Commission de l’Infrastructure du 13 janvier 2016

Chambre des représentants – Commission de l’Infrastructure Réunion du 13 janvier 2016 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 54 – COM 0310)

11 Question de M. Benoit Hellings à la ministre de la Mobilité, chargée de Belgocontrol et de la Société Nationale des Chemins de fer Belges, sur « la concertation en cours avec les Régions pour l’élaboration de la ‘vliegwet' » (n° 8070)

11.01 Benoit Hellings (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, à l’automne dernier, la presse a rendu public l’avant-projet de Vliegwet sur lequel vous travaillez. Il est trop tôt pour commenter un texte qui n’a pas encore fait l’objet d’un accord formel en Conseil des ministres. Toutefois, je souhaite vous interroger sur la concertation prévue avec les Régions dans le cadre de l’élaboration de ce texte.

La DGTA, votre administration, a eu l’occasion d’indiquer, dans un avis du 9 septembre 2015 adressé à votre cheffe de cabinet, Mme Offergeld, qu' »il convient que les procédures aériennes soient préalablement conformes aux diverses obligations européennes à charge de l’État et notamment celles prescrites par la directive UE 2002/49/CE qui prévoit l’obligation de mise en place de plans d’actions ‘bruit’. » Or la DGTA constate que votre avant-projet de loi ne fait plus référence à cette directive, contrairement aux versions élaborées par vos prédécesseurs, MM. Landuyt et Schouppe.

Ceci est particulièrement interpellant dans la mesure où les procédures aériennes (choix des pistes, des routes, procédures de décollage/atterrissage,…) et les restrictions d’exploitation sont un des outils possibles de gestion du bruit du trafic aérien et devraient donc faire partie intégrante des plans d’actions prévus par la directive 2002/49/CE relative à l’évaluation et la gestion du bruit dans l’environnement. Ainsi, dans un avis rendu le 4 avril 2006, sur le projet de loi Landuyt, le Conseil d’État constatait que « certaines des actions prévues par les plans d’actions relèvent de la compétence régionale; d’autres, qui résultent de l’adoption de procédures de vol et de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National ou encore de normes de bruit, relèvent de l’autorité fédérale. »

Et le Conseil d’État d’ajouter: « En l’espèce, les plans d’actions requis par la directive 2002/49/CE (…) ne peuvent être adoptés que par la voie d’un accord de coopération, compte tenu de l’imbrication des compétences régionales en matière de communication, de transport et de bruit, d’une part, et, d’autre part, des compétences fédérales en matière de police générale et de réglementation relative aux communications et aux transports, de sécurité de la circulation aérienne sur les aéroports régionaux et les aérodromes publics, et, plus largement, en matière de sécurité publique, (…). »

Plus loin, le Conseil d’État précise – je cite -: « Ce n’est que lorsque les matières attribuées à des législateurs différents sont liées entre elles d’une manière telle que, par exemple parce qu’elle sont ‘imbriquées’ les unes avec les autres, elles ne peuvent être réglementées autrement que par un exercice conjoint de ces compétences, qu’il est requis qu’un pareil accord de coopération soit conclu, une législation édictée de manière unilatérale et sans pareil accord de coopération violant alors le principe de proportionnalité propre à tout exercice des compétences. »

En conclusion, un accord de coopération est indispensable, selon le Conseil d’État, parce que les procédures de vols doivent faire partie du plan d’actions requis par la directive 2002/49 et parce que l’autorité fédérale et les Régions exercent en la matière des compétences véritablement imbriquées.

D’où, madame la ministre, mes questions:

  1. Estimez-vous que cette analyse du Conseil d’État de 2006 s’applique également à votre avantprojet de loi en cours de rédaction? Si non, pourquoi?
  2. Un accord de coopération a-t-il été ou sera-t-il proposé prochainement aux Régions?
  3. Si non, quelle autre forme de concertation envisagez-vous avec la Région bruxelloise, la Région flamande et la Région wallonne?
  4. À défaut, estimez-vous que la Belgique respecte les obligations de la directive 2002/49/CE en ce qui concerne la coordination des plans d’action de gestion du bruit?

D’avance, je vous remercie pour vos réponses.

11.02 Jacqueline Galant, ministre: Cher collègue, en premier lieu, je tiens à vous rappeler que la directive 2002/49/CE concerne les matières relevant des compétences des Régions, c’est-à-dire des plans d’actions fondés sur la cartographie du bruit avant de prévenir et de réduire le bruit dans l’environnement. Cette directive a été transposée en droit belge à l’aide des limites de bruit contenues dans la réglementation bruxelloise. Pour le fédéral, la directive 2002/30 a été transposée par l’arrêt royal de 2003 qui concerne les restrictions d’exploitation, abrogé par le règlement 598/2014 du 16 avril 2014 qui entrera en vigueur le 13 juin 2016 et par arrêté ministériel du 3 mai 2004 relatif à la gestion des nuisances sonores à l’aéroport de Bruxelles-National.

Vous avez raison de signifier que les compétences aériennes concernant le bruit sont fortement imbriquées en Belgique. En effet, si nous voulons assurer une zone de protection environnementale efficace, il faudrait évidemment combiner les éléments opérationnels comme les trajectoires des vols, les éléments environnementaux comme la constitution de cartes de bruit ou la pollution de l’air, les réductions opérationnelles comme les restrictions d’exploitation, en tenant compte des nuisances sonores et de la santé des citoyens.

L’accord de gouvernement prévoit un accord de coopération. Néanmoins, la fixation des trajectoires de vol et les restrictions d’exploitation à l’aéroport de Bruxelles-National restent des compétences pleinement fédérales. Il est également indispensable qu’une concertation soit rapidement mise en place sur les normes de bruit afin de rechercher un accord de coopération respectueux des compétences fédérales et de la Région de Bruxelles-Capitale. À ce titre, des échanges récents de courrier ont eu lieu sur le dossier du survol de Bruxelles entre la ministre Frémault et moi-même.

En ce qui concerne les plans d’actions, il serait souhaitable que plusieurs plans d’actions soient pris par les différentes autorités compétentes. La planification relève en effet des autorités responsables pour la matière pour laquelle la planification est requise. Pour rappel, selon les principes d’attribution et d’exclusivité, les compétences de l’État fédéral, des Communautés et des Régions, sont en principe exclusives les unes des autres. Lorsque des compétences coexistent, le Conseil d’État, la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation considèrent qu’il convient de se référer au principe de proportionnalité. Dans ce contexte, il ressort des dispositions de la directive 2002/49 qu’un accord de coopération ne s’imposerait que s’il était démontré que le législateur fédéral ne pourrait prendre lui-même certains plans d’actions sans rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences dévolues aux Régions.

Enfin, comme vous l’indiquez dans votre question, la coordination et la concertation sont nécessaires dans ce dossier, tant les imbrications peuvent sembler fortes dans les compétences des différents ministres.

11.03 Benoit Hellings (Ecolo-Groen): Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. L’enjeu de ce débat, dans un dossier aussi complexe et sensible, c’est que votre Vliegwet, une fois adoptée, ne fasse pas l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle.

Compte tenu de la difficulté à obtenir un accord de coopération – vos prédécesseurs n’y sont jamais parvenus – je sens que vous voulez avancer dans le respect de vos compétences, mais sans passer par un accord de coopération. Je pense qu’il serait plus efficace, peut-être pas sur le court terme, mais en tout cas sur le long terme, de travailler à un accord de coopération.

Dans tous les cas, il est fondamental de respecter les compétences de chacun. Je ne reviens pas sur votre compétence totale, au fédéral, à modifier seule les routes aériennes. Mais les Régions, et la Région bruxelloise en particulier, sont compétentes pour les normes de bruit. Les autres Régions n’ont pas adopté de normes de bruit aussi respectueuses des habitants. Elles peuvent le faire. La Région flamande peut le faire, la Région wallonne peut le faire.

Essayez de passer par un accord de coopération. C’est une façon de respecter tous les acteurs régionaux sur la question et aussi de garantir la viabilité sur le long terme de votre future Vliegwet.

Chambre des représentants – Commission de l’Infrastructure Réunion du 13 janvier 2016 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 54 – COM0310)

17 Question de M. Benoit Hellings à la ministre de la Mobilité, chargée de Belgocontrol et de la Société Nationale des Chemins de fer Belges, sur « l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles concernant le plan Wathelet et ses conséquences pour la mise en oeuvre de la future ‘vliegwet' » (n° 8122)

17.01 Benoit Hellings (Ecolo-Groen): Monsieur le président, madame la ministre, le 17 décembre dernier, la cour d’appel de Bruxelles rendait un arrêt déclarant irrecevable le recours incident introduit à votre initiative contre l’ordonnance du 31 juillet 2014 annulant la sixième phase du plan dit Wathelet.

Pour rappel, le juge de première instance avait considéré que l’instruction du 15 mars 2012 à l’origine du plan Wathelet était bien un plan au sens de la loi « plans et programmes » du 13 février 2006 et que, en tant que tel, ce plan aurait dû être soumis à une consultation du public. La requête d’appel introduite au nom de l’État belge contestait ce point du jugement et demandait de revoir celui-ci.

En déclarant irrecevable la demande de l’État belge, la cour d’appel confirme que le législateur est contraint de consulter la population s’il envisage de créer ou de modifier des routes aériennes. Cet arrêt rejoint l’avis adressé le 9 septembre 2015 par la DGTA qui indique que « l’ensemble des procédures aériennes que le gouvernement entend annexer à la loi de procédures devrait faire l’objet d’une étude d’impact environnemental et d’une concertation du public préalable ».

Madame la ministre, quelles conclusions tirez-vous de cet arrêt de la cour d’appel? Quelles seront concrètement les conséquences sur le projet de vliegwet, laquelle prévoit de fixer en annexe les routes aériennes qui seront d’application lorsque la loi entrera en vigueur? Prévoyez-vous de soumettre à la consultation du public des trois Régions les routes aériennes qui figureront dans l’annexe 1 du projet que nous avons été appelé à consulter il y a maintenant quelques mois? Comme votre projet de vliegwet sera prochainement finalisé, quand envisagez-vous la mise en oeuvre de la concertation publique qui vous est imposée par votre administration et par la jurisprudence?

17.02 Jacqueline Galant, ministre: Monsieur Hellings, la cour d’appel n’a statué que sur la forme (motifs procéduraux). L’appel incident de l’État a été considéré comme irrecevable. La cour d’appel n’a donc abordé aucune des questions de fond du litige.

L’ordonnance de référé du tribunal de première instance de Bruxelles du 31 juillet 2014 est, selon l’État belge, partie erronément du postulat qu’une instruction est un plan au sens de la loi du 13 février 2006. Cette position a pour conséquence une incohérence dans les délais d’exécution. En effet, l’État s’est vu imposer la mise en place de nouvelles routes dans un délai de trois mois. Or, la durée moyenne d’une consultation du public est estimée entre six et douze mois.

La question doit, par conséquent, être préalablement vidée au fond.

En ce qui concerne l’impact du projet de loi, je demande de ne pas tenir compte de la version fuitée dans la presse, celle-ci ayant fortement évolué depuis juillet. Je rappelle qu’il s’agissait d’un document de travail toujours en discussion et non finalisé. Il doit avant tout être débattu dans la sérénité avec les partenaires du gouvernement. La question de la consultation publique sera respectueuse de la législation belge et européenne en la matière.

17.03 Benoit Hellings (Ecolo-Groen): Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Pour ce qui est de la concertation avec les Régions et donc l’établissement d’un accord de coopération pour garantir la fiabilité et la viabilité de votre vliegwet, la consultation et la concertation avec le public des trois Régions sont nécessaires.

En l’absence de concertation avec les Régions et le public, vous risquez, devant la Cour constitutionnelle, de voir la loi, à laquelle vous travaillez intensément depuis quelques semaines, annulée par la Cour. Ce serait dommage sur un dossier aussi sensible.