Echange de lettres ouvertes du 14 septembre entre la Ministre Galant et l’Association -Au cƓur de l’Europe-

Madame La Ministre,

Nous serons francs. Votre rĂ©ponse nous a sidĂ©rĂ©: ou vous cherchez à “noyer le poisson” en jouant sur les mots, ou vous avez manifestement encore du mal Ă  comprendre votre rĂŽle et vos compĂ©tences en tant que Ministre fĂ©dĂ©rale de la mobilitĂ©. Dans les deux cas, c’est une honte d’ĂȘtre aussi peu Ă  la hauteur des enjeux rĂ©els du dossier du survol de Bruxelles.

Nous n’avons nullement sorti une phrase de son contexte. Voici le compte-rendu exact de la rĂ©ponse que vous avez faite Ă  une question d’un citoyen lors de votre confĂ©rence au cercle de Lorraine:

« On ne se rend pas bien compte de l’impact Ă©conomique et de l’emploi. Trouver un Ă©quilibre entre le dĂ©veloppement Ă©conomique, le maintien de l’emploi et les nuisances. Mon rĂŽle est de dĂ©fendre l’aĂ©roport national, pas les rĂ©gionaux. Risque de perte d’emplois, par exemple Ethiopian Airlines : ce sont des emplois de Belges qui risquaient d’ĂȘtre supprimĂ©s. »

Ces propos appellent de notre part les considérations suivantes:

Dans l’affaire Ethiopian airlines, vous avez clairement dĂ©montrĂ© que vous favorisiez exclusivement le dĂ©veloppement de Brussels Airport, au mĂ©pris de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

Vous avez en effet octroyé unilatéralement des droits de trafic de 5Úme liberté à Ethiopian airlines (Dubai, HK, Singapour), en sachant pertinemment que:

– Ethiopian airlines est une compagnie d’Etat subsidiĂ©e, et dont le personnel ne paye pas de charges sociales ni patronales en UE. C’est donc une compagnie qui pratique le dumping Ă©conomique et social.

– Les 400 Ă  600 emplois soi-disant en pĂ©ril Ă  Zaventem si ces droits de trafic n’étaient pas concĂ©dĂ©s sont un mensonge pur et simple de Arnaud Feist (CEO de Brussels Airport) et de DHL. Par contre, en octroyant ces droits, vous mettez directement en pĂ©ril la viabilitĂ© Ă©conomique de la sociĂ©tĂ© TNT basĂ©e Ă  LiĂšge, et donc de 400 emplois belges bien rĂ©els. De ce point de vue, l’association NATIONALE des pilotes (Beca) ne s’y est pas trompĂ©, puisqu’elle vous demande elle aussi de revenir sur cette dĂ©cision absurde, au nom de la prĂ©servation de l’emploi rĂ©el en Belgique (http://www.lalibre.be/economie/actualite/les-pilotes-defendent-liege-face-a-zaventem-55f307173570b0f19e9091fc). 

1. Lorsque vous affirmez, lors de votre confĂ©rence au cercle de Lorraine: « Risque de perte d’emplois, par exemple Ethiopian Airlines : ce sont des emplois de Belges qui risquaient d’ĂȘtre supprimĂ©s.”, vous ne faites donc que reprendre les mensonges des lobbys de Zaventem, auxquels vous vous ĂȘtes complaisamment soumis.

– Et enfin, en octroyant ces droits, vous aggravez les nuisances Ă  Bruxelles (vols cargos Ă  destination de l’Asie, donc sur le scandaleux « virage Ă  gauche”), et vous ratez une occasion unique d’agir en faveur du dĂ©veloppement de la nĂ©cessaire politique aĂ©roportuaire nationale.

C’est bien l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral que vous massacrez en prenant ce genre de dĂ©cisions absurdes. 

 2.Lorsque vous affirmez que “(votre)rĂŽle est de dĂ©fendre l’aĂ©roport national, pas les rĂ©gionaux.”, vous commettez une grave erreur d’apprĂ©ciation, indigne de la mission qui vous est confiĂ©e en tant que Ministre fĂ©dĂ©rale de la MobilitĂ©.

Pour justifier votre position, vous ajoutez que « Le niveau fĂ©dĂ©ral est responsable de l’aĂ©roport de Bruxelles-National, les RĂ©gions sont quant Ă  elles en charge des infrastructures aĂ©roportuaires situĂ©es sur leur territoire.”

Vous jouez avec les mots pour justifier ce qui n’est pas justifiable.  Nous aimerions vous rappeler que:

– vous ĂȘtes ministre fĂ©dĂ©rale, et avez jurĂ© fidĂ©litĂ© et obĂ©issance Ă  la constitution et aux lois du peuple belge. En ce sens, votre mission est bien de veiller Ă  protĂ©ger et dĂ©velopper l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, et pas les intĂ©rĂȘts particuliers de certains lobbys flamands de Brussels Airport et DHL.

– votre administration (SPF MobilitĂ©, DGTA) dispose d’une compĂ©tence nationale; et ses dĂ©cisions, notamment d’octroi ou de refus de droits de trafic, ont une portĂ©e nationale,

– vous exercez la tutelle sur Belgocontrol, qui gĂšre le trafic au niveau national.

– certes, l’Etat est encore actionnaire minoritaire de Brussels Airport Ă  concurrence de 25%, mais cela ne vous donne pas mandat pour oublier votre mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral au profit exclusif d’intĂ©rĂȘts financiers de l’Etat. Il serait par ailleurs judicieux que le contrĂŽle de cette participation soit confiĂ© Ă  un autre organe de l’Etat pour Ă©viter les situations de conflit d’intĂ©rĂȘt.

 3. Enfin, toute votre action Ă  ce jour va Ă  l’encontre mĂȘme du dĂ©veloppement durable.

Comme l’a expliquĂ© rĂ©cemment le mouvement citoyen Pas Question, depuis votre entrĂ©e en fonction, toutes vos dĂ©cisions en cette matiĂšre n’ont fait qu’aggraver la situation des nuisances Ă  Bruxelles, au mĂ©pris de la santĂ© des citoyens habitants la zone la plus densĂ©ment peuplĂ©e du pays (http://pasquestion.be/fr/survol-de-bruxelles-y-til-encore-un-pilote-dans-lavion-au-mr).

Le doublement du traffic aĂ©rien attendu dans les 15 prochaines annĂ©es doit se faire en minimisant l’impact sur les riverains.

L’objectif de Brussels Airport, comme toute sociĂ©tĂ© Ă  capitaux anglo-saxons, est de maximiser son profit dans un cadre lĂ©gal. Il revient donc Ă  l’Etat de dĂ©finir le cadre lĂ©gal qui protĂ©gera justement ses citoyens, ainsi que les impĂ©ratifs de santĂ© publique.

Si vous souhaitez servir l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral comme le titre de votre email le prĂ©tend, vous devez vous assurer que le dĂ©veloppement des activitĂ©s nuisibles, telles que le fret pur (cargo) et les vols de nuit se fasse Ă  l’écart des villes, comme c’est le cas pratiquement partout ailleurs en Europe.

Vous n’avez pas le droit de privilĂ©gier le dĂ©veloppement de Brussels Airport au dĂ©triment des autres aĂ©roports internationaux situĂ©s en Belgique.

Vous n’avez pas le droit de persister dans l’erreur.

Vous n’avez pas le droit d’hypothĂ©quer la santĂ© de nos familles.

Jean-Noel Lebrun
www.coeur-europe.be

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Monsieur Lebrun,

Mesdames et Messieurs,

J’ai pu prendre connaissance de votre mail concernant mon refus « public » de servir l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. A sa lecture, il me devait donc de rĂ©tablir certaines vĂ©ritĂ©s. Il est toujours tendancieux de sortir une phrase de son contexte.

Si certains destinataires de ce message Ă©taient prĂ©sents Ă  la confĂ©rence que j’ai donnĂ©e le 8 septembre, au Cercle de Lorraine, ils n’auront, Ă  aucun moment, pu constater lors de ma prĂ©sentation la volontĂ© de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de l’aĂ©roport de Bruxelles au dĂ©triment des autres aĂ©roports belges. Je saisis cette occasion pour rappeler certaines vĂ©ritĂ©s.

Tout d’abord, une rĂ©alitĂ© Ă  laquelle je suis confrontĂ©e: l’architecture du pays. C’est une donnĂ©e qui n’est pas sans ajouter Ă  la complexitĂ© du dossier.  Le niveau fĂ©dĂ©ral est responsable de l’aĂ©roport de Bruxelles-National, les  RĂ©gions sont quant Ă  elles en charge des infrastructures aĂ©roportuaires  situĂ©es sur leur territoire.

Tenant compte de cette architecture institutionnelle, les diffĂ©rents dossiers aĂ©roportuaires sur la table exigent une plus grande concertation entre les niveaux de pouvoir. J’ai dĂ©jà  et Ă  plusieurs reprises demandĂ© de dĂ©velopper une rĂ©elle stratĂ©gie aĂ©roportuaire belge. Encore trĂšs rĂ©cemment, j’en ai fait part Ă  mon collĂšgue wallon, le Ministre Di Antonio. Le vendredi 21 aoĂ»t, il a Ă©tĂ© aussi rappelĂ© dans la presse que « Plus globalement, devant le dĂ©veloppement des infrastructures aĂ©roportuaires en Belgique, la ministre plaide en faveur d’une stratĂ©gie concertĂ©e pour tout le pays qui apporterait des solutions Ă  court et long terme. »

L’enjeu est Ă©norme. La gestion des nuisances pour les riverains, le poids Ă©conomique et l’emploi qui en dĂ©pend. C’est une vision qui demande une synergie de fonctionnement et de dĂ©veloppement de nos diffĂ©rents aĂ©roports belges pour que la concurrence ne s’établisse pas entre eux mais par rapport aux aĂ©roports des pays voisins.

Vous l’aurez donc compris, il n’est pas question de privilĂšge mais d’une volontĂ© de concertation. J’ai eu et aurai l’occasion de visiter et prendre connaissance de diffĂ©rentes stratĂ©gies dĂ©veloppĂ©es dans les pays limitrophes. Ces expĂ©riences contiennent autant d’élĂ©ments qui font partie de ma rĂ©flexion globale, soyez-en assurĂ©s.

Je vous prie d’agrĂ©er, Monsieur Lebrun, Mesdames et Messieurs, mes salutations distinguĂ©es.

Jacqueline GALANT

Ministre de la Mobilité,

Chargée de Belgocontrol et de la SNCB