DAARDAAR.be 16/06/2016
Un ancien article intéressant
LâaĂ©roport de Deurne (Anvers) devient une rĂ©plique de celui de Zaventem. Le gouvernement flamand semble gĂ©rer ce dossier dans un chaos aussi fracassant que lâĂtat belge.
Il y a quelques jours, le gouvernement bruxellois a entamĂ© une procĂ©dure en justice contre le gouvernement fĂ©dĂ©ral concernant les routes aĂ©riennes et lâaĂ©roport de Zaventem. Lâinterminable bisbille autour de notre aĂ©roport national est, au mĂȘme titre que celle autour de la SNCB, un des nombreux dossiers fĂ©dĂ©raux montrant quâune vision et une politique commune au niveau belge sont illusoires. Cette procession dâEchternach fĂ©dĂ©rale est utilisĂ©e comme argument pour attribuer aux rĂ©gions un maximum de compĂ©tences, et si possible homogĂšnes. Malheureusement, il semble que la Flandre tire peu dâenseignements des Ă©checs belges. Au contraire, comme dans le cas de lâaĂ©roport flamand de Deurne, le gouvernement flamand et la ville dâAnvers semblent dĂ©terminĂ©s Ă se crĂ©er un dossier catastrophe qui nâa rien Ă envier Ă lâimbroglio fĂ©dĂ©ral.
Tout le monde sait depuis des annĂ©es que la situation autour de lâaĂ©roport de Zaventem est complĂštement gangrĂ©nĂ©e par une politique aĂ©roportuaire dâexpansion, avec des vols de nuit Ă quelques kilomĂštres de la Grand Place de Bruxelles, dans une zone oĂč les projets dâhabitation surgissent les uns aprĂšs les autres. Personne ne sait comment dĂ©nouer lâaffaire, si ce nâest en rĂ©duisant lâactivitĂ© de lâaĂ©roport, Ă commencer par les vols de nuit. La situation de lâaĂ©roport contribue Ă lâexode urbain, Ă de nombreux problĂšmes de santĂ© et Ă la perte de confiance en des autoritĂ©s politiques Ă la dĂ©rive.
Apparemment, Ă Anvers et au niveau flamand, on trouve tout cela du meilleur effet. Car depuis quelques annĂ©es, tout est mis en Ćuvre pour crĂ©er un dossier Zaventem bis Ă Anvers. En 2013, lâexploitation de lâaĂ©roport en perte a Ă©tĂ© cĂ©dĂ©e au concessionnaire privĂ© Egis, avec un manager de haut niveau pour gĂ©rer lâentreprise. Mais câest toujours le contribuable flamand qui paie tous les frais dâinfrastructures, comme lâallongement de la piste de dĂ©collage terminĂ© il y a peu. Bien que ce contribuable ait dĂ©jĂ investi dans la ligne Diabolo qui relie Anvers Ă lâaĂ©roport national, Egis mise dĂ©sormais aussi sur les vols touristiques low cost, en concurrence avec Zaventem. On attire Ă Deurne des compagnies comme Jetairfly. Des avions de passagers plus lourds font leur apparition et dĂ©collent dans un vacarme assourdissant au-dessus de la commune densĂ©ment peuplĂ©e de Berchem. Et des vols de nuit sont mĂȘme apparus subrepticement : ils dĂ©collent Ă six heures trente, alors que la rĂ©glementation europĂ©enne stipule que la nuit ne se termine quâĂ sept heures.
La ville dâAnvers nâa donc pas laissĂ© filĂ© lâopportunitĂ© de se crĂ©er son dossier catastrophe Ă elle. Ce quâils ont Ă Bruxelles, Anvers le veut aussi. Juste au-dessous de la trajectoire de dĂ©collage des avions, on a construit un nouveau quartier urbain en y attirant les habitants par la promesse dâun environnement calme aux abords de la ville. Peu Ă peu, on constate que « lâaĂ©roport dâaffaires » est soutenu par le gouvernement flamand pour se dĂ©ployer en un aĂ©roport touristique Ă part entiĂšre. Car de fait, comment une ville peut-elle apparaĂźtre sĂ©rieuse si elle nâentend de temps Ă autre un Boeing dĂ©ferler au-dessus de ses toits ?
Pour surtout ne rien avoir Ă envier Ă Zaventem, on en a mĂȘme copiĂ© minutieusement les manquements : pas de stations de mesure pour Ă©valuer les problĂšmes de bruit, pas de plan dâaction contre la pollution sonore, etc. Ce que la Flandre fait elle-mĂȘme, elle le fait mieux, paraĂźt-il. Comme Ă Bruxelles, on voit dĂ©sormais apparaĂźtre un peu partout Ă Berchem des affiches aux fenĂȘtres des habitants exaspĂ©rĂ©s. On est en train de crĂ©er tout Ă fait consciemment un vĂ©ritable nĆud gordien pour les lĂ©gislatures Ă venir. Le gouvernement flamand et la ville dâAnvers ont-ils donc peur de tomber dans un trou noir existentiel si le problĂšme de la liaison Oosterweel et du recouvrement du ring dâAnvers finit par ĂȘtre sous contrĂŽle ?
Ce nâest pas non plus un hasard si des partis comme le PTB sautent sur ce type de dossiers pour se positionner. Malheureusement, les partis traditionnels sâĂ©chinent Ă dĂ©montrer quâils font peu de cas dâune vision globale et de la situation de vie des habitants. Et que dans le cas prĂ©sent, ils forment plutĂŽt une partie du problĂšme que de la solution. Quand les gens voient les pouvoirs publics gouverner contre eux de la sorte, il nây a rien dâĂ©tonnant Ă ce quâils se tournent de plus en plus vers des partis plus extrĂȘmes, comme on lâa vu rĂ©cemment en Autriche. HĂ©las, comme dans le cas des aĂ©roports rĂ©gionaux, le transfert de compĂ©tences Ă la Flandre ne semble aucunement garantir une politique qui apporte plus de confiance Ă la population que le chaos fracassant de lâĂtat belge.
Auteur : Chris Ceustermans | Traducteur : Thomas Lecloux