Le chantage à l’emploi
et les prévisions juteuses de DHL
ne résistent pas à l’analyse

Pour l’association Bruxelles Air Libre Brussel, les menaces de délocalisation agitées par DHL tout comme les perpectives alléchantes de création d’emploi ne résistent pas à l’analyse objective de la situation. Elles ont pour seul objectif de mobiliser gouvernement fédéral et les syndicats en faveur de l’extension des vols de nuit à l’aéroport urbain de Zaventem, au détriment évident du droit au sommeil de plus de 300.000 riverains déjà perturbés par trop de survols.

Pour la plupart, ces riverains sont cependant aussi des travailleurs. L’absentéisme, les accidents du travail, l’atteinte aux capacités de concentration et à la productivité de ces travailleurs, faute de sommeil réparateur, ne semblent inquiéter ni le gouvernement, ni les syndicats. Que dire des aptitudes à apprendre des enfants ou de la qualité de vie des familles survolées ?

Ces questions devraient cependant préoccuper gouvernement et syndicats, chargés défendre l’intérêt général des citoyens contre les abus de puissance économique de certaines sociétés privées. Leur liberté d’entreprendre ne s’arrête-t-elle pas là où commence celle des citoyens à jouir d’un sommeil indispensable à la vie ?

Une stratégie habile mais mensongère

Les dirigeants de DHL ont développé, depuis plusieurs années, des activités de lobbying aussi intenses qu’efficaces, auprès de la classe politique et du monde syndical belge. Carottes et bâtons y ont alterné au gré des situations.

Depuis l’interdiction des vols de nuit à Francfort et de la fusion de plusieurs sociétés de transport au sein d’une société DHL aux mains de Deutsche Post et Lufthansa, les opérations de séduction vis-à-vis de Zaventem n’ont fait que croître.

Le récent chantage à la délocalisation, assorti de juteuses promesses de création d’emploi est la dernière en date. Elle intervient habilement, à un moment où le Premier ministre peine à créer les 200.000 emplois qu’il a promis et où les travailleurs de la région ne sont pas encore remis du traumatisme de la fermeture de Renault et des faillites Sabena et City Bird.

Et pourtant, ces menaces de délocalisation et ces chiffres, souvent contradictoires, d’emplois sacrifiés ou créés ne reposent pas sur des réalités objectives.

Explications

DHL en Belgique

Le groupe se compose de 3 pôles aux activités bien distinctes : le quartier général de la société, le courrier express destiné à la Belgique et la plateforme d’échange européenne (hub).

DHL – Quartier Général

Cette entité n’a aucun lien direct avec les deux autres activités. Composée essentiellement de cadres supérieurs et de secrétariats, elle trouve en Belgique une main d’œuvre polyglotte et Bruxelles, avec sa verte banlieue, s’avère assez attractive pour ses cadres. Déménager ce quartier général serait extrêmement coûteux, en raison des primes de délocalisation à offrir à ses managers expatriés. Il restera donc à Zaventem, à proximité du siège l’Union européenne et de l’OTAN.

DHL – Courrier Express Belgique

Il est vrai que cette activité procure de nombreux emplois indirects et qu’elle peut être un facteur décisif pour l’implantation de nouvelles sociétés. De nombreuses sociétés internationales de courrier express ont un siège en Belgique. Pour DHL, cette activité génère la plus grande partie de son chiffre d’affaires en Belgique. Après avoir développé ce marché local et en être devenu le n°1, DHL ne va pas abandonner la place et laisser ce merveilleux marché à la concurrence Il restera donc à Zaventem, ou en tout cas en Belgique.

DHL – Hub européen

Ce secteur d’activité voit son développement contenu par la limite des 25.000 vols de nuit, que les riverains estiment déjà beaucoup élevée. S’il ne peut grandir, à Zaventem, DHL installera ce hub européen ailleurs – dans un environnement moins densément peuplé, – et c’est tant mieux. La Belgique n’est d’ailleurs pas exclue de ce projet de délocalisation, puisque des négociations sont en cours avec Bierset, malgré une opposition déclarée des riverains du pays de Liège.
Les activités du hub européen sont celles qui se prêtent le mieux à l’automatisation qui, à terme, pourrait approcher les 100%. Quoiqu’en disent les syndicats, la « rationalisation » de la main d’œuvre peu qualifiée de ce secteur sera exigée pour le maintien de la rentabilité de cette fonction. Nous n’aurons plus les emplois, mais nous garderons les nuisances !

Le hub européen peut donc quitter Zaventem pour une localisation plus adéquate.

DHL crée de l’emploi

Cette société parle tantôt de 2.700 emplois, tantôt de 4.700, et puis de 6.000 emplois et parfois même de 18.000, avec les emplois indirects. Difficile d’y voir clair. Lorsque le médiateur interroge DHL sur ses chiffres, il n’arrive même pas à savoir s’il s’agit d’équivalents temps-plein (DHL utilise beaucoup de temps partiels la nuit). Quant aux emplois indirects, ils dépendent surtout de l’activité Courrier Express Belgique, qui restera nécessairement au pays.

DHL supprime des emplois

Aucune étude sérieuse n’a jamais été entreprise pour chiffrer les emplois perdus suite à la politique « just in time » qui n’a pu se développer qu’à la faveur de l’arrivée du courrier express. Des secteurs comme celui des pièces de rechange ou l’industrie textile en Flandres, lui sont redevables de très nombreuses pertes d’emplois, dont on ne parle jamais.

DHL et les effets d’annonce

La société annonce 10.000 emplois directs en 2007 (à temps plein ? à durée indéterminée ?) ce qui représenterait une augmentation des effectifs de 28 % par an en moyenne, à mettre en rapport avec une augmentation annoncée du chiffre d’affaire de 5 % par an de 2004 à 2007 ! Or le transport de fret aérien est en baisse constante depuis 1997, de 4,7 % par an en moyenne en Europe…

Mais parallèlement à ces annonces, le directeur de DHL réfute le doublement des vols de nuit, qu’il ne peut encore chiffrer. Pour ne pas trop effrayer les riverains, sans doute.

DHL externalise ses coûts

Malgré la tentative de la Chambre des représentants, aucune étude coûts/bénéfices n’a été commandée par le gouvernement en vue d’établir la rentabilité finale de l’activité de courrier express de nuit. Si les bénéfices de cette activité sont incontestables pour les opérateurs et pour le gestionnaire de l’aéroport, sa rentabilité est loin d’être démontrée pour la collectivité. En effet, l’ensemble des coûts de santé, de sécurité sociale et de pollution de l’air et du sol sont mis à charge de la collectivité et ne sont pas chiffrés. Cette situation fausse la balance de ce secteur économique.

En conclusion, DHL souhaite rester en Belgique et verrait de préférence son développement autorisé à Zaventem, à moins de 2 km d’une ville d’un million d’habitants. Reste à savoir si gouvernement et syndicats sont prêts à sacrifier la santé et la qualité de vie de plus de 300.000 personnes à la réalisation de cet objectif, dont le nombre d’emplois gagnés ou perdus est loin d’être déterminé avec certitude.

Pour l’association Bruxelles Air Libre Brussel, il s’agit d’un choix de société et donc d’une responsabilité importante qui incombe au pouvoir politique.