latribune.fr 10/05/2012
Bientôt des dirigeables pour le transport de fret ?
Dominique Pialot
Plus lourd que l’air, plus léger qu’un avion, le V901, qui s’apprête à faire son premier vol ambitionne de redonner ses lettres de noblesse au dirigeable, à des fins de transport de fret dans les zones peu peuplées. Et envisage, à plus long terme, le transport de marchandises à l’hydrogène pour l’après-pétrole.
Alain Bernard, qui dirige la société d’investissement New York Finance Innovation (NYFI), est un éclectique. Il a récemment financé à travers la société Modulowatt le développement d’un démonstrateur pour un système de recharge pour véhicules électriques, innovant à la fois sur le plan technologique et en termes de modèle économique.
Mais il s’intéresse également à un type de transport encore plus étonnant : les dirigeables. Pas tout à fait ceux qui ont connu leur heure de gloire au début du vingtième siècle et dont les faiblesses (sensibilité aux aléas climatiques, inaptitude aux altitudes élevées, etc.) ont peu à peu conduit à la quasi-disparition. Encore utilisés à des fins publicitaires, par des photographes, des amateurs de tourisme aérien ou des scientifiques, ils sont en tout cas inaptes au transport de charges lourdes.
Un hybride entre l’avion et le dirigeable
Comme les grands industriels (Aeros, Lockheed Martin et Hybrid Air Vehicles, Northrop Grumann), qui s’intéressent à la nouvelle génération de dirigeables, Alain Bernard travaille sur une machine hybride, alliant les performances aérodynamiques et aérostatiques de l’avion et du dirigeable.
Il s’intéresse à Voliris depuis sa création en 2001 par les Theuveny père et fils et recapitalise l’entreprise en 2008 pour financer le développement du V901. De forme plus allongée que le dirigeable classique, et trilobé (composé de trois parties), il est plus manoeuvrant qu’un dirigeable classique et plus lourd que l’air, ce qui doit lui conférer une capacité d’emport importante.
Depuis 2009, Voliris est engagé dans un programme de recherche baptisé DGV2, pour Dirigeable Grande Vitesse et Géométrie Variable. Le prototype qui doit effectuer son premier vol dans les deux prochaines semaines, depuis l’aérodrome de Moulins (Allier) constitue la première étape d’un projet labellisé par le pôle de compétitivité PEGASE, qui vise la réalisation d’un démonstrateur de 15.000 mètres cubes. Celui-ci doit être capable de transporter un container de 32 tonnes. Voliris vise la desserte de régions à faible densité de population, difficilement accessibles à bas prix par mer, par rail ou par route, comme l’Afrique.
Des drones volant à l’hydrogène
Si dans un premier temps le V901 volera au diesel et à l’hélium, à terme l’objectif est plus ambitieux encore. Il s’agit en effet de préparer l’intégration de l’hydrogène, utilisé à la fois pour la portance et la propulsion. Conscients des risques associés à l’inflammabilité de l’hydrogène, Daniel Bernard imagine des ponts aériens grâce à des navettes « dronisées », fonctionnant sans pilote. Si le coût de développement du premier aéronef est évalué à quelque 300 millions d’euros, le prix visé est d’un euro par tonne/kilomètre.
Pour passer du prototype de 900 mètres cubes, qui peut voler sous la réglementation française ULM, à la machine de 15.000 mètres cubes capable de transporter un container, il faudra s’associer à des fabricants puis passer à l’exploitation en propre. « Impossible de trouver un exploitant pour une machine nouvelle », souligne Alain Bernard. Son calendrier prévisionnel est clair : 10 ans pour disposer d’une machine fiable et l’exploitée, puis 10 ans encore avant de la faire voler à l’hydrogène. « Mais c’est le seul combustible qui non seulement permet de voler et remplace le carburant », un argument qui lui semble imparable à terme dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles.