Lecho.be 27/12/2016
Brussels Airport n’est pas contre l’idĂ©e d’une entrĂ©e au capital de Brussels South Charleroi Airport ou, Ă tout le moins, d’un partenariat avec l’aĂ©roport carolo. « On a Ă©voquĂ© ces derniĂšres annĂ©es un Ă©ventuel rapprochement avec Charleroi, on n’est pas contre. Mais je ne pense pas qu’il y a un intĂ©rĂȘt du cĂŽtĂ© de la RĂ©gion wallonne. Quant Ă une participation au capital, je ne pense pas non plus que ce soit Ă l’ordre du jour du cĂŽtĂ© de la RĂ©gion wallonne », nous a confiĂ© Arnaud Feist, CEO de Brussels Airport Company, gestionnaire de l’aĂ©roport national.
DâaprĂšs lui, la dĂ©marche ne doit pas se faire dans le sens dâune limitation de la concurrence entre les deux aĂ©roports. « Il y a une opportunitĂ© qui a Ă©tĂ© ratĂ©e il y a 10-15 ans, mais sâil y a une volontĂ© de la part de la RĂ©gion wallonne dâen discuter, je suis prĂȘt Ă le faire avec eux. Pour nous, ce nâest pas une prioritĂ© stratĂ©gique et nous ne ferons pas de dĂ©marche proactive », prĂ©cise-t-il.
Quâen pensent les acteurs wallons? « Câest la premiĂšre fois que jâentends ce type de dĂ©claration de la part du CEO de Brussels Airport. Mais ce serait bien quâil pose des gestes positifs concrets de bonne collaboration avec BSCA », rĂ©torque RenĂ© Collin, ministre wallon des AĂ©roports.
« QuâArnaud Feist commence dâabord par abandonner les recours contre BSCA, ce serait dĂ©jĂ un bon dĂ©but. Mais cet intĂ©rĂȘt soudain est une reconnaissance de la qualitĂ© de BSCA et du fait que notre stratĂ©gie est une rĂ©ussite », renchĂ©rit Laurent LevĂȘque, prĂ©sident de BSCA.
Par ailleurs, Arnaud Feist, le CEO de Brussels Airport, dresse le bilan 2016 pour lâaĂ©roport national meurtri par les attentats du 22 mars. Et estime que la plainte au pĂ©nal des riverains excĂ©dĂ©s par le bruit sâapparente Ă de lâintimidation. Un coup de com’
Comment qualifierez-vous 2016 pour Brussels Airport?
Câest une annĂ©e dramatique. Elle restera le fait marquant de ces derniĂšres annĂ©es. Le 22 mars, câest lâhorreur absolue et cela restera gravĂ© dans ma tĂȘte. Le cĂŽtĂ© positif, câest la solidaritĂ© des Ă©quipes et le travail rĂ©alisĂ© par la communautĂ© aĂ©roportuaire pour assurer le redĂ©marrage de lâinfrastructure. Câest rĂ©confortant de noter quâaprĂšs avoir connu lâhorreur, on voit les Ă©lans dâhumanitĂ© et des gens qui se donnent Ă fond pour les autres. Cet Ă©vĂ©nement tragique a Ă©tĂ© lâoccasion de voir que le cĂŽtĂ© positif de lâhomme est sorti. Beaucoup de personnes se sont comportĂ©es en hĂ©ros en allant chercher les blessĂ©s et dâautres ont sauvĂ© des vies.
Quel sera le bilan sur le plan opérationnel pour 2016?
On Ă©tait partis sur une trajectoire de croissance. Au dĂ©but de lâannĂ©e, je mâĂ©tais mĂȘme dit que ça allait trop bien. Je regardais tout ce quâon a fait depuis que je suis CEO (fĂ©vrier 2010, NDLR) et je me disais que ça se passe bien. On aurait dĂ» avoir 25 millions de passagers en 2016 sur la base de nos prĂ©visions et je me demandais ce qui pouvait foirer. Je pensais Ă des problĂšmes de compagnies aĂ©riennes, Ă une crise au niveau mondial, etc. Jamais, je nâai imaginĂ© quâon serait victime dâun attentat. Ăa nous a donnĂ© un fameux coup, mais on se relĂšve. Nos chiffres de novembre sont supĂ©rieurs Ă ceux de novembre 2015. Le trafic passagers est en croissance de 2,9% et le trafic fret, de 15,2%. DĂ©cembre sera aussi un bon mois. On dĂ©passe de nouveau le niveau de 2015 sur base mensuelle depuis les attentats.
La reprise de novembre et celle attendue pour décembre vous permettront-elles de battre le record de 2015?
Non, on devrait clĂŽturer 2016 avec un trafic dâenviron 21,5 millions de voyageurs comparĂ© Ă 23,5 millions en 2015. Mais le rythme de croissance que nous venons de retrouver pousse Ă lâoptimisme. En 2017, on devrait dĂ©passer le niveau de trafic 2015. Il y a pas mal de choses qui bougent. Le fait que Brussels Airlines soit stabilisĂ©e dans Lufthansa leur permet dâavoir une base solide pour envisager lâavenir avec optimisme. Lâobjectif de 2017 est dâarriver au moins au niveau de 2015.
La sĂ©curitĂ© est-elle aujourdâhui optimale sur le site?
Le risque zĂ©ro nâexiste pas, mais les mesures qui ont Ă©tĂ© prises sont celles que la police a estimĂ© devoir prendre en fonction des informations Ă leur disposition. Il y a une Ă©volution dans les mesures de sĂ©curitĂ©. Elles sont davantage basĂ©es aujourdâhui sur lâanalyse de risques plutĂŽt que sur le contrĂŽle systĂ©matique de tout le monde. La police a formĂ© ses agents Ă cet effet et cela va dans la bonne direction. On a aussi recours Ă la technologie qui renforce la sĂ©curitĂ©, notamment les camĂ©ras de reconnaissance faciale et la lecture des plaques des voitures.
Pensez-vous quâil faut gĂ©nĂ©raliser la mesure basĂ©e sur lâanalyse de risques aux aĂ©roports rĂ©gionaux?
Il serait logique que les aĂ©roports qui sont dans des situations similaires soient contrĂŽlĂ©s de la mĂȘme maniĂšre. Si la sĂ©curitĂ© est renforcĂ©e Ă Brussels Airport et moins sur les aĂ©roports rĂ©gionaux, ça ne fera que dĂ©placer le risque. Sâil y a une solution qui est mise en place chez nous et qui fait ses preuves, pourquoi ne pas lâimplĂ©menter dans les autres aĂ©roports. Chaque aĂ©roport doit faire une analyse de risque et prendre les mesures qui sâimposent. On a une palette assez large de mesures qui combinent technologie et dĂ©tection de comportements suspects et qui peuvent servir de base. Brussels Airport peut servir de rĂ©fĂ©rence pour la sĂ©curitĂ© dans les aĂ©roports.
Le renforcement de la sécurité a-t-elle augmenté vos charges?
Nous avons investi dans les infrastructures avec la mise Ă disposition de la police dâune infrastructure adĂ©quate comme les camĂ©ras. Nous finançons toutes les mesures de sĂ©curitĂ© prises sur le cĆur de dĂ©part. Ce sont des coĂ»ts supplĂ©mentaires qui sâajoutent Ă des coĂ»ts opĂ©rationnels supplĂ©mentaires comme le dĂ©ploiement de plus dâagents de sĂ©curitĂ© sur le terrain qui relĂšve de notre responsabilitĂ©. Ce nâest pas imposĂ© par la loi, mais on a dĂ©cidĂ© dâavoir une prĂ©sence visible dâagents de sĂ©curitĂ© (arrivĂ©e des taxis, etc.), ça rassure les voyageurs et le personnel. Au niveau des frais opĂ©rationnels, cela reprĂ©sente un coĂ»t supplĂ©mentaire annuel rĂ©current de 5 millions dâeuros.
« Je suis prĂȘt Ă discuter des vols de nuit et des types d’avions, mais dans le cadre d’une solution globale. »
Nous nâavons pas encore chiffrĂ© le plan dâici 2040, mais la premiĂšre tranche 2016-2021 reprĂ©sente un investissement dâenviron un milliard dâeuros. Il sera consacrĂ© Ă diffĂ©rents projets comme la construction de la nouvelle jetĂ©e A ouest, les rĂ©novations importantes au niveau du tarmac (on va rĂ©nover la troisiĂšme piste en 2017) et les dĂ©veloppements immobiliers et dâinfrastructures (amĂ©lioration des routes dâaccĂšs, etc.). Le plus gros investissement sera consacrĂ© aux nouvelles machines de contrĂŽle ou de screening des bagages. Une nouvelle norme europĂ©enne entrera en vigueur en 2021 et nous allons investir un montant trĂšs significatif de dizaines de millions dâeuros pour acquĂ©rir ces machines. Elles scannent tous les bagages qui vont en soute. On doit aussi crĂ©er une nouvelle infrastructure en sous-sol pour abriter les machines. Câest un projet essentiel pour assurer la sĂ©curitĂ©. On y intĂšgre un nouveau concept de sĂ©curitĂ© liĂ© Ă lâĂ©vacuation des bagages suspects. On aura une zone confinĂ©e pour recevoir rapidement les bagages suspects afin de contenir les explosions Ă©ventuelles. Lâensemble sera opĂ©rationnel en 2021. MĂȘme si on nâa pas encore Ă©valuĂ© le coĂ»t du reste, câest plusieurs milliards dâeuros. Tout sera financĂ© sur fonds propres.
Il nous faut un cadre juridique stable dont la loi aĂ©rienne (vliegwet) constitue une urgence absolue. Il faut aussi une solution pour les normes de bruit bruxelloises. La fin annoncĂ©e des seuils de tolĂ©rance dans lâespace aĂ©rien Ă Bruxelles est un problĂšme crucial, car la suppression dĂšs le 1er janvier 2017 va crĂ©er une situation catastrophique pour lâaĂ©roport. On travaille bien avec Belgocontrol. Mais il y a des mesures qui peuvent ĂȘtre prises pour augmenter la capacitĂ© de lâaĂ©roport sans faire de gros investissements chez Belgocontrol. Elles permettront dâaugmenter la ponctualitĂ© des avions surtout en situations mĂ©tĂ©o dĂ©favorables. Quand le vent ne vient pas de lâouest, la capacitĂ© chute de 30%, on passe de 74 mouvements par heure Ă 50 mouvements. Pour une plateforme comme la nĂŽtre ayant une activitĂ© de hub, des voyageurs ratent des connexions. Lâinstallation dâun ILS (SystĂšme dâatterrissage aux instruments est le moyen de radio-navigation le plus prĂ©cis utilisĂ© pour lâatterrissage, NDLR) sur la 07 est un projet simple Ă rĂ©aliser. Cela ne veut pas dire quâon va atterrir tout le temps en survolant Bruxelles, mais quand il faudra changer les pistes Ă cause du temps, un ILS sur la 07 permettra de ne pas descendre Ă 50 mouvements par heure. Je ne connais pas un aĂ©roport de notre taille qui nâa pas dâILS sur toutes ses pistes.
Je suis prĂȘt Ă discuter des vols de nuit avec les responsables politiques et les riverains. Je lâai dâailleurs dit Ă la ministre Fremault (ministre bruxelloise de lâEnvironnement, cdH, NDRL) en juillet. Câest une hĂ©rĂ©sie dâavoir des normes de bruit rĂ©gionales. Sâil y a une compĂ©tence quâil ne fallait pas rĂ©gionaliser, câĂ©tait celle-lĂ . Mais câest fait. Je suis prĂȘt Ă discuter de quels types dâavions on veut la nuit, mais dans le cadre dâune solution globale pour le futur de lâaĂ©roport. Il ne faut pas faire du bricolage. On cite souvent lâexemple de lâaĂ©roport de Francfort oĂč il nây a pas de vol de nuit. Mais en Ă©change, lâaĂ©roport a reçu une 4e piste. Je ne demande pas une 4e piste, mais un accord global. Lâattitude actuelle de la RĂ©gion de Bruxelles tue lâactivitĂ© de lâaĂ©roport. Câest dâautant plus difficile Ă comprendre dans un climat oĂč ce nâest pas le plein-emploi Ă Bruxelles. On ne demande pas mieux que dâengager des Bruxellois. Jâai rencontrĂ© Ă plusieurs reprises le ministre-prĂ©sident Ă qui jâai dit quâil y a des emplois Ă lâaĂ©roport qui pourraient convenir Ă des chĂŽmeurs bruxellois. Nous avons maintenant invitĂ© Actiris Ă participer Ă la Maison de lâemploi que nous avons crĂ©Ă©e pour renforcer les liens avec la RĂ©gion bruxelloise et permettre ainsi aux chĂŽmeurs de trouver de lâemploi sur le site. Câest du gagnant-gagnant.
« Déménager Brussels Airport est un non-sens »
Arnaud Feist relĂšve la contradiction dans le discours du ministre bruxellois de lâEconomie Didier Gosuin (DĂ©FI) qui dit quâun aĂ©roport Ă Bruxelles nâest pas nĂ©cessaire. Et estime que la plainte au pĂ©nal des riverains est de lâintimidation.
Que pensez-vous de la nouvelle plainte des riverains pour faux et usage de faux, de publicité mensongÚre?
On a atteint un niveau qui dĂ©passe lâentendement. La plainte qui aurait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e est un coup de communication, de lâintimidation. Ce faisant, les plaignants ont lâattention des mĂ©dias quâils nâauraient pas eue autrement. La plainte prouve simplement quâils nâont pas dâarguments pour contrer les 5 Ă©lĂ©ments que nous avons mis en avant dans la publicitĂ© (3.000 Bruxellois employĂ©s, rĂ©duction du bruit des avions de 50% en 15 ans, importance du trafic cargo, etc.). Ils ont dĂ©jĂ portĂ© plainte au pĂ©nal contre moi et dâanciens collaborateurs de lâex-ministre de la MobilitĂ© Galant. Câest le fait dâactivistes Ă court dâarguments. Ils ne dĂ©mentent pas le chiffre de 3.000 emplois Ă Bruxelles Ă lâaĂ©roport, mais disent que ce sont des emplois bas de gamme ne reprĂ©sentant que 10% de la masse salariale. Quâen savent-ils? Câest une minoritĂ© de gens trĂšs actifs qui mettent les responsables politiques sous pression. Il y a malheureusement une surenchĂšre dans ce dossier qui nâaide personne.
Que faire pour que ces attaques cessent?
On a crĂ©Ă© un Forum 2040 oĂč on invite les acteurs Ă©conomiques, les syndicats et les riverains Ă participer Ă un dialogue ouvert et constructif. Mais il y a des associations qui refusent dây participer. Câest une attitude non constructive. Nous avons confiĂ© la prĂ©sidence du Forum Ă Jan Grauls, un diplomate de haut niveau. Câest parce que nous lui garantissons une indĂ©pendance totale quâil a acceptĂ© la mission. Les personnes qui refusent de participer au dialogue prĂ©fĂšrent le conflit et lâopposition. Ăa leur permet dâexister. Elles ont peur de se retrouver face aux autres associations de riverains et aux acteurs Ă©conomiques comme DHL, Brussels Airlines, Aviapartner et les syndicats.
Que pensez-vous de lâallongement de la nuit qui figure dans les revendications?
On est toujours prĂȘts Ă discuter mais dans un cadre global. Je ne vais pas dire quâon va allonger la nuit, supprimer tel type dâavions si on nâa pas une solution globale qui tient compte de la croissance de lâaĂ©roport. Il faut savoir quâen allongeant la nuit, des centaines de vols ne pourront plus dĂ©coller entre 6 et 7h. Il faudra penser Ă augmenter la capacitĂ© de lâaĂ©roport Ă dâautres moments de la journĂ©e par exemple. Je le rĂ©pĂšte, les nuisances ont diminuĂ© de 50% en 15 ans. Il y avait 326.000 vols en 2000 contre 235.000 aujourdâhui! En lâan 2000, câĂ©tait acceptable, aujourdâhui non.
Et le dĂ©mĂ©nagement de lâaĂ©roport?
Jâai entendu le ministre bruxellois Didier Gosuin (DĂ©FI) soutenir cette option. Je suis surpris dâentendre un ministre de lâEmploi et de lâEconomie de la RĂ©gion bruxelloise venir dire quâon nâa pas besoin de lâaĂ©roport. Est-il sorti pendant le mois dâavril quand lâaĂ©roport Ă©tait fermĂ©? Sâest-il baladĂ© Ă Bruxelles? Câest Ă©tonnant quâun homme politique dont lâaction doit viser Ă crĂ©er de lâemploi dans sa RĂ©gion vienne dire quâil nâa pas besoin de son principal moteur Ă©conomique. Jâai lâimpression quâil ne sort pas de son bureau. Il soutient que lâaĂ©roport doit partir et que câest Ă©crit dans les astres? Et quand on lâinterpelle sur notre plan stratĂ©gique, il rĂ©pond que je rĂȘve en Technicolor et que lâaĂ©roport doit dĂ©mĂ©nager. TĂŽt ou tard, il faut se rendre compte que lâaĂ©roport ne bougera pas, je ne vois pas comment on peut le faire. OĂč va-t-on le mettre? Certains citent Beauvechain, câest un non-sens total.