Intervention d’Yvan Vandenbergh
(Bruxelles Air Libre Brussel asbl/vzw)

C’est au nom des habitants de la Région de Bruxelles-Capitale, qui sont perturbés par les nuisances des vols de nuit, que je vous remercie de nous donner la parole.
Je prends la parole ici au nom des personnes survolées la nuit de longue date à Bruxelles/Haren, à Bruxelles/Neder-Over-Heembeek et à Evere. Au nom aussi des nouveaux survolés de la route de nuit Onkelinx et au nom des futurs survolés de nuit du plan de dispersion du ministre Anciaux.
Les riverains sont de plus en plus nombreux à exprimer leurs plaintes et leur souffrance et je regrette que le temps imparti ne me permette pas de vous lire les témoignages les plus pénibles.

Le monde économique quant à lui, se plaint aussi. Il se plaint parce que les riverains ne se taisent plus et émettent des plaintes qu’il qualifie de subjectives.

Je m’en tiendrai à la consigne, qui limite l’intervention aux seuls vols de nuit, non sans rappeler que la Région de Bruxelles-Capitale voit nombre de ses concitoyens survolés à basse altitude par 89,3 % des vols de jour. Les vols qui les réveillent entre 06 et 07 h du matin peuvent d’ailleurs difficilement être considérés comme des vols de jour, le Ministre Anciaux en a d’ailleurs tenu compte dans ses projets. 300.000 personnes sont actuellement perturbées par des vols de jour, des vols de nuit ou même des vols jour et nuit, comme à Haren, Neder et Evere.

Je ne vous parlerai ni de la de qualité de vie à laquelle plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants pourraient légitimement prétendre, ni du repos auquel ils ont droit. Je vous parlerai seulement de la souffrance d’êtres humains atteints dans leur santé physique et mentale, de leurs difficultés de concentration au travail ou à l’école, de leur absentéisme, de leur manque de productivité, de leur désespoir ou de leur révolte.

Est-il acceptable, dans une société évoluée et civilisée, de voir des citoyens privés de leur droit au sommeil par des réveils successifs occasionnés par l’activité industrielle d’un opérateur aérien ?

C’est tout cela qu’il faudrait être capable d’additionner et de quantifier, pour le mettre en balance avec le profit et l’emploi générés par les vols de nuit.

Le pouvoir politique se trouve là face à un choix de société.

Quelle est la demande des sociétés de courrier expres ?
La société DHL/Deutsche Post vous demande donc, par le biais du gouvernement, de pouvoir continuer à voler de nuit. Malgré, ou à cause, de la fermeture de nuit d’ aéroports beaucoup mieux situés, tels que Orly ou Genève, et même le géant de Francfort.

Si cette autorisation de vol de nuit n’est pas maintenue, DHL menace de délocaliser ses installations et, bien sûr, les emplois qui sont à la clé. Voilà un choix délicat lorsque le chômage est en hausse.

Mais il ne suffira pas de répondre OUI pour maintenir ces emplois. Avec le plus grand mépris pour les décisions prises par les responsables politiques de limiter les
mouvements de nuit à 25.000, cette société a aussi annoncé au Premier ministre qu’elle compte développer ses activités en Belgique et qu’elle envisage d’augmenter, voir de doubler le nombre de ses vols de nuit.

Tôt ou tard, il faudra donc accepter plus de vols de nuit au départ de cet aéroport urbain … sinon DHL menacera à nouveau de s’installer ailleurs.

Pourrez-vous les suivre jusque là ?
Sans quoi, il ne sert à rien de leur permettre aujourd’hui de continuer à voler de nuit.

Avec moins des 25.000 vols de nuit autorisés actuellement, la situation est déjà ingérable. Ni la concentration des vols au-dessus des territoires les moins peuplés voulue par le gouvernement Verhofstadt I, ni la dispersion de ces vols au-dessus d’un plus grand nombre de riverains voulue par
Verhofstadt II ne sont acceptables. Le seuil de tolérance est déjà dépassé. Le doublement des vols de nuit à Zaventem est « onbespreekbaar » dans toutes les langues.

Quel avenir pour l’aéroport urbain de Zaventem ?
Si la Belgique souhaitait tenir une place importante dans le secteur des vols de nuit, ce n’est pas en les implantant dans un aéroport situé à moins de 2 km d’une ville millénaire d’un million d’habitants, et au centre d’une région de plus en plus résidentielle, qu’elle pouvait espérer réaliser ce grand projet. Il y a eu là, pour le moins, une erreur de planification que les riverains ne sont pas prêts à payer au prix de leur santé.

Il n’y a d’autre solution que de programmer l’interdiction progressive de tout vol de nuit, en dehors des situations humanitaires urgentes, dont personne ne songe à contester l’absolue nécessité. Il faut aussi définir la place que la Belgique veut, et peut, occuper dans le ciel européen de 2010.

DHL est le principal responsable de la dégradation de l’image de l’aéroport de Zaventem. Si l’Etat fédéral veut maintenir une activité sur cet aéroport urbain, il s’impose qu’elle soit centrée sur une activité de jour limitée et liée transport des personnes vers les grandes villes de l’Europe élargie.

Le TGV se chargera bientôt lui-même de relier les villes situées à moins de 800 km, et Bruxelles est au centre de ce grand noeud ferroviaire. Pour les longs courriers, les 4 grands aéroports européens qui nous entourent, (bientôt à moins de 2 heures de TGV) ont une offre que nous sommes incapables de concurrencer.

Quant au fret, il n’est pas à sa place dans un aéroport urbain qui ne peut lui offrir les possibilités d’expansion qu’il exige. Washington DC l’a bien compris.

Zaventem ne doit pas devenir la poubelle des grands aéroports européens. Sa rentabilité peut être assurée avec un nombre de vols de jours limités en devenant un des aéroports les plus chers d’Europe (comme Tokyo en Asie) en profitant sa position incontournable.

C’est le rayonnement de Bruxelles qui fait l’attractivité de Zaventem et pas l’inverse. Favoriser l’exode des habitants de Bruxelles et en faire une ville bureau serait une erreur humaine, économique et urbanistique impardonnable.

Quelle est la réalité de la menace de délocalisation de DHL ?
Avant de s’interroger sur les conséquences économiques de l’interdiction des vols de nuit, il est nécessaire de s’interroger sur la réalité de la menace de délocalisation agitée par DHL. La situation actuelle convient bien à cette société et à ses associés nocturnes et il est normal qu’ils
mettent tout en oeuvre pour la maintenir. Agiter la menace de délocalisation est un argument de poids. Mais, où iront-ils s’installer, avec leur activité de vols de nuit ? Qui donc les réclame au centre de l’Europe ?

Interdits de vols de nuit un peu partout, il est probable qu’ils resteront à Bruxelles en décalant leurs vols de quelques heures.

Une récente étude de la société hollandaise KPMG précise les attentes des clients des sociétés de courrier expres : 95% attendent avant tout une garantie de livraison fiable de leurs colis que ces sociétés leur assurent et 79% exigent une livraison dans les 24 heures. Il est donc réaliste de pouvoir satisfaire une grande partie de la clientèle de DHL, sans devoir recourir aux vols de nuit.
Le reste n’est que du marketing publicitaire.

Quel est l’apport des vols de nuit pour l’économie du pays ?

Personne n’en sait rien, faute d’une étude objective.

Que les vols de nuit rapportent de l’argent aux opérateurs ne fait aucun doute, sans quoi ils arrêteraient de les organiser. Qu’ils en rapportent à BIAC et à Belgocontrol est évident, à voir l’énergie avec laquelle ils les défendent, même au détriment de l’image de leur aéroport.

Que les vols de nuit profitent à l’économie du pays n’a jamais été démontré. C’est tellement vrai, que vos collègues de la Chambre ont organisé une audition en fin de législature afin d’envisager la réalisation d’une étude coûts/bénéfices de cette activité extrêmement perturbante.
Cette étude n’a pas été commandée et nous sommes donc dans l’ignorance de ses résultats.

Si les bénéfices des sociétés sont aisément chiffrables, les coûts en termes d’atteinte à la santé ou de développement mental des enfants ne le sont pas, et les coûts assumés par la collectivité en soins médicaux, de sécurité sociale et de lutte contre la pollution n’ont jamais été chiffrés.

Si les bénéfices des sociétés sont aisément chiffrables, les coûts en termes d’atteinte à la santé ou de développement mental des enfants ne le sont pas, et les coûts assumés par la collectivité en soins médicaux, de sécurité sociale et de lutte contre la pollution n’ont jamais été chiffrés.

Quant aux colis transportés par DHL, ceux qui sont destinés à la Belgique y arriveront toujours. De jour si pas de nuit, en train si pas en avion. Cette activité économique n’a aucune raison de disparaître avec les vols de nuit, elle s’organisera autrement en prélude à l’interdiction des vols de nuit dans toute l’Europe.

Il faut aussi souligner que l’avion est le seul mode de transport à ne pas payer de droit d’accises sur son carburant et qu’il prive ainsi l’Etat de recettes auxquelles il pourrait prétendre.

La question de l’emploi
Le traitement des déchets est aussi porteur d’emploi, et pourtant des bateaux tournent en rond sur les océans avec des déchets dont personne ne veut. Le démontage des navires bourrés d’amiante, la production d’aluminium, le traitement du lisier, etc… génèrent aussi des emplois et cependant on
n’en veut pas en Belgique et certainement pas aux portes des villes.

OUI, les vols de nuit sont créateurs d’emploi, comme tout transport de marchandises. Le prix humain à payer pour le faire en avion et de nuit est-il compatible avec la notion de développement durable ?

NON, on ne peut tout entreprendre au nom de l’emploi.

On oublie souvent de souligner que les sociétés de courrier express sont aussi la cause de pertes d’emploi, notamment en permettant aux entreprises de travailler en flux tendus à partir du stock du pays d’origine, et en supprimant ainsi toute l’activité de stockage et la main d’oeuvre locale qui y était affectée. La livraison rapide de textiles de mode, souvent confectionnés en Asie, n’est-elle pas à la base du déclin de l’industrie textile en Flandre ?

Sur le plan humain
Parmi les quelques 300.000 personnes perturbées par les activités de l’aéroport il y a nombre de travailleurs d’autres entreprises Ils risquent aussi le chômage, si leurs performances baissent et leur capital santé diminue.
En envoyant des vols de nuit au-dessus de Bruxelles par la route Onkelinx élargie, on multiplie inutilement le nombre de personnes exposées aux risques et nuisances des avions.

En proposant la « répartition équitable » des vols de nuit le nouveau gouvernement devait évidemment bénéficier de l’approbation générale. Qui est opposé à l’équité ?

En réalité le survol de chaque citoyen par un nombre équivalent de vols de nuit, n’est pas une réalité et n’est pas réalisable pour des raisons techniques et météo. Ce n’est qu’une manière simpliste de rejeter sur d’autres les insupportables nuisances subies par le Noordrand.

Survoler tout Bruxelles la nuit pour épargner les énormes champs d’Erps Kwerps, avec quelques maisons facilement « expropriables » n’a pas de sens. Ces expropriations en vue de réaliser une zone inhabitée serait aussi rentable pour la gestion des vols de jours, après l’interdiction des vols de nuit.

Conclure
Les riverains de Zaventem sont unanimes pour demander la suppression progressive des vols de nuit et une limite au nombre total des vols admissibles à l’aéroport urbain de Zaventem.

Les habitants de Diegem et d’autres zones du Noordrand ont beaucoup souffert des vols de nuit, sans aucune mesure d’expropriation ou d’isolation, mais plutôt que de demander d’y mette fin, leurs représentants sont seuls à vouloir les disperser partout, même au-dessus d’une grande ville.

Pourquoi ? Parce qu’ils sont nombreux à travailler à l’aéroport (67% de l’emploi, contre 27% à l’Oostrand… et 3% à Bruxelles). Si leurs représentants ne veulent pas la fin des vols de nuit, ils sont bien les seuls. Dans ce cas qu’ils les prennent au-dessus de chez eux. Et qu’ils les prennent tous.

Mais il faut s’en remettre à la sagesse proverbiale des sénateurs pour prendre le recul nécessaire et
mettre fin aux solutions à la petite semaine, qui prévalent depuis la création de cet aéroport. Il faut commander l’étude coûts/bénéfices indépendante et définir sereinement la place que la Belgique veut, et peut, occuper dans le ciel européen de 2010, à l’abri de tous les lobbies et dans le respect des accords signés à Kyoto en faveur de la protection d’un système climatique en danger, auquel le
transport aérien n’est pas étranger.