Le succès des aéroports régionaux modifie la donne

A l’occasion de ses 35 ans de présence sur le marché belge – où il dispose de trois agences: à Bruxelles, Liège et Anvers -, le courtier britannique King Sturge a présenté deux études (1) qui, assure Hans Van Gent, managing director, mettent le doigt sur deux défis majeurs auxquels les marchés immobiliers devront répondre, en Belgique comme ailleurs: le caractère écologique (ou pas) des immeubles et le développement des zones aéroportuaires.

Il a beaucoup été question des bâtiments «verts» et de construction durable lors du dernier Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) de Cannes le mois dernier. Les propriétaires, dit Hans van Gent, voient le problème fondre sur eux. Et on enregistre trois types de réaction:
– la majorité considère les inévitables législations qui vont fleurir dans ce domaine comme des menaces sur la valeur de leurs biens. A la limite, ils y voient «des bombes à retardement»;
– un deuxième groupe travaille déjà dans la bonne direction, mais ne communique pas – ou mal;
– un dernier groupe, dont l’importance va croissant, voit la chose comme une opportunité et a bien l’intention de prendre le leadership sur ce créneau.
On ne peut isoler de son contexte l’avènement, progressif, mais sans doute inéluctable, de la construction durable.
Le contexte, ce sont les normes européennes, nationales et, dans notre pays, régionales en matière de performance énergétique des bâtiments (PEB), la volonté des pouvoirs publics – notamment les institutions européennes – de montrer l’exemple, et le souci croissant dans les entreprises de s’intégrer dans la société au nom des «corporate social responsabilities», les CSR de plus en plus populaires.

A terme, renchérit Cédric van Zeeland, director chez King Sturge, «on peut craindre l’émergence d’un marché à deux vitesses», avec des immeubles répondant aux nouvelles normes et d’autres qui n’y sont pas conformes.

Les premiers seront plus chers, mais moins agressifs pour l’environnement et présenteront des coûts d’exploitation moindres. Toutefois, on n’en est pas encore là et on n’y sera sans doute pas de sitôt au vu des conditions actuelles sur le marché locatif des bureaux à Bruxelles — et même en Belgique.

«En ce moment, assure Cédric van Zeeland, celui qui demanderait un loyer supérieur aux autres parce qu’il propose un immeuble vert ne trouverait pas d’occupant. C’est aussi simple que cela.»
«Au vu des taux de vacance actuels sur le marché bruxellois des bureaux, notamment en périphérie où la proportion des immeubles vides est proche de 20% et même beaucoup plus sur certains sous-marchés, dit Cédric van Zeeland, une question se pose avec insistance: le marché étant déprimé depuis plusieurs années, peut-on espérer le voir se redresser sensiblement un jour? J’en doute.»

Aux yeux de Cédric van Zeeland, le problème en périphérie est d’abord «celui de la perte d’intérêt économique de l’aéroport de Zaventem», situé trop près de la ville, trop enclavé dans un environnement inadapté où le résidentiel prend de plus en plus d’importance, «ce qui augmente la pression que les habitants exercent sur les autorités».
C’est pour cette raison que DHL est parti, poursuit Cédric van Zeeland. Et même si aujourd’hui on ne le mesure encore que peu, ce départ de DHL entraîne la remise en cause de toute une série d’implantations et, vraisemblablement, le départ programmé de toute une série d’activités connexes. Qui iront ou vont où?
Ces courants d’affaires prennent, dit-on chez King Sturge, deux directions essentiellement:
– celle des aéroports régionaux comme Liège et Charleroi. Ce n’est pas exceptionnel, le phénomène est observable dans toute l’Europe (voir tableau);
– celle du port d’Anvers. «Je suis persuadé, continue Cédric van Zeeland, que certains distributeurs, surtout dans le souci actuel de développement durable, envisagent d’ores et déjà de passer au transport maritime.»

Les aéroports régionaux, dont le succès a permis le développement de zones industrielles connexes, par exemple l’aéropôle de Charleroi, «vont poursuivre dans cette voie. Il arrivera un moment où on verra s’installer sur ces zonings des activités qui jusqu’ici n’y sont pas, comme les agences de travail intérimaire par exemple ou même des surfaces commerciales», assure Cédric van Zeeland.

Par contre, pour Zaventem, «je suis relativement pessimiste à long terme». L’aéroport national n’est pas menacé en tant que tel, mais «son mode de développement va changer». Bruxelles National, devenu entre-temps Brussels Airport, va sans doute s’orienter vers un concept d’aéroport de jour desservant la capitale de l’Europe et, accessoirement, la Belgique.
J.Bl.

a (1) «European Property Sustainability Matters» et «Airports & Ports Property Market», King Sturge, 2007.
Info au 02.230.79.00.
01/06/2007 en page 12
L’Echo