Lalibre.be 21/01/2017
L’Etat fédéral ressort un arrêt de 2010 qui fragilise Bruxelles dans le dossier du survol.
Cela fait plus de 15 ans que le monde politique s’arrache les cheveux à vouloir apporter une solution au dossier du survol de Bruxelles. Une multitude de décisions de justice alimente les débats mais certaines sont plus importantes que d’autres. Il en va ainsi de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 9 juin 2005. Celui-ci reconnaît le survol intensif de la Région bruxelloise après la mise en œuvre du plan Anciaux ainsi que les conséquences néfastes de ce survol intensif sur la santé des habitants.
Les conclusions de la cour d’appel signifiées en 2005 servent encore l’argumentaire de la Région bruxelloise et de certaines communes qui ont entamé, l’an dernier, de nouvelles procédures en cessation environnementale contre l’Etat belge et le survol de Bruxelles tel qu’il est organisé aujourd’hui. Cet arrêt de 2005 est tellement important qu’il a été resignifié à la demande de la Région bruxelloise en 2015 afin qu’il ne soit pas frappé de prescription.
Bourde monumentale ?
Mais voici qu’un autre arrêt, apparemment inconnu au bataillon, ressurgit. Il date de mai 2010 et celui-là n’est pas favorable à Bruxelles. Pour certains observateurs, il est même catastrophique tant il affaiblit la position bruxelloise. Cet arrêt résulte précisément d’une action du gouvernement flamand contre l’arrêt de juin 2005. Mais en 2010, cela faisait un an que le plan Anciaux, initialement attaqué, avait été partiellement abrogé. Ce recours flamand fut donc déclaré sans objet, tout comme l’action en cessation de la Région bruxelloise qui avait abouti à l’arrêt de 2005. Comme le plan Anciaux n’existait plus, les actions en justice à son encontre perdaient leur sens.
Un passage des conclusions de la Cour sur la position de la Région bruxelloise en 2010 risque cependant d’être utilisé contre Bruxelles. Selon certaines analyses juridiques, dont « La Libre » a pu prendre connaissance, la Région bruxelloise s’est à l’époque contentée de cet arrêt et a acté, vu l’abrogation du plan Anciaux, le caractère obsolète de la décision de juin 2005. La Cour concluait donc qu’il n’y avait plus d’infractions aux normes de bruit depuis l’abrogation du plan Anciaux. La bourde monumentale, selon certains, fut de ne pas s’opposer à ces conclusions.
Interrogé cette semaine par « La Libre », le cabinet de la ministre bruxelloise en charge du dossier, la CDH Céline Fremault, assure au contraire que cette pièce n’aura aucun impact sur les procédures en cours. Le cabinet du ministre fédéral de la Mobilité, François Bellot (MR) tient étonnamment le même discours. « C’est étonnant car c’est l’Etat fédéral qui a versé cet arrêt, que je n’avais jamais vu, au dossier en cessation introduit par ma commune, indique Benoît Cerexhe (CDH), bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre. Si l’Etat l’utilise, c’est qu’il considère qu’il lui est utile. » Le maïeur conclut à « la maladresse et à l’imprudence » de la Région bruxelloise à l’époque. « Car le plan Anciaux n’a pas été totalement abrogé, il en reste les routes aériennes et les normes de vent », précise Benoît Cerexhe. En effet, c’est surtout le calendrier horaire de l’utilisation du plan Anciaux qui a été annulé en 2009.
Pour le bourgmestre bruxellois, pas de doute, ce document affaiblit la position de Bruxelles alors que l’arrêt de 2005 « était important pour nous car il invoquait un droit fondamental de la déclaration des droits de l’homme, celui de vivre dans un environnement sain ».
Les premières plaidoiries pour les actions en cessation environnementales en cours sont prévues à la mi-avril.