L’aéroport de Bruxelles rejette les contraintes supplémentaires du ministre Gilkinet

lesoir.be
02 décembre 2022

Le ministre Gilkinet a déposé une note de politique générale plus offensive sur le fonctionnement environnemental de l’aéroport national. Celui-ci, avec une dizaine de soutiens, a répondu que de nouvelles restrictions allaient le mettre en danger. Des parlementaires flamands relaient cette crainte en commission.

La partie « aviation » de la dernière « note de politique générale » du ministre de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo), rédigée fin octobre et discutée en commission parlementaire mercredi, semble avoir fait avaler de travers le patron de l’aéroport national de Bruxelles, Arnaud Feist, et quelques-uns des principaux moteurs de l’aéroport (Brussels Airlines, DHL, TUI Fly, la Belgian Air Transport Association…), mais aussi l’alliance entre la Chambre de Commerce et l’Union des Entreprises, Brussels Enterprises Commerce & Industry (Beci), et le réseau d’entreprises flamand Voka. Dans une lettre, envoyée au Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) et à Georges Gilkinet, mais aussi visiblement aux députés flamands, ils détaillent à quel point les nouvelles orientations stratégiques du ministre ne leur semblent pas adaptées à leur réalité.

En résumé, le secteur aéroportuaire bruxellois rappelle qu’il pèse 2 % du PIB et 64.000 emplois (directs et indirects) et qu’il constitue le deuxième moteur économique du pays. Les auteurs de la lettre ajoutent que l’aéroport a déjà réalisé de grandes avancées, notamment en ce qui concerne les nuisances sonores (« 57 % de personnes potentiellement très gênées en moins entre 2000 et 2019 »).

Enfin, ils mettent en garde : « La note d’orientation annonce des restrictions d’exploitation supplémentaires très ambitieuses, tant au niveau des restrictions sonores (QC) qu’autres. Cependant : aujourd’hui, il existe déjà des restrictions d’exploitation très sévères pour cet aéroport. Des restrictions supplémentaires affecteraient donc gravement le secteur de l’aviation à Brussels Airport et affecteraient également le rôle socio-économique joué par l’aéroport. Cela met en péril la fonction de hub de l’aéroport national. »

Ils ajoutent que l’activité respecte les règles des « quota count » imposée dans l’utilisation des avions très bruyants, que « les avions les plus modernes et performants sont actifs à Brussels Airport » et que la politique tarifaire qui leur est favorable va encore plus attirer ces derniers. « Les solutions doivent être réalistes et réalisables afin de tenir compte du tissu socio-économique et de l’emploi à l’aéroport », précisent-ils.

 

Ni proportionné ni cohérent, selon Brussels Airport

Ainsi, pour l’aéroport, les limitations supplémentaires envisagées par le ministre ne sont ni proportionnées ni cohérentes et ne contribuent pas à la stabilité tant attendue du secteur. L’aéroport qui rappelle une règle européenne qui impose de d’abord agir sur d’autres piliers, comme l’aménagement du territoire ou les procédures opérationnelles. Et qui plaide pour l’installation d’un arrêt TGV en son sein.

Même le médiateur de l’aéroport, qui aime régulièrement mettre son grain de sel dans le secteur, s’est ému de la volonté affichée par l’aéroport de ne pas se soumettre à des efforts supplémentaires. Pour Philippe Touwaide, les signataires de la lettre se trompent en croyant que les activités ciblées concernent les vols passagers alors que c’est avant tout les avions bruyants de l’activité cargo qui sont en ligne de mire. Il ajoute qu’on attend toujours les engagements de l’aéroport concernant la construction d’un mur anti-bruit sur tout le périmètre de l’aéroport ainsi que d’un hall d’essai pour les réacteurs qui absorbe leur bruit et traite des émissions de particules imbrûlées et de gaz toxiques.

« Une sur-réaction »

Mercredi en commission, interpellé par des députés flamands sur le contenu de sa note, le ministre Gilkinet a défendu sa position, sur des objectifs plus contraignants que les années précédentes. Politiquement, estime son cabinet, après deux ans de concertation et de constitution de dossiers, on passe à l’action, c’est logique.

Dans ses réponses aux interpellations des députés flamands, Georges Gilkinet reconnaît que Brussels Airport a réalisé des progrès ces dernières années, notamment grâce à des subsides fédéraux. Il assure que « les propositions mises sur la table sont totalement compatibles avec la poursuite des activités de l’aéroport ». Il confirme sa volonté de réduire les nuisances sonores (normes de bruit, procédures de décollage-atterrissage), de revoir les « quta count » (« Depuis près de quatorze ans, aucune révision de ces valeurs n’a été effectuée malgré les grandes avancées techniques »), de clarifier l’utilisation des normes de vent (prises en février 2014 et dont la justice a demandé l’amendement), de mettre en place une autorité indépendante de contrôle des nuisances, de renforcer le groupe technique qui analyse les solutions d’amélioration, d’officialiser la place de la plate-forme de concertation…

Globalement, le ministre Gilkinet estime que la lettre reçue des défenseurs de la zone aéroportuaire est « une sur-réaction et un procès d’intention », voire la preuve que les mesures envisagées vont vraiment faire bouger les choses.

Enfin, quand on demande à l’aéroport national pourquoi seuls des députés néerlandophones ont reçu la lettre de réponse du CEO de l’aéroport et de sa dizaine de cosignataires, la réponse, tardive, est la suivante : « Le document a apparemment fuité… Nous avons reçu des questions de certains parlementaires fédéraux auxquelles nous avons répondu en leur envoyant la note. Nous n’avons pas reçu de questions de parlementaires fédéraux francophones. »