Madame La Ministre,
Nous serons francs. Votre réponse nous a sidéré: ou vous cherchez à  “noyer le poisson” en jouant sur les mots, ou vous avez manifestement encore du mal à comprendre votre rôle et vos compétences en tant que Ministre fédérale de la mobilité. Dans les deux cas, c’est une honte d’être aussi peu à la hauteur des enjeux réels du dossier du survol de Bruxelles.
Nous n’avons nullement sorti une phrase de son contexte. Voici le compte-rendu exact de la réponse que vous avez faite à une question d’un citoyen lors de votre conférence au cercle de Lorraine:
« On ne se rend pas bien compte de l’impact Ă©conomique et de l’emploi. Trouver un Ă©quilibre entre le dĂ©veloppement Ă©conomique, le maintien de l’emploi et les nuisances. Mon rĂ´le est de dĂ©fendre l’aĂ©roport national, pas les rĂ©gionaux. Risque de perte d’emplois, par exemple Ethiopian Airlines : ce sont des emplois de Belges qui risquaient d’ĂŞtre supprimĂ©s. »
Ces propos appellent de notre part les considérations suivantes:
Dans l’affaire Ethiopian airlines, vous avez clairement démontré que vous favorisiez exclusivement le développement de Brussels Airport, au mépris de l’intérêt général.
Vous avez en effet octroyé unilatéralement des droits de trafic de 5ème liberté à Ethiopian airlines (Dubai, HK, Singapour), en sachant pertinemment que:
– Ethiopian airlines est une compagnie d’Etat subsidiĂ©e, et dont le personnel ne paye pas de charges sociales ni patronales en UE. C’est donc une compagnie qui pratique le dumping Ă©conomique et social.
– Les 400 Ă 600 emplois soi-disant en pĂ©ril Ă Zaventem si ces droits de trafic n’étaient pas concĂ©dĂ©s sont un mensonge pur et simple de Arnaud Feist (CEO de Brussels Airport) et de DHL. Par contre, en octroyant ces droits, vous mettez directement en pĂ©ril la viabilitĂ© Ă©conomique de la sociĂ©tĂ© TNT basĂ©e Ă Liège, et donc de 400 emplois belges bien rĂ©els. De ce point de vue, l’association NATIONALE des pilotes (Beca) ne s’y est pas trompĂ©, puisqu’elle vous demande elle aussi de revenir sur cette dĂ©cision absurde, au nom de la prĂ©servation de l’emploi rĂ©el en Belgique (http://www.lalibre.be/economie/actualite/les-pilotes-defendent-liege-face-a-zaventem-55f307173570b0f19e9091fc).Â
1. Lorsque vous affirmez, lors de votre confĂ©rence au cercle de Lorraine: « Risque de perte d’emplois, par exemple Ethiopian Airlines : ce sont des emplois de Belges qui risquaient d’ĂŞtre supprimĂ©s.”, vous ne faites donc que reprendre les mensonges des lobbys de Zaventem, auxquels vous vous ĂŞtes complaisamment soumis.
– Et enfin, en octroyant ces droits, vous aggravez les nuisances Ă Bruxelles (vols cargos Ă destination de l’Asie, donc sur le scandaleux « virage Ă gauche”), et vous ratez une occasion unique d’agir en faveur du dĂ©veloppement de la nĂ©cessaire politique aĂ©roportuaire nationale.
C’est bien l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral que vous massacrez en prenant ce genre de dĂ©cisions absurdes.Â
 2.Lorsque vous affirmez que “(votre)rĂ´le est de dĂ©fendre l’aĂ©roport national, pas les rĂ©gionaux.”, vous commettez une grave erreur d’apprĂ©ciation, indigne de la mission qui vous est confiĂ©e en tant que Ministre fĂ©dĂ©rale de la MobilitĂ©.
Pour justifier votre position, vous ajoutez que « Le niveau fédéral est responsable de l’aéroport de Bruxelles-National, les Régions sont quant à elles en charge des infrastructures aéroportuaires situées sur leur territoire.”
Vous jouez avec les mots pour justifier ce qui n’est pas justifiable.  Nous aimerions vous rappeler que:
– vous ĂŞtes ministre fĂ©dĂ©rale, et avez jurĂ© fidĂ©litĂ© et obĂ©issance Ă la constitution et aux lois du peuple belge. En ce sens, votre mission est bien de veiller Ă protĂ©ger et dĂ©velopper l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, et pas les intĂ©rĂŞts particuliers de certains lobbys flamands de Brussels Airport et DHL.
– votre administration (SPF MobilitĂ©, DGTA) dispose d’une compĂ©tence nationale; et ses dĂ©cisions, notamment d’octroi ou de refus de droits de trafic, ont une portĂ©e nationale,
– vous exercez la tutelle sur Belgocontrol, qui gère le trafic au niveau national.
– certes, l’Etat est encore actionnaire minoritaire de Brussels Airport Ă concurrence de 25%, mais cela ne vous donne pas mandat pour oublier votre mission d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral au profit exclusif d’intĂ©rĂŞts financiers de l’Etat. Il serait par ailleurs judicieux que le contrĂ´le de cette participation soit confiĂ© Ă un autre organe de l’Etat pour Ă©viter les situations de conflit d’intĂ©rĂŞt.
 3. Enfin, toute votre action à ce jour va à l’encontre même du développement durable.
Comme l’a expliqué récemment le mouvement citoyen Pas Question, depuis votre entrée en fonction, toutes vos décisions en cette matière n’ont fait qu’aggraver la situation des nuisances à Bruxelles, au mépris de la santé des citoyens habitants la zone la plus densément peuplée du pays (http://pasquestion.be/fr/survol-de-bruxelles-y-til-encore-un-pilote-dans-lavion-au-mr).
Le doublement du traffic aĂ©rien attendu dans les 15 prochaines annĂ©es doit se faire en minimisant l’impact sur les riverains.
L’objectif de Brussels Airport, comme toute sociĂ©tĂ© Ă capitaux anglo-saxons, est de maximiser son profit dans un cadre lĂ©gal. Il revient donc Ă l’Etat de dĂ©finir le cadre lĂ©gal qui protĂ©gera justement ses citoyens, ainsi que les impĂ©ratifs de santĂ© publique.
Si vous souhaitez servir l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral comme le titre de votre email le prĂ©tend, vous devez vous assurer que le dĂ©veloppement des activitĂ©s nuisibles, telles que le fret pur (cargo) et les vols de nuit se fasse Ă l’écart des villes, comme c’est le cas pratiquement partout ailleurs en Europe.
Vous n’avez pas le droit de privilĂ©gier le dĂ©veloppement de Brussels Airport au dĂ©triment des autres aĂ©roports internationaux situĂ©s en Belgique.
Vous n’avez pas le droit de persister dans l’erreur.
Vous n’avez pas le droit d’hypothĂ©quer la santĂ© de nos familles.
Jean-Noel Lebrun
www.coeur-europe.be
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Monsieur Lebrun,
Mesdames et Messieurs,
J’ai pu prendre connaissance de votre mail concernant mon refus « public » de servir l’intérêt général. A sa lecture, il me devait donc de rétablir certaines vérités. Il est toujours tendancieux de sortir une phrase de son contexte.
Si certains destinataires de ce message étaient présents à la conférence que j’ai donnée le 8 septembre, au Cercle de Lorraine, ils n’auront, à aucun moment, pu constater lors de ma présentation la volonté de défendre les intérêts de l’aéroport de Bruxelles au détriment des autres aéroports belges. Je saisis cette occasion pour rappeler certaines vérités.
Tout d’abord, une réalité à laquelle je suis confrontée: l’architecture du pays. C’est une donnée qui n’est pas sans ajouter à la complexité du dossier.  Le niveau fédéral est responsable de l’aéroport de Bruxelles-National, les  Régions sont quant à elles en charge des infrastructures aéroportuaires  situées sur leur territoire.
Tenant compte de cette architecture institutionnelle, les diffĂ©rents dossiers aĂ©roportuaires sur la table exigent une plus grande concertation entre les niveaux de pouvoir. J’ai dĂ©jĂ Â et Ă plusieurs reprises demandĂ© de dĂ©velopper une rĂ©elle stratĂ©gie aĂ©roportuaire belge. Encore très rĂ©cemment, j’en ai fait part Ă mon collègue wallon, le Ministre Di Antonio. Le vendredi 21 aoĂ»t, il a Ă©tĂ© aussi rappelĂ© dans la presse que « Plus globalement, devant le dĂ©veloppement des infrastructures aĂ©roportuaires en Belgique, la ministre plaide en faveur d’une stratĂ©gie concertĂ©e pour tout le pays qui apporterait des solutions Ă court et long terme. »
L’enjeu est énorme. La gestion des nuisances pour les riverains, le poids économique et l’emploi qui en dépend. C’est une vision qui demande une synergie de fonctionnement et de développement de nos différents aéroports belges pour que la concurrence ne s’établisse pas entre eux mais par rapport aux aéroports des pays voisins.
Vous l’aurez donc compris, il n’est pas question de privilège mais d’une volonté de concertation. J’ai eu et aurai l’occasion de visiter et prendre connaissance de différentes stratégies développées dans les pays limitrophes. Ces expériences contiennent autant d’éléments qui font partie de ma réflexion globale, soyez-en assurés.
Je vous prie d’agréer, Monsieur Lebrun, Mesdames et Messieurs, mes salutations distinguées.
Jacqueline GALANT
Ministre de la Mobilité,
Chargée de Belgocontrol et de la SNCB