Front commun des riverains

1. Constatations

De plus en plus, le transport aérien est devenu une composante de notre société. Le transport aérien rend possible le déplacement relativement rapide de personnes et de marchandises à travers le monde entier. Le transport aérien génère de nombreuses opportunités en matière d’emploi et de développement économique, mais il génère aussi des coûts conséquents pour l’ensemble de la collectivité – coûts sociaux, environnementaux et médicaux. La politique actuelle est de tout faire pour favoriser le développement permanent de ce secteur au lieu de l’intégrer dans l’ensemble de la problématique des transports et de leur contribution au développement durable.

Heureusement, cependant, de plus en plus de voix s’élèvent pour exiger que l’évaluation des opportunités, des risques et des coûts du transport aérien se fasse sur des critères au moins aussi stricts que ceux appliqués à l’industrie dans son ensemble.

Coûts

Nul ne conteste plus que le transport aérien et donc les aéroports représentent des coûts pour les collectivités. Selon la Commission Intergouvernementale sur le Changement
Climatique (CICC rattachée à l’ONU), les émissions de gaz carbonique du transport aérien (C02) représentent 13% des ceux dus aux transports. Tous gaz confondus, la pollution
causée par les avions, contribue au renforcement de l’effet de serre à hauteur de 10 % au niveau mondial.
Beaucoup d’aéroports sont parmi les 10 plus importantes sources de pollution dans leur ville. Aux abords des aéroports et dans les zones survolées, la population, la faune et la flore subissent des nuisances importantes. L’avion génère aussi une pollution sonore très
importante. L’avion est le moyen de transport le plus polluant par passager au kilomètre. Il entraîne donc
les coûts externes les plus élevés – coûts non payés par le secteur lui-même mais mis à charge de la communauté (pollution de l’air, problèmes de santé, nuisances sonores …).

Le secteur du transport aérien se trouve aussi fortement subsidié : pas de TVA sur les billets, pas de droit d’accise sur le kérosène à la différence de l’essence utilisée par le secteur automobile. Cette subsidiation indirecte permet une croissance rapide du secteur
des transports le plus polluant, ce qui constitue une violation flagrante des principes énoncés dans le Traité de l’Union Européenne et Traité d’Amsterdam [[art. 174 §2 Traité Union Européenne & art.6, Traité d’Amsterdam : « les exigences en matière de protection de l’environnement doivent êtres intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de la Communauté ».]]
Cette croissance provoque à son tour une croissance des coûts externes. C’est ainsi que le transport aérien peut offrir des vols à des prix extrêmement bas, ce qui lui ouvre des perspectives de croissance continue dans le non respect de la libre concurrence des moyens de transport (train/avion), de la protection de l’environnement et de la santé des populations [[art. 174 §2 Traité Union Européenne & art.6, Traité d’Amsterdam : « les exigences en matière de protection de l’environnement doivent êtres intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de la Communauté ».]].

Une étude récente [[DINGS J., CE Solutions for environment, economy and technology, External costs of aviation, Delft 2002.]] exécutée par le bureau d’études néerlandais CE confirme que le prix payé pour un billet d’avion ne couvre certainement pas les coûts réels d’exploitation. Si tous les frais externes étaient pris en charge par le secteur lui-même, et donc par les passagers,
les billets d’avion verraient leur prix enchérir. Le prix moyen d’un billet devrait augmenter de 25 à 30 %, ce qui reviendrait à une augmentation de 600 à 1.200 Euro.
Il ressort d’autre part d’une étude Européenne en 2000 que les dépenses de santé résultant des nuisances sonores atteignent en Belgique 22 millions d’euro (880 millions d’anciens FB).

Le récent rapport [[Plan d’amélioration structurelle de la qualité de l’air et de lutte contre le réchauffement climatique – Région de Bruxelles
Capitale -2002-2010 p. 2 1.]] publié par l’IBGE évalue – pour la seule région bruxelloise – « les coûts annuels externes dus à la pollution atmosphérique pour la santé à 811 millions d’Euro, les coûts annuels associés à la mortalité supplémentaire dus principalement aux particules et au S02 « à 653 millions d’Euro, ». Le coût de la santé de l’exploitation de l’Aéroport de Bruxelles;National serait de 118.584 millions Euros par an [[Rapport Epervier, AWACSS.]].

L’environnement

Selon une étude du « International Panel on Climate Change », l’ IPCC [[Intergovern mental panel on climate change, Aviation and the Global Athmosphere, Cambridge
1999.]], confirmée par
Eurocontrol, il, faut s’attendre à voir augmenter les rejets de CO2 par les avions de 100 à 1000 % d’ici 2050 si le trafic aérien continue de croître à son niveau actuel.
Si l’on veut respecter l’accord de Kyoto en matière de réduction des émissions de C02, on ne peut ignorer l’énorme quantité de CO2 émise par l’aéroport de Bruxelles-National. En 2000 l’aéroport de Bruxelles-National était responsable du rejet de 450.000 tonnes de CO2.

Il en va de même si on veut respecter la directive Européenne NEC [[Intergovern mental panel on climate change, Aviation ànd the Global Athmosphere, Cambridge
1999.]] par laquelle des maxima contraignants sont imposés pour le rejet de matières acides et productrices d’ozone. Pour respecter les impératifs de réduction de cette directive, une réduction des vols à Zaventem est indispensable.

Pour arriver à maîtriser les effets du transport aérien sur le milieu, il est nécessaire, et urgent, de rétablir l’équilibre dans los conditions de concurrence entre le transport aérien, favorisé, et les autres moyens de transport. Les moyens de transport alternatifs deviendront
plus concurrentiels lorsqu’un prix équitable sera enfin payé pour les billets d’avion. Un effort particulier doit être fourni pour décourager l’usage de l’avion sur les courtes distances (inférieures à 800km). Ces vols sont les plus polluants et ils doivent être évités dans toute la
mesure du possible.

Une étude récente de la UK Royal Commission on Environmental Pollution, « The Environmental Effects of Civil Aviation in flight » le démontre clairement. Dans cette étude est émise la proposition d’une taxe sur les billets d’avion, et d’un arrêt à l’extension des
aéroports par la hausse des droits d’atterrissage et de décollage. Cette étude dénonce les vols à courte distance comme les plus dommageables pour le milieu.

Les vols inférieurs à 800 km doivent pour cette raison être frappés d’une taxe dissuasive aussitôt qu’existe une alternative TGV. Ce réseau TGV est financé en grande partie par des fonds publics afin de permettre une liaison rapide et moins nocive pour le milieu entre les
grandes villes européennes. S’il n’était pas fait usage de ce réseau TGV pour la liaisonentre les grands centres européens, cette réalisation aurait surtout été bénéfique à quelques
entrepreneurs et pas au grand public. L’autorité publique se ferait concurrence à elle-même,
gaspillant l’argent du contribuable, une politique injustifiable que les citoyens ne peuvent
accepter [[Il va de soi que les capacités libérées dans les aéroports ne pourront pas être utilisées pour d’a utres
vols…]].

Nous préconisons donc l’introduction d’une taxe d’accise sur le kérozène et d’une TVA sur les titres de transport [[La Norvège l’a fait en 1999 et a ainsi réduit les émissions de C02 de 300.000 Tonnes par an]] lier les taxes d’atterrissage / de décollage au niveau de pollution des avions comme l’a fait la Suisse depuis plusieurs années afin d’inciter les compagnies aériennes a utiliser les moteurs les moins polluants. On a bien imposé ces taxes à l’industrie automobile et aux automobilistes, pourquoi déroger au principe de « pollueur-payeur » pour l’aviation ?

La santé

L’aggravation de l’effet de serre n’est qu’un des problèmes. Au niveau local aussi le secteur du transport aérien cause des dégâts considérables. Pour les centaines de milliers de riverains de l’aéroport de Zaventem, comme pour les riverains de tous les aéroports, les nuisances
sonores constituent le problème le plus immédiat. Si le bruit est aussi dérangeant de jour, c’est de nuit qu’il entraîne les conséquences les plus graves. Des études de plus en plus nombreuses [[De nombreuses études sur le bruit (nocturne) ont paru. En voici quelques-unes:
– Gezondheidsraad, Grote Luchthavens en Gezondheid, september 1999, Knipschild e.a., 1997;Evans e.a., 1998
;Tsan-Ju-Chen e.a., 1997.
– study about neighbouring of the Taiwan airport ;American Academy of Pediatrics, 1997 ;Van
Willigenberg e.a., 1996 ;Tamopolsky e.a., 1980 ;Bullingen e.a., 1999 ;Nicholson e.a., 1987.]] démontrent que le bruit nocturne est à l’origine de nombreux problèmes de
santé chez les riverains d’aéroport. Hypertension, taux élevé de cholestérol, affaiblissement du système immunitaire et de la capacité de concentration sont les problèmes les plus fréquemment rencontrés.

La nuisance sonore de jour crée elle aussi des coûts à la société. La diminution de la capacité de concentration vient encore d’être démontrée par une étude de longue durée
réalisée auprès de 360 enfants habitant à proximité du nouvel aéroport de Munich. La lecture de la publication des résultats dans le numéro de septembre / octobre de la revue « Psychological Science » nous apprend entre autres que la capacité d’assimilation de ces enfants a diminué depuis l’ouverture du nouvel aéroport. L’effet du bruit sur l’efficacité au travail a aussi été démontré et a imposé des mesures de protection dans les usines de
montage. Pourquoi donc ignorer l’impact négatif du trafic aérien dans les zones survolées ?

La pollution entraîne aussi des effets négatifs sur la santé : de nombreuses études démontrent la relation directe existant entre les maladies pulmonaires comme l’asthme, le cancer, les maladies cardiaques, la mortalité infantile élevée dues à la concentration importante de polluants et de particules dans l’air [[Voir le rapport de l’ IBGE citant abondamment ces évidences.]].
Plusieurs études réalisées à l’étranger démontrent la multiplication des maladies respiratoires dans les zones survolées et proches d’aéroports [[+ 28% des taux de cancers dans un cercle de 16 kms autour de l’ aéroport de Chicago. Une étude réalisée autour de
l’aéroport de Schiphol confirme (p.32) que « les symptômes respiratoires sont plus prévalents dans les zones situées à 10 kms de l’aéroport. » Une étude réalisée par les autorités locales démontre que « les résidents autour de l’aéroport de Finningley (UK) souffrent davantage de cancer des poumons, d’autres problèmes respiratoires et cardio-vasculaires résultant de l’exposition aux oxydes d’azote et aux particules » (P.28 du rapport).]].

Enfin, il ne faut pas sous estimer l’effet que le sentiment d’insécurité ou l’appréhension des
risques encourus suite au survol des quartiers habités peuvent exercer sur les habitants et sur leur niveau de stress.

Les aspects politiques

Selon la Constitution (art 23), tout Belge a droit à un cadre de vie sain. Ce droit constitutionnel est bafoué par l’accroissement du trafic aérien en général, plus particulièrement en région urbaine et encore plus spécifiquement par les vols de nuit.

Le gouvernement ne semble pas avoir une politique conséquente visant à minimiser les risques, nuisances et coûts externes. Les routes des vols de nuit comme de jour sont régulièrement modifiées, de sorte que certaines zones sont épargnées pour quelque temps tandis que les nuisances sont infligées ailleurs. Faut-il chercher là une stratégie de « divide et impera » ? Une stratégie par laquelle on tente d’opposer les différents groupements de riverains les uns aux autres, dans l’espoir d’éviter la question de fond, qui est que les vols de nuit comme la multiplication des mouvements de jour, l’agrandissement à l’infini de Bruxelles National, sont inconciliables avec la santé publique et la préservation de l’environnement.

Il est clair que seule une réduction du nombre des mouvements à l’aéroport peut apporter une solution durable aux problèmes de santé comme aux problèmes sociaux et envi
ronnementaux. En 2001, il y a eu environ 300.000 mouvements à l’aéroport. Selon BIAC ce nombre doit continuer à croître. L’objectif pour 2010 est de 450.000 mouvements. Cette croissance permanente est à considérer en regard des lourdes nuisances que génère cet aéroport.

Une réduction du nombre des vols est possible, en utilisant au mieux la capacité actuelle :
les avions qui atterrissent ou décollent de Zaventem transportent en moyenne 65,6 passagers. A l’aéroport de Schiphol, cette moyenne est de 98,8 passagers par mouvement.

2. Nos Revendications

-# L’exploitation de l’aéroport de Bruxelles National doit faire l’objet d’une analyse publique du rapport coûts / bénéfices pour permettre de dégager des bases objectives
pour une gestion efficace et responsable du transport aérien en Belgique.
-# Pour les vols de jour il faut au minimum instaurer un statu quo, en attendant la fixation d’un maximum acceptable du nombre de mouvements.
-# Le nombre des vols de nuit doit être systématiquement réduit pour aboutir à court terme à leur interdiction. Cette réduction peut être entamée à court
terme par l’interdiction des vols de nuit à courte distance et paf une sur taxation des vols de nuit. Le régime de nuit s’entend, de 23h à 07h.
-# Tant que les vols de nuit subsisteront, il faut appliquer pour la nuit des normes qui soient au moins aussi strictes que les normes préconisées par l’OMS.
-# Pour les vols de jour aussi il faut appliquer des normes de pollution et de bruit claires et identiques pour toutes les régions, étant entendu que ces normes ne seront
en aucun cas moins strictes que les normes existantes. En cas d’infraction, les sanctions prévues doivent être effectivement appliquées.
-# Dans les zones où les survols ne pourront être évités, les pouvoirs publics doivent laisser aux habitants le choix entre l’expropriation et l’isolation.
-# Les appareils les plus bruyants et les plus polluants doivent être retirés de la circulation. Des normes de pollution sur les avions et sur les émissions de l’activité
de l’aéroport de Bruxelles National doivent elles-aussi être définies et respectées.
-# Pour rétablir des conditions normales de concurrence entre le transport aérien, actuellement favorisé, et les autres moyens de transport, il faut appliquer des taxes
à l’industrie aérienne et aéroportuaire comme aux autres industries.
-# Les vols intra européens à courte distance (< 800 km) doivent être évités dans toute la mesure du possible.
-# Dans le cadre de l’émission de normes de bruit et de l’attribution de subsides, on travaille actuellement à dresser une carte des zones soumises à de fortes
nuisances sonores. Mais cette politique doit être effectivement concrétisée. Cela rend nécessaire la création d’un organe de contrôle, indépendant de la gestion
commerciale de l’aéroport, et dans lequel doivent siéger des représentants des autorités régionales et fédérales. Cet organe de contrôle aura pour tâche le suivi des
trajets et des procédures. et un droit effectif de contrôle du suivi pour:
-* La sanction en cas de non respect des trajectoires ;
-* La sanction effective des dépassements des normes de bruit;
-* Si les infractions se multiplient, des conditions plus sévères devront être mises à l’autorisation d’exploitation
-* Le traitement des plaintes ;
-* La publication régulière de rapports avec l’évaluation du respect des règlements et de l’efficacité des conditions d’exploitation. Le contenu de ces rapports doit être accessible à tous et faire l’objet d’une large diffusion.

SIGNATAIRES:

Bruxelles Air Libre Brussel – Wijkcomité Helmet – Een Hart voor Haren/Un coeur pour Haren – Werkgroep Leefmileu Neder-over-Heembeek – AWACSS – Wake Up Kraainem –
BUTV Zaventem -Sterrebeek 2000 – Wakker Tervuren – Natuurpunt Steenokkerzeel – Bond Beter Leefmilieu (BBL) – Brusselse Raad voor het Leefmilieu (BRAL) – Inter
Environnement Bruxelles (IEB).