Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, c’est au nom des centaines de milliers de Bruxellois, francophones en nederlandstalige, survolés quotidiennement à basse altitude par les avions de Zaventem, dès 06h du matin, et bientôt aussi 3 à 8 fois par nuit, que je vous remercie d’envisager cette étude inédite sur le rapport coût-bénéfice des vols de nuit à Zaventem.
Nous espérons d’ailleurs qu’un jour vous déciderez de faire pareil pour les vols de jour.
Nous nous étonnons que le Noordrand soit la seule association de riverains de la périphérie à être invitée ici. Est-ce parce qu’elle est la seule à ne pas demander la fin des vols de nuit ? Une mesure réclamée dans un mémorandum signé par toutes les associations de riverains de Zaventem, du Brabant flamand comme de Bruxelles (remis en séance).
Après tant de faux chiffres et d’information biaisées, entendues au cours des auditions, il est difficile de résister à la tentation de les corriger. Quand le Premier ministre vous dit, sans rire, que Bruxelles est survolé par un millier d’avions, alors qu’il s’agit de plus de 100.000, pourquoi me croiriez-vous plutôt que lui ?
Je vous invite donc à demander au médiateur pour l’aéroport de vous faire rapport sur tous les chiffres qui ont été cités ici et aussi à la table de concertation entre les 3 gouvernements.
Quelle est donc cette activité de nuit à Zaventem ?
Essentiellement du transport de marchandises pour la société DHL qui en a fait son principal centre de tri et de redistribution européen, une sorte de « hub » cargo.
Vous pensez-peut-être que DHL transporte des organes à greffer ou des fleurs rares.
Il suffit de voir leur dernière publicité dans la presse belge pour voir qu’il s’agit plus généralement de textiles prêts à porter ou de pièces de rechange pour voiture.
Tout cela justifie-t-il de réveiller 12.000 personnes en survolant Machelen ou 100.000 en survolant Schaerbeek ? C’est une vraie question.
En été, il faut encore ajouter un important trafic de charters, qui partent bien avant 06h du matin pour assurer une rotation de plus.
Mettre fin à ce trafic nocturne ne doit évidemment pas empêcher ABELAG de continuer à assurer le transport d’organes exceptionnels ou BELGOCONTROL d’assurer l’assistance des avions en perdition.
J’accepte d’être réveillé pour un foie à greffer, mais pas pour un ballot de vêtements d’Asie.
Cette activité nocturne profite-t-elle à l’économie ?
L’équilibre entre l’économie du pays et la sécurité et la santé des riverains est la clé de voûte de toute notre législation.
Que cette activité nocturne profite à l’économie des sociétés anonymes DHL et BIAC, et même de Belgocontrol, ne fait aucun doute, sinon elles ne développeraient pas un lobbying aussi intense pour vous convaincre de la maintenir.
Profite-t-elle à l’économie du pays, à l’économie de notre région, qui en subit largement les inconvénients ? Cela c’est beaucoup moins sûr et non démontré.
De manière générale, les coûts relatifs à ces survols de nuit ne sont pas pris en charge par ces sociétés. Ils sont tout simplement rejetés sur les individus et la collectivité. Ils concernent la santé physique (problèmes respiratoires, cardiaques et cancers liés à la pollution) et mentale (troubles du sommeil et de la concentration). L’INAMI et les hôpitaux de la région de Bruxelles assument une très grande part de ces soins de santé au profit de tous les survolés du Brabant et de Bruxelles. Il faudrait aussi comptabiliser les jours non prestés par les survolés pour maladie ou pour cause de sommeil insuffisant, et aussi les accidents de travail et de la route liés au manque de concentration, et encore la diminution de la productivité des insomniaques. Et puis comment monnayer les incalculables conséquences des résultats scolaires médiocres de toute une génération d’enfants survolés ?
On n’a jamais calculé l’impact financier que constitue pour notre région le départ tous ces Bruxellois, qui ont les moyens de fuir le bruit et la pollution, et qui vont dormir à Lasnes, à Braine l’Alleud ou à Afflighem, où ils payent aussi leurs impôts !
Il faudra en tenir compte dans cette étude. Comme il faudra tenir compte de la dévaluation d’un certain nombre de maisons, malgré la surchauffe de l’immobilier bruxellois.
Bruxellois coupables ou victimes ?
85% de décollages s’effectuent au-dessus de notre région, et bientôt 3 à 8 vols supplémentaires la nuit qui la traverseront de part en part. Un avion, qui survole Machelen à 03h du matin, suffit à réveiller 12.000 personnes. Quand il survole Schaerbeek, ce sont 100.000 personnes réveillées !
Bruxelles est souvent présentée comme égoïste et comme coupable des maux subis par les autres.
Pourtant, elle ne fait que mettre en avant un principe de précaution élémentaire : il faut exposer le moins de gens possible aux risques et nuisances des avions. Il ne s’agit pas de confort, mais de sécurité et de santé, garanties par le droit belge et européen.
La région de Bruxelles-Capitale compte la densité de population la plus élevée du pays et c’est elle qui affiche le plus grand nombre de personnes survolées. Elle est la principale victime des activités économiques de Zaventem, à propos desquelles elle n’a jamais été consultée et n’a pas de pouvoir.
Soyons clairs : Bruxelles n’a aucunement besoin d’un aéroport à ses portes, et certainement pas un aéroport avec une fonction de hub, de fret et d’activité nocturne.
Il y a une responsabilité politique, à faire payer les victimes de l’activité économique de quelques sociétés, et plus encore, lorsque l’argent gagné et les emplois ne leur profitent que fort peu.
La délocalisation
Si DHL ne peut plus voler la nuit, va-t-il partir. C’est lui qui agite cette menace. Le fera-t-il vraiment ? Qui, dans le centre de l’Europe, les réclame ? Où les veut-on finalement ? Peut-être à Bierset, qui a exproprié et isolé des dizaines de maisons avec de l’argent public ? Mais alors ce ne sera, pour la Belgique, ni une perte d’emploi, ni une perte de revenus, n’en déplaise à BIAC.
Nombre de grands aéroports européens ont commencé à fermer leurs installations la nuit sous la pression des riverains. Un jour, l’Union européenne imposera cette sage mesure à tous les aéroports et c’en sera fini du chantage à la délocalisation.
Le chantage à l’emploi
Peut-on vraiment tout faire au nom de l’emploi ? Mon voisin peut-il m’empester avec sa peinture cellulosique, sous prétexte que son garage a créé 3 emplois en carrosserie ?
Ici, nous avons les syndicats de DHL, mais où sont les syndicats des cheminots et des transports routiers ?
Ne vous y trompez pas, toutes ces marchandises transportées par DHL arriveront, de toute façon ici : en train ou en camion. Les emplois perdus chez DHL (souvent à temps partiel et de nuit) seront remplacés par des emplois chez les routiers ou à la SNCB, et pourquoi pas un Thalys cargo ? aussi rapide que l’avion pour Londres ou Paris.
Savez-vous que les avions ne payent pas de taxe sur leur carburant, contrairement à la SNCB et à la route ? La concurrence est donc déloyale. S’il devient moins cher d’envoyer des pièces de rechange par air que par train, alors nos nuits seront encore plus brèves.
Assumer les conséquences de ses choix
Si le pouvoir politique décide qu’il faut maintenir le transport aérien de marchandises et les charters la nuit, nous disons : en tout cas pas à Zaventem.
Il est impossible de trouver un endroit moins adéquat dans toute la Belgique (voir carte).
Densité de population et vents dominants ne rendent son exploitation possible qu’au mépris des droits de très nombreux riverains de Bruxelles et du Brabant flamand.
Créé par l’occupant en 1941, cet aéroport a grandi sans aucune étude d’impact. C’est toujours quand il devenait trop petit que les gouvernements successifs l’ont agrandi à la hâte, parce qu’il était trop tard pour en créer un autre. C’était déjà le cas à la veille de l’expo 58 et Monsieur Dehaene vient de déclarer à la presse : » en 1990 on n’aurait jamais dû agrandir cet aéroport « .
Et maintenant, on veut le développer pour amortir les frais engagés par BIAC dans sa nouvelle jetée, prévue pour doubler le nombre de passagers accueillis.
Les riverains de Bruxelles ne veulent pas de ce programme de développement, ni de cet objectif de 450.000 mouvements au lieu des 300.000 actuels. L’aéroport en deviendrait définitivement insupportable pour tous.
Il n’y a d’autre choix pour l’aéroport urbain de Zaventem que de centrer son activité sur les vols passagers européens de moyenne distance. Pour les courtes distances il y a le TGV et pour les longs courriers il y a l’offre inégalée de 4 grands aéroports mieux localisés et à moins de 2h de TGV. Le fret, la fonction de plaque tournante (hub) et les vols de nuit n’ont pas leur place dans un aéroport dont les pistes se terminent à moins de 2 km d’une ville d’un million d’habitants entourée des nombreuses zones résidentielles en Brabant flamand, qui se sont développées bien avant cet aéroport.
Pour l’aéroport de Zaventem, limiter ses activités est sa seule chance de survie.
Maigrir pour survivre, ou alors c’est la délocalisation, comme à Munich et ailleurs.
Yvan Vandenbergh