Pas de pub pour les transports polluants !

une carte blanche de Ezio GANDIN (Les Amis de la Terre), Frédéric BOUTRY et Pierre COURBE (Inter-Environnement Wallonie) Bernard LEGROS (Résistance à l’Agression Publicitaire), Eric CAUWENBERGH et Jean Baptiste GODINOT (asbl Respire), Denis MARION et Hermann PIRMEZ (Trop de bruit en Brabant wallon ASBL) pour le collectif www.stoppubauto.be

La législature qui s’ouvre sera cruciale pour le défi environnemental et donc pour la société en général. De nombreuses études l’attestent en effet: si des mesures fortes ne sont pas prises très rapidement, les coûts humain, environnemental et économique du bouleversement climatique seront exorbitants. Limiter radicalement nos émissions de CO2 pour maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C est impératif ; le défi est connu : pour ne pas dépasser ce seuil, il nous faura diminuer nos émissions de 80% d’ici 2050.
Ne nous leurrons pas: nous n’atteindrons pas cet objectif en manœuvrant à la marge. Une réorganisation profonde de nos modes de production et de consommation est nécessaire et cette réorganisation doit prendre la direction de la sobriété et de l’efficience énergétique.
Aujourd’hui, en Belgique, chacun consomme en moyenne 6,8 litres de pétrole par jour . C’est pure folie en regard des impératifs climatiques mais aussi de l’imminence du pic du pétrole. Une analyse rigoureuse et détaillée de la récente antenne belge de l’Association pour l’étude du pic du pétrole et du gaz indique en effet que nous sommes à l’aube du moment où la production de brut atteindra son maximum pour décroître ensuite inexorablement. C’est ce moment-là que les experts nomment  » le pic du pétrole « . Lorsque ce pic sera franchi, le prix à la pompe explosera, de façon irréversible.

Diminuer fortement nos émissions de CO2 et sortir du tout-pétrole implique de réduire l’utilisation des modes de transports qui consument des énergies fossiles. Le secteur des transports est en effet celui qui connaît la plus forte augmentation d’émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial (plus 120% entre 1970 et 2004), juste après la production d’énergie elle-même (plus 145% sur la même période).
Les avancées technologiques tant vantées comme les agrocarburants ou l’hydrogène ne résistent pas à l’analyse globale ; si elles peuvent apporter des solutions d’appoint, elles ne constituent en rien une alternative généralisable et durable. Rien ne permettra donc d’éluder l’impérieuse nécessité de sortir de la surconsommation. La question essentielle est de savoir si on veut la préparer et l’organiser ou la subir. Pour y répondre, il faut être pleinement conscient que plus la transition vers une mobilité soutenable prendra de temps, plus grands seront les risques de déstabilisation profonde de l’économie.

Descendre de voiture et préférer les transports doux ; favoriser le rail plutôt que l’avion : ces solutions sont proposées depuis de nombreuses années, sans que l’on observe de changement significatif dans la bonne direction. Pire, ce sont les modes de transports les plus polluants qui sont le plus activement mis en avant, notamment par la publicité. En 2006, plus de 200 millions d’euros ont ainsi été investis en Belgique dans la publicité pour les transports fossiles. Cette aberration dangereuse doit être stoppée ! Une pétition, accompagnée d’une proposition de loi soutenue par un collectif d’associations (www.stoppubauto.be), demande l’arrêt de ce type de publicité pour des produits et services devenus dangereux. Cette revendication se retrouve par ailleurs dans le  » Pacte écologique belge  » qui appelle à la mise en place d’une régulation de la publicité incitant à des comportements responsables de dommages environnementaux.

Le message adressé aux élus est clair: la société civile a pris conscience du caractère non soutenable de notre système de transport. Il appartient maintenant à la classe politique de prendre les décisions qui permettront de s’affranchir de l’idéologie du tout à la voiture et de l’avion facile. Cela passe nécessairement par l’interdiction de publicité pour les modes de transport polluants, qui participe activement à la survalorisation de l’automobile et des voyages en avion dans l’imaginaire collectif.

Certes, les transports polluants ne constituent pas le seul défi environnemental auquel nous devons faire face. Certes, l’interdiction de la publicité commerciale pour ces modes de transports ne résoudra pas la totalité du problème, loin s’en faut. Il n’en est pas moins vrai que nos comportements actuels nous enferment dans une impasse dont il nous sera impossible de sortir tant que la publicité imposera à tous des messages partisans pour des modes de transports non soutenables, nuisibles. Stopper la publicité commerciale pour ces produits et services est possible, comme il a été possible d’interdire la publicité pour la cigarette. Il s’agit de changer de logique et de discours pour permettre une prise de conscience collective et l’émergence de solutions. Il s’agit d’arrêter d’afficher en tout temps et en tous lieux que nous pouvons continuer à polluer plus que de raison; simplement parce que cela est un mensonge, un mensonge dangereux.