Un conflit d’intérêts plane sur le Plan Avions de Wathelet

lecho.be
6 mai 2014

L’un des architectes du plan Avions de Melchior Wathelet est également administrateur de l’UBCNA – l’organe de lobbying de l’Oostrand.

C’est une histoire belge – ou plutôt bruxelloise. Un conflit d’intérêts est-il au cœur de la genèse du plan Wathelet, un plan controversé que le cdH traîne comme un boulet dans cette campagne électorale? Élaboré par le cabinet du secrétaire d’État à la Mobilité, Melchior Wathelet (cdH), ce plan de dispersion des vols d’avions de Brussels Airport est à tel point mis en cause à Bruxelles que le président du cdH Benoît Lutgen est monté au créneau lundi sur RTL, et a demandé une solution avant les élections du 25 mai. « Certaines routes de vol doivent être modifiées à court terme avant les élections« , a souligné Benoît Lutgen.

Homme compétent
Mais revenons à nos avions. Un collaborateur, membre du cabinet du secrétaire d’État Wathelet, Philippe Touwaide, est à la manœuvre pour l’élaboration du plan Wathelet, un plan issu des accords de 2008 et de 2010. M. Touwaide est arrivé au cabinet Wathelet après un passage au cabinet de la vice-Première ministre cdH Joëlle Milquet.

La compétence de Philippe Touwaide en matière de droit aérien n’est pas remise en cause: il avait d’ailleurs été désigné médiateur de l’aéroport national par l’ex-ministre Ecolo Isabelle Durant en 2002.

Mais voilà le problème: Philippe Touwaide est par ailleurs… administrateur délégué (empêché) de l’Union belge contre les nuisances des avions (UBCNA) depuis 2008. Cette association, qu’il avait quittée pour devenir médiateur, est à l’origine fondée pour défendre les intérêts de tous les Bruxellois. Or dans les faits, elle est devenue un organe de lobbying et de défense des habitants de l’Oostrand (Crainhem, Wezembeek et une partie des deux Woluwe). Les nuisances sonores subies par l’Oostrand ont été (très) largement allégées par le Plan Wathelet – au détriment d’autres communes bruxelloises (Etterbeek, Auderghem, Watermael-Boitsfort).
Allié de l’UBCNA
Et c’est bien l’UBCNA qui a eu gain de cause avec ce Plan. Dans un mail de mars 2014, l’expert du vice-Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) explique que les adaptations de Melchior Wathelet ont été prises « sous pression des organisations de l’Oostrand comme l’UBCNA. Les partis flamands du gouvernement n’ont pris aucune initiative pour aller dans ce sens », écrit-il.

Et il dit vrai. L’UBCNA n’a de cesse de défendre le Plan Wathelet depuis février. Normal, il a été dessiné par un de ses administrateurs… Didier Gosuin (FDF) a d’ailleurs claqué la porte de la présidence de l’UBCNA en 2012 à cause de ce conflit d’intérêts. « C’est une question de crédibilité, dit-il aujourd’hui. On ne peut pas à la fois être contrôleur, contrôlé et groupe de pression. C’est le conflit d’intérêts le plus patent. »

Car Philippe Touwaide a également un pied à Belgocontrol. En mars 2012, Melchior Wathelet le désigne commissaire du gouvernement auprès du gendarme du trafic aérien. Et en mai 2012, il relaye fidèlement un « changement minime » demandé par Belgocontrol qui a abouti au chaos que l’on connaît actuellement. Il est remplacé depuis février 2014 par Pierre Crevits, chef de cabinet de Melchior Wathelet.

Correction minime
Dans un mail envoyé en juin 2012 à ses collègues, Philippe Touwaide explique qu’à la demande de Belgocontrol, les avions ne vireront pas à 2.200 pieds (comme prévu dans les accords) mais à 1.700 pieds. « C’est une correction minime, écrit Philippe Touwaide. Il n’y aura aucune incidence sur un transfert de survols d’une région vers une autre, on reste ici sur la zone de survols d’avion au-dessus du territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. » Concrètement: les avions voleront plus bas que ce qui a été prévu, mais pas de problème, cela se passera au-dessus de Bruxelles. Le tout a été emballé et pesé sans passer devant le conseil des ministres.

Interrogé par nos soins, Philippe Touwaide se défend de toute contribution partiale au dossier. Melchior Wathelet prend sa défense.

« Ce sont des accusations faciles. Il y a 8 personnes qui préparent le dossier en intercabinets, je voudrais qu’on m’explique comment Philippe Touwaide seul peut imposer ses vues. De plus, c’est un autre collaborateur, Pierre Sohier, qui gère en direct le dossier« , rétorque le secrétaire d’Etat.

L’association qui regroupe des riverains bruxellois – « Pas Question » — dans son recours en annulation auprès du Conseil d’Etat détaille le défaut d’impartialité que chaque citoyen est en droit d’attendre des pouvoirs publics et qui a été dans la mise en application de ce plan bafoué à plusieurs reprises.