Le vrai ou faux : l’aviation pèse-t-elle peu dans les émissions mondiales de CO2 ?

Lesoir.be
14 juillet

« On ne va pas me culpabiliser de prendre l’avion, ça ne représente que 3-4 % des émissions de CO2 dans le monde. » « Le Soir » décode ces phrases estivales, en apparence frappées au coin du bon sens, mais pas très scientifiques.

On ne va pas me culpabiliser de prendre l’avion, ça ne représente que 3-4 % des émissions de CO2 dans le monde. » En fait, c’est un peu plus compliqué que ça.

Le CO2 le plus simple à éliminer, c’est celui qu’on ne produit pas. Aujourd’hui, le secteur aérien civil pèse environ 2 % des émissions de CO2 mondiales. Les avis ne manquent pas pour souligner que c’est beaucoup moins que le transport routier (12 %), que l’industrie (24 %), que les émissions de méthane des ruminants, etc.

Depuis des années, les spécialistes pointent le secteur aérien, parce que constats et prévisions soulignent que le transport aérien va doubler dans les années à venir. Ce qui se confirme d’année en année, malgré la parenthèse pandémique. L’association internationale du transport aérien (Iata) prévoit en effet que d’ici 2040, les 4,3 milliards de voyageurs attendus en 2023 seront plus de 8 milliards. Des passagers qui, pour se déplacer, émettront plus de CO2 que s’ils avaient utilisé un autre moyen de transport. Où s’ils avaient choisi une destination de voyage plus proche.

Tout le monde s’accorde donc pour dire qu’il est plus sage, plus simple, plus efficace, d’éviter de doubler les émissions plutôt que de s’y prendre quand elles pèseront 4 % du total. Pour y arriver, le secteur de l’aviation compte sur son plan de réduction des émissions afin d’être neutre en émissions carbone en 2050. En faisant, pour cela, appel à l’utilisation des carburants « durables » (65 %), les nouvelles technologies (13 %) ou la compensation (19 %). Une vision plutôt optimiste, basée sur la promesse d’éléments non disponibles et non garantis aujourd’hui. Mais qui a le mérite d’exister là où d’autres secteurs plus polluants n’ont pas encore élaboré de stratégies. Et qui seront d’autant plus efficace si le poids de l’aviation n’a pas doublé d’ici là.

Et l’alternative ferroviaire ?

Faut-il culpabiliser les voyageurs aériens, d’aujourd’hui ou de demain ? L’avion n’apporte pas que des problèmes mais aussi des solutions. Il reste imbattable quand il s’agit d’aller vite et loin. Son infrastructure (trois km de piste par aéroport) est bien moins lourde, chère et pesante sur l’espace foncier que le train ou l’autoroute. Et la logique est incontournable : un avion plein pollue moins, par passager, qu’un avion à moitié vide. Autre réalité, c’est au décollage (surtout) et à l’atterrissage que les avions consomment/polluent le plus. La multiplication des petits vols (spécialité des compagnies low cost) est donc plus nocive. Surtout quand l’objectif du voyage est seulement de l’agrément, du loisir.

Surtout quand il existe une alternative ferroviaire. Sur laquelle il ne faut pas non plus se tromper : il n’y a pas, aujourd’hui, un nombre de trains suffisant pour embarquer tous les passagers aériens sur des itinéraires comparables. Et entre la commande d’un nouveau train et son utilisation commerciale sur les voies, il se passe plus de cinq ans. Enfin, les alternatives ferroviaires ne s’appliquent généralement pas pour une série de pays et d’îles où l’avion est le principal lien avec les pays et/ou continents voisins.

Pour terminer, même à 2 % des émissions de CO2, le secteur de l’aviation participe à un système global qui cause des dommages irréversibles à la planète.

Eric Renette

Journaliste au pôle Planète