terme la poubellisation de l’économie anime peut-être l’activité économique et « crée de l’emploi » (à faible valeur ajoutée), mais à long terme, ce nivellement par le bas est un suicide économique. A-t-on jamais vu un chiffonnier devenir riche ?

Poubellisation de l’économie

Aujourd’hui, on constate le glissement progressif et délibéré de certains pays d’un statut enviable de pays riche (et donc exportateur de pollution) au statut d’économie-poubelle (importateur de pollution). Le cas de la Belgique est exemplaire, et en particulier l’attitude du gouvernement dans le dossier des vols de nuit au-dessus de Bruxelles : la doctrine implicite qui guide le gouvernement est que le salut économique et la création d’emplois passe désormais par l’accueil et le développement sur le territoire national d’activités polluantes et nuisibles (les vols de nuits et le survol, de jour comme de nuit, de zones à haute densité de population).

Qu’on ne s’y trompe pas : la dynamique ainsi mise en œuvre n’est pas une dynamique de développement économique durable. Ce qui est en train de se passer, au contraire, c’est la tiers-mondisation du pays. Elle ne conduira à terme qu’à plus d’appauvrissement et de décroissance. On retrouve dans les événements actuels tous les symptômes caractéristiques de la poubellisation : choix délibéré d’accueillir, de retenir et de développer les activités d’opérateurs économiques polluants et démantèlement progressif des barrières réglementaires anti-pollution. Comme si la Belgique n’avait pas d’autres choix que de vendre les nuits de ses citoyens et le ciel de sa capitale. En sommes-nous donc réduits à ces extrémités de misérables ? Et après avoir vendu notre ciel, que vendrons-nous ? Le prétexte du développement économique est un leurre. La réalité, c’est l’évolution du pays vers un statut de dépotoir.

Choisir l’innovation

Dans un pays développé, instruit et équipé comme le Belgique, on est en droit de vouloir une autre ambition. L’ambition économique, ce n’est pas de créer de l’emploi à court terme au prix d’une poubellisation du pays. Ce n’est pas transformer la capitale de l’Europe en bruyante arrière-cour d’aéroport. L’ambition économique, c’est soutenir l’innovation et développer des activités à haute valeur ajoutée. C’est faire de Bruxelles une ville attirante et digne de son rang de capitale de l’Europe.
Se battre pour la limitation drastique de la pollution sonore des avions au-dessus de Bruxelles, ce n’est pas seulement se battre pour les droits élémentaires et la santé des habitants du grand Bruxelles ; c’est aussi c’est se battre pour une ambition économique digne de ce nom pour la Belgique, ses régions et ses communautés.

Antoine Henry de Frahan
mailto:antoine@henrydefrahan.be