Brussels Airport Company – la société privée qui exploite l’aéroport de Zaventem – va consacrer 460 millions d’Euro à l’agrandissement de ses installations et à la création de nouvelles portes d’embarquement à l’ouest de la jetée A, afin d’augmenter de 18% les capacité de stationnement des avions. Elle a introduit une demande d’étude d’incidence auprès du Gouvernement flamand. Si la Flandre autorise cette expansion Bruxelles va se voir imposer sa part de nouvelles nuisances sonores.
Cette situation pose un certain nombre de questions
1. L’aéroport fédéral de Zaventem peut-il encore grandir ?
Avec des pistes qui se terminent à moins de 2 km d’une ville de plus d’un million d’habitants et face aux vents dominants qui viennent de cette direction, l’aéroport de Zaventem ne peut survivre qu’en devenant un City Airport. Une plate forme qui dessert uniquement les grandes villes d’Europe non reliées par des trains à grande vitesse. Il doit donc maigrir pour survivre et ne peux développer des liaisons intercontinentales, ni des activités de fret pour lesquelles il y a des aéroports mieux situés. Ce n’est évidemment pas le point de vue de Brussels Airport Company qui entend tirer un maximum de profits de l’aéroport dont elle est propriétaire.
2. Pourquoi le Gouvernement flamand sera-t-il tenté de dire oui à cette expansion ?
Le Gouvernement flamand préfère sous estimer les pollutions supplémentaires que vont subir les habitants du Brabant flamand parce que la Flandre va profiter de nouvelles rentrées et de la plupart des nouveaux jobs liés à cette expansion. Quant aux nuisances nouvelles le gouvernement flamand va certainement tenter de les faire répartir « équitablement » entre les communes de la périphérie flamande et Bruxelles. Tout cela entre dans la stratégie de son plan START de développement de la zone économique de Zaventem, au même titre que le méga shopping contesté U Place à Machelen.
3. Pourquoi le Gouvernement bruxellois n’est il pas consulté ?
L’aéroport fédéral est situé sur le territoire de la Région flamande et les Régions sont compétentes en matière d’environnement. La ministre bruxelloise de l’Environnement n’a donc pas à être consultée à ce sujet et l’étude d’incidence se limitera à l’impact sur les communes de la périphérie de Bruxelles. A Zürich l’aéroport n’a pas pu s’étendre parce que des communes allemandes riveraines s’y sont opposées avec succès. Mais comme ici il ne s’agit pas de frontières d’Etat, Bruxelles ne pourra bloquer la décision de la Région flamande. Et Paris ne peut être survolé à moins de 2.000m d’altitude.
4. Quelle est la pollution subie par les Bruxellois ?
A partir des chiffres publiés par la Médiateur pour l’aéroport on peut conclure qu’en 2011 la Région de Bruxelles a été survolée par 110.000 avions en phase de décollage ou d’atterrissage. Quand on sait qu’un seul Boeing 747-400 émet 6,7 tonnes de CO2 entre sa porte de départ et une altitude de 1.000m on peut imaginer les dégâts. Les avions survolant Bruxelles ont aussi rejeté des milliers de tonnes de particules fines et d’autres polluants qui ont un effet sur la qualité de l’air que nous respirons, comme l’oxyde d’azote, le dioxyde de souffre, le monoxyde de carbone, les hydrocarbures et les composés organique volatils. L’effet maximum se fait particulièrement sentir sur 6 km pour les atterrissages et 3 km pour les décollages.
5. Les citoyens de Bruxelles peuvent-ils supporter davantage de pollution ?
Comme la plupart des citadins, les Bruxellois endurent déjà les pollutions sonores et atmosphériques liées à une intense circulation automobile, aux dizaines de milliers de navetteurs qui viennent y travailler chaque jour, à un vaste réseau de transports en commun, aux systèmes de chauffage et de ventilation urbains, aux sirènes et alarmes intempestives et aux noctambules qui viennent s’amuser en ville. Faut-il encore leur ajouter les 110.000 survols à basse altitude endurés en 2011 ? Faut-il leur demander de partager la pollution supplémentaire que va entraîner l’autorisation de développer l’aéroport que pourrait attribuer la Flandre ?
6. Comment le Gouvernement bruxellois peut-il protéger ses citoyens ?
Impuissant quant à l’expansion de l’aéroport qui n’est pas sur son territoire, il est cependant de son devoir de veiller à la santé physique et mentale de ses ressortissants. La seule arme en sa possession est l’Arrêté « Bruit des avions » qu’il a promulgué et dont les normes de bruit ont été validées en 2011 par les arrêts de la Cour de Justice européenne et par la Cour constitutionnelle. Depuis, le Conseil d’Etat a déclaré infondés des recours de compagnies aériennes contre les amendes infligées par Bruxelles. Le Gouvernement bruxellois a donc décidé, le 15 mars, de lancer les premières procédures de recouvrement pour un montant de 1,6 millions d’euros. Le but ne peut évidemment être de remplir les caisses de la Région, mais bien de dissuader les avions les plus bruyants de survoler la ville. Aux compagnies à exiger de Belgocontrol de n’envoyer au-dessus de Bruxelles que des avions capables de respecter ces normes de bruit.
7. Est-il possible d’éviter le survol des zones densément peuplées ?
Comme la Flandre n’a pas établi de zones non aedificandi autour de l’aéroport, on a construit jusqu’en face du mur du champ d’aviation. Il n’y a donc évidemment plus aucune zone inhabitée. Il reste cependant en Brabant flamand des zones avec une densité de population infiniment plus basse qu’à Bruxelles. Avec des virages plus rapides il est possible d’éviter les zones densément peuplées. Des routes optimalisées ont été établies pour contourner la région bruxelloise. Jusqu’à présent des choix politiques les ont écartées. Evidemment, dans les zones où la concentration des vols deviendrait trop forte, il faudra donner aux habitants la possibilité d’être expropriés au prix du marché pour pouvoir s’installer ailleurs. C’est ce qui s’est fait à Bierset aux frais de la Région wallonne. Ici on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas aux frais de l’aéroport qui désire développer ses activités.
8. Melchior Wathelet et le Gouvernement fédéral vont ils prendre leurs responsabilités ?
Le Secrétaire d’Etat à la Mobilité est en charge de l’aéroport fédéral de Zaventem et c’est lui aussi qui détermine les routes aériennes que Belgocontrol peut utiliser pour assurer le trafic aérien. Il lui incombe de proposer de nouvelles routes aériennes qui évitent le survol de toute zone densément peuplée, contrairement à celles prévues dans l’accord gouvernemental. Il lui incombe aussi de donner instruction à Belgocontrol de ne pas envoyer au-dessus de Bruxelles des avions incapables de respecter les normes de bruit en vigueur au-dessus de la ville et qui seront désormais sanctionnés. Ceci, même si le Gouvernement fédéral demande d’y surseoir parce qu’il craint de mettre à mal la trésorerie des compagnies aériennes et de l’aéroport. Il faut dénoncer ici une logique économique et mercantile qui prend manifestement le pas sur une logique citoyenne et de santé publique.
9. Les vols de nuit vont-ils être interdits ?
Dans une décision récente, le tribunal de Leipzig vient de décréter l’interdiction des vols de nuit entre 23h et 5h du matin à l’aéroport de Francfort – premier aéroport d’Allemagne – pour préserver le sommeil des riverains. Lufthansa Cargo estime que son bénéfice sera amputé de 40 millions par an. Cela n’a pas empêché le tribunal fédéral de soulever aussi la question des 133 vols effectués entre 22h et 23h et entre 5h et 6h en précisant que « Les vols de nuit peuvent seulement être autorisés si un besoin particulier peut être établi ». Monsieur Wathelet va-t-il attendre que les tribunaux belges prennent semblable décision pour protéger le sommeil des personne survolées, alors qu’à Bierset les expropriations nécessaires ont été effectuées pour permettre cette activité de fret ?
10. Que peuvent faire les Bruxellois ?
Trois solutions : déménager, se résigner ou se révolter. Si vous vous révoltez seul c’est bien, mais si nous sommes nombreux à refuser cette injustice, nous finirons par être entendus. Pour rester au courant de l’évolution de la situation vous pouvez vous abonner gratuitement à notre newsletter. Et si vous voulez rejoindre le club des révoltés et développer nos actions cliquez ICI