Dix ans de Rubik’s Cube insoluble… et, tout à coup, LE plan parfait et définitif qui va, en deux coups de cuiller à pot, faire disparaître les nuisances aériennes ?
Le Plan Schouppe est arrivé.
Exit donc la vieille «route Chabert». La « route du canal » serait la voie miraculeuse pour faire passer les avions, sans embêter âme qui vive. Sauf que «canal» ou «Chabert», c’est chou vert et vert chou, ou la peste et le choléra. La route du canal passe à un jet de pierre de la route Chabert.
Le canal de Willebroek n’est quand même pas perdu au milieu de polders, il traverse la Région bruxelloise en plein milieu. Et la route du canal est pile poil dans l’axe du centre-ville et de la Grand-Place. Le cône de bruit projeté au sol par les avions est bien plus large que le canal de Willebroek, qui n’a pas vraiment le gabarit du fleuve Hudson. (Et on vous passe la question des citernes de gaz le long du canal qui laissent de temps à autre échapper vers le ciel leur excédent de pression.)
« Gros porteurs », ça dit bien ce que ça veut dire. C’est des (très) gros avions, de préférence bien lestés de marchandises ou de passagers et forcément remplis à ras bord de kérosène. C’est donc des avions bien lourds qui font forcément du (gros) bruit au décollage.
voir annexe « Canal » : l’avion noir = nouvelle route – déplacement route et augmentation du trafic vers 40 à 110 décollages par jour.
Encore plus de dispersion, nous annonce-t-on… Ou comment exposer encore et toujours plus de monde aux nuisances aériennes (tout en ne dédommageant personne). Ça fait dix ans qu’à Bruxelles on disperse de plus en plus et que le nombre de mécontents ne cesse de croître.
Le virage à gauche (au-dessus de Bruxelles) va passer à 2200 pieds d’altitude, au lieu de 1700 pieds. Une décision similaire avait déjà été mise en uvre au début des années 2000 suite à un near-miss (quasi-télescopage) au-dessus des cliniques Saint-Luc à Woluwé-Saint-Lambert. On sait donc déjà ce que ça donne: les avions pénètrent encore plus loin dans le territoire de la Région bruxelloise avant de virer.
voir annexe « 2200Feet » : l’avion noir = nouvelle route – déplacement route. trafic de +/- 180 décollages par jour. le pointillé représente le centre de la floche que les avions traçent, car ils ne volent pas selon un traçé précis mais virent selon l’endroit où ils atteingnent l’altitude de virement définie par le ministre.
Il est entendu que les normes de vent doivent être les critères prioritaires de choix des routes pour des raisons évidentes de sécurité. Mais on ne voit pas trop en quoi le strict respect des normes de vent internationales va résoudre le problème de l’implantation de l’aéroport de Zaventem, situé à 2 km de la Région bruxelloise et aujourd’hui complètement enclavé en tissu urbain, à cause de l’urbanisation galopante de la périphérie de Bruxelles et d’une absence de politique cohérente d’aménagement du territoire.
Dans les pays « normaux », c’est le centre-ville qu’il est interdit aux gros avions de survoler et c’est sur « les zones les moins densément peuplées », à l’extérieur des villes, que sont concentrés les vols. Ailleurs, on définit des couloirs de vols au-dessus des zones les moins densément peuplées, des zones d’exposition au bruit, des zones non aedificandi, on exproprie et/ou on indemnise un tant soit peu. Pourquoi ? Pour minimiser le nombre de personnes exposées aux nuisances d’abord, au nom du principe de précaution ensuite. Les accidents de chemin de fer, c’est rare, mais ça arrive. Les crashs aériens, c’est encore plus rare, mais ça arrive aussi.
Rien de tout ça à Bruxelles. C’est même tout à fait l’inverse. Chez nous, c’est au-dessus de l’ « inner city » qu’on fait passer les gros avions.
Les autorités bruxelloises n’ont pas l’air d’avoir eu beaucoup leur mot à dire là-dedans… ou bien elles ont fait le gros dos. Or, il se concocte actuellement en Région bruxelloise de nombreux projets de développement le long dudit canal, dont il est prévu de faire un nouveau pôle d’attraction de la capitale. Des projets commerciaux et industriels bien sûr, mais aussi résidentiels (logements moyens et logements haut de gamme) et culturels (Tour &Taxis). Cherchez la cohérence/l’erreur.
Tant le gouvernement fédéral que le gouvernement de la Région flamande ont répété à l’envi ces derniers temps qu’il fallait (re)valoriser Bruxelles, qui est tout de même la capitale de la Belgique, de la Flandre, de l’Europe. Les touristes étrangers, eux, n’en finissent pas de s’étonner de tous ces gros coucous qui passent au-dessus de « la plus belle place du monde ». Cherchez la cohérence/l’erreur.
La route du canal concerne, entre autres communes, Neder-Over-Hembeek, Bruxelles-Ville, Anderlecht et Molenbeek. Nos éminences prévoient, paraît-il, moins de plaintes à l’avenir concernant les nuisances aériennes. Peut-être « parce que chez ces gens-là », Messieurs-Dames, on ne se plaint pas…
Que penser, enfin, du silence radio de ces mêmes éminences sur certains sujets qui sont tout sauf accessoires dans cette affaire :
– Quid de l’organe indépendant de contrôle, promis depuis si longtemps et indispensable pour veiller à l’application et au respect de toutes ces belles mesures ?
– Quid du maintien ou de la suppression, à long terme, des créneaux de vols de nuit (hors vols humanitaires, médicaux, etc. ) ?
– Quid du « Start Plan » de la Région flamande, qui a pour objectif déclaré d’arriver à 400.000 mouvements d’avions à Brussels Airport (on est à moins de 250.000 actuellement), et qui ne semble nullement enterré ?
– Quid du terminal low-cost, démarré « en stoemelings », en infraction totale avec la réglementation européenne ?
Quant au choix de privilégier en Belgique le fret aérien et la logistique, est-il bien judicieux de développer un secteur à très faible valeur ajoutée, extrêmement polluant (y compris en émissions de C02), totalement dépendant du pétrole, soumis à une automatisation croissante ? Et est-ce vraiment une activité indiquée dans un aéroport complètement enclavé collé à une grande ville, alors que le bon sens voudrait qu’on s’y limite à des vols d’affaires de jour (un «city airport » façon Londres) ?
Faut-il préciser ici que les améliorations ressenties récemment par les populations survolées en matière de nuisances aériennes sont dues essentiellement à la crise financière et économique et au départ de DHL et ne résultent nullement de courageuses décisions politiques ?
Où sont donc les améliorations que le nouveau plan de vols apporterait aux Bruxellois? Il suffit de jeter un coup d’il à la cartographie pour voir que ce sont eux qui vont, une nouvelle fois, se ramasser le gros paquet (de nuisances aériennes, pas de sous, hélas).
Une fois de plus, les « bien représentés » ou les « mieux représentés » se sont arrangés pour envoyer leurs poubelles (sonores en l’occurrence) chez les péquenauds de la capitale. Et il est question que ça devienne une loi…