Marie Nagy (ECOLO): Monsieur le président, monsieur le premier ministre, la déclaration de majorité du gouvernement violet choisit de privilégier la dispersion et la répartition des nuisances aériennes, au mépris de données aussi élémentaires que la densité et le nombre de personnes affectées par les retombées négatives d’une décision publique. Je me réjouis d’entendre que le PS remet en question la dispersion, mais elle figure en tant que telle dans l’accord de la majorité violette. Nous verrons par la suite qu’il s’agit d’un élément important, qui va conditionner le développement futur d’une agglomération d’un million d’habitants. On considère aujourd’hui qu’il est normal de la survoler, en négligeant la règle valable dans l’ensemble des décisions relatives à l’infrastructure; à savoir: la prise en considération du risque, du nombre de personnes concernées, de l’individualisation des droits, mais aussi des critères d’équité qui sont d’application partout dans le monde, sauf à Bruxelles.
Je n’aime pas beaucoup opposer une décision environnementale à une décision économique, car je pense qu’un projet lié à l’économie et à l’emploi durable ne se réalise jamais si l’on n’intègre pas la dimension environnementale. Il ne me semble pas qu’investir dans une société misant essentiellement sur le trafic aérien – alors que l’on connaît tous les problèmes que pose le transport aérien en termes environnementaux – soit une garantie de durabilité pour l’emploi. Il faut considérer l’ensemble des problématiques liées directement à cette question. Lorsque l’on entend les propositions de DHL, il convient de les mettre en parallèle avec les pertes d’emplois à la SNCB ou à la Poste, alors que l’on opère des investissements publics importants.
Comme l’emploi est une question très sensible, il faut traiter de ces sujets avec beaucoup de soin et de réflexion. On ne peut jamais opposer la dimension de la durabilité si l’on veut que les investissements soient aussi efficients que possible.
Monsieur le premier ministre, durant le week-end, vous avez décidé d’envoyer un signal à DHL pour lui permettre de développer en Belgique – et, de préférence, à Bruxelles-National – son très grand centre de tri. Cette décision de principe revient à accepter les termes de la négociation imposés par DHL; à donner une préférence à Zaventem pour son développement, à mettre en question le quota non encore atteint des 25.000 vols de nuit, mais prévu dans le permis d’environnement de l’aéroport. Cela revient aussi à différer la question à une date postérieure aux élections régionales, puisque vous fixez à septembre 2004 le moment où chacun saura de quoi il retourne vraiment, et ce, quel que soit le scénario: que DHL développe, totalement ou partiellement, ses activités à Zaventem ou que des opérateurs délestés sollicitent un aéroport wallon.
Si l’on se réfère aux documents présentés par DHL et à l’interview qui paraît aujourd’hui dans le quotidien « Le Soir », on constate que DHL ne se contente pas de doubler les vols de nuits. En effet, M. de Buck ne s’engage pas réellement sur un nombre. Il dit que le plafond des 25.000 lui semble difficilement compatible avec les investissements consentis et que le nombre de vols pourrait aller jusqu’à 32.000, 34.000 voire 35.000. Autrement dit, DHL passerait donc de 16.000 mouvements à une fourchette oscillant entre 25.000 et 35.000 mouvements.
Par ailleurs, DHL demande également qu’on lui garantisse une liberté d’accès sur 30 ans sans limite du nombre de mouvements nocturnes, ce sans aucune restriction en matière de bruit émis la nuit par les avions au-delà des normes minimales à l’échelon européen.
Je voudrais vous poser cinq questions, monsieur le premier ministre:
-# Avez-vous assoupli votre position en ce qui concerne le plafond des 25.000 mouvements autorisés la nuit à Bruxelles-National?
-# Est-il exact que les membres du gouvernement considèrent que d’autres limitations des nuisances sonores instituées sous la précédente législature comme les quotas de bruits saisonniers et/ou par mouvement pourraient également être abrogés ou revus à la hausse? Une telle mesure a-t-elle été exigée par DHL?
-# Le gouvernement compte-t-il réellement se baser uniquement sur les études confiées à la BIAC pour prendre attitude dans ce dossier ou compte-t-il commander certaines études ne passant pas par la BIAC? Dans l’affirmative, le ministre peut-il me dire lesquelles?
-# Le gouvernement pense-t-il réellement que des avions beaucoup moins bruyants, réduisant ainsi le volume de bruit émis, pourraient être mis sur le marché? De quelle manière le gouvernement envisage-t-il d’obliger DHL à acheter ce type d’avion? Pour permettre à DHL de développer son trafic de nuit tout en limitant l’augmentation du nombre de vols de nuit à partir de l’aéroport de Bruxelles- National, le gouvernement envisage de délocaliser les vols de nuit actuellement opérés par d’autres compagnies vers un ou plusieurs autres aéroports belges.
-# Le ministre réalise-t-il qu’attribuer à DHL la totalité des 25.000 mouvements nocturnes, actuellement autorisés à Bruxelles-National, revient, en réalité, à permettre une augmentation du nombre de décollages nocturnes des avions de DHL, qui sont évidemment les plus bruyants, de plus de 50% par rapport au nombre de vols actuellement autorisés? Je souhaiterais avoir une réponse précise à ce sujet.
Je me permettrai d’ailleurs, comme le président l’a dit, d’interroger le ministre Anciaux sur la mise en oeuvre de quatre nouvelles routes et sur son plan de dispersion. En effet, il me semble que, dans son avis, le Conseil d’Etat met le doigt sur un certain nombre de problèmes. Peut-être souhaiterez-vous faire des commentaires à ce sujet. En tout cas, pour ma part, je voudrais que l’on me dise quels sont les liens entre les décisions prises ce week-end et la décision du ministre qui sera effective dès ce soir.
Guy Verhofstadt, premier ministre (En français) : Concernant le plan de dispersion, une décision du conseil des ministres prise samedi autorise le ministre à poursuivre le plan de dispersion, en tenant compte des remarques du Conseil d’Etat qui, contrairement à ce que dit Mme Milquet, n’a pas interdit de disperser mais a exigé une meilleure motivation et des dispositions plus claires sur le plan de la sécurité. Je suppose que vous demanderez au ministre de la Mobilité de venir devant la commission pour apporter tous les renseignements nécessaires.
(En néerlandais) Je constate que la commission s’est réellement métamorphosée. Ces dernières années, j’ai été assailli de questions sur les nuisances et la nécessité de disperser les vols de nuit. Subitement, le thème de l’emploi prime, à juste titre d’ailleurs. Nous devons préserver l’emploi à Zaventem en occasionnant le moins de nuisances possibles. C’est la raison pour laquelle le gouvernement veille à disperser les vols et les nuisances.
Nous souhaitons rassurer DHL quant à sa volonté d’expansion. Avec Danzas et Deutsche Post, DHL constitue l’entreprise logistique la plus importante au monde. Le centre administratif de DHL se situe déjà à Zaventem. En outre, le nouveau groupe souhaite installer son quartier général opérationnel pour l’Europe en Belgique. C’est pourquoi le conseil des ministres a pris un arrêté-cadre qui garantit à DHL de pouvoir installer ce quartier général opérationnel en Belgique.
DHL a réagi positivement et a indiqué qu’à terme, le nombre d’emplois directs et indirects au quartier général opérationnel actuel à Zaventem pourrait doubler.
Le gouvernement fait montre de bonne administration en mettant tout en oeuvre pour convaincre cette entreprise de rester dans notre pays. Dans ce cadre, il est tout à fait possible de lancer la première phase d’extension de Zaventem en respectant naturellement les limitations existantes en ce qui concerne le nombre de mouvements et l’émission totale de bruit la nuit. En l’espèce, il s’agit d’une émission maximale de bruit de 84.500 quota count. Ce chiffre ne dépend pas uniquement du type d’appareil utilisé mais également du pourcentage d’atterrissages, domaine dans lequel il est possible de réduire les nuisances. Notre décision offre à DHL la garantie de pouvoir concrétiser ses projets d’expansion à Zaventem lorsque les cinq acteurs concernés seront parvenus à un accord. Si celui-ci ne devait pas intervenir, DHL a la certitude que nous proposerons un deuxième siège d’exploitation pour BIAC.
Nous garantissons donc à l’entreprise DHL qu’elle pourra conserver son quartier général en Belgique, que la première phase de l’expansion de ses activités pourra se faire à Zaventem, dans le respect des limitations en vigueur, et que nous entamerons dès à présent les pourparlers avec les 5 acteurs concernés afin de parvenir à un accord au 1er septembre.
Nous ne devons pas non plus perdre de vue qu’il convient de revoir à la baisse l’ensemble des nuisances sonores et qu’il ne s’agit donc pas uniquement de DHL. Nous pourrons également atteindre cet objectif en déplaçant d’autres activités exercées à l’aéroport, en modifiant le parcours des vols actuels, en investissant davantage dans l’infrastructure des aéroports, en modifiant le taux de chargement et en investissant dans la nouvelle génération d’avions peu bruyants. DHL a d’ailleurs déjà pris des initiatives concernant le taux de chargement et les investissements dans des appareils peu bruyants, comme les 757, dont le quota count est égal ou inférieur à 4.
L’abaissement du quota sonore global qui s’élève actuellement à 84.500 quota count par nuit à Zaventem ne peut être obtenu qu’en continuant à investir dans ces nouveaux appareils. Dans ce cadre, nous nous efforçons d’atteindre la normalisation plus stricte du « chapitre 4 ».
DHL et les autorités régionales ont réagi positivement à notre proposition. Il s’agit à présent de mettre les cinq acteurs sur la même longueur d’ondes avant le mois de septembre 2004. Nous sommes cependant réalistes et conscients qu’il n’y aura peut-être pas d’accord. C’est la raison pour laquelle nous recherchons, en parallèle, un deuxième site d’exploitation éventuel pour BIAC. Si aucun accord n’intervient dans les six mois, la solution de rechange que nous proposerons à DHL sera alors déjà prête.
(En français) BIAC a rendu publics, voici quelques jours, les résultats d’une étude concernant huit sites possibles pour son deuxième siège d’exploitation, tant en Flandre qu’en Wallonie. En fonction de la situation particulière de l’aéroport et des infrastructures existantes, les coûts variaient de 1.53 à 2.2 milliards.
(En néerlandais) Les conclusions rendues publiques la semaine dernière par BIAC à propos des études relatives aux 8 lieux d’établissement possibles concernent en grande partie des aéroports militaires ou régionaux. Aucun « greenfield » n’a fait, à ce jour, l’objet d’une étude. Un « greenfield » constitue un site actuellement inoccupé. Selon les conclusions de BIAC, le coût d’un second siège d’exploitation serait de 1,53 à 2,2 milliards d’euros, selon le nombre des riverains, les investissements qui seront nécessaires et l’infrastructure existante.
Nous avons décidé de réaliser une seconde étude, plus détaillée, en vue de trouver un site pour le second siège d’exploitation de BIAC. Si aucun accord relatif à l’extension de l’aéroport de Zaventem n’a pu être conclu au 1er septembre, un nouveau site devra être choisi.
Sur la base des études déjà mises en oeuvre, nous avons décidé que, si l’option d’un second siège d’exploitation devait être retenue, BIAC entrerait dans le capital de l’aéroport choisi. Il peut s’agir d’un aéroport existant ou d’un « greenfield ».
(En français) La décision est très claire : nous garantissons une possibilité d’extension à DHL ; la première phase peut se faire à Zaventem, dans les limites dont je vous ai parlé ; l’extension, à partir de 2010, se fera aussi en Belgique, à Zaventem si on trouve un accord entre les cinq acteurs. Si ce n’est pas possible, nous serons prêts, avant le 1er septembre, avec un choix pour un deuxième site d’exploitation. Avant le 1er septembre, on finalisera également la participation de BIAC au deuxième site.
(En néerlandais) Je me réjouis de constater que DHL et les autorités régionales sont disposées à rechercher dans ce dossier une solution dans les limites de la décision-cadre
L’incident est clos.