Deux associations de riverains de l’aéroport Charles de Gaulle tentent de se faire entendre auprès du ministre en charge des transports. Elles estiment que les efforts consentis ces dernières années pour diminuer les nuisances sonores ont échoué. Si des réponses sont apportées, elles ne sont pas toujours pertinentes.
par Claire Avignon (JDLE)
«Le bruit des avions diminue, mais la gêne sonore augmente». Les propos de Guillaume Faburel, chercheur à l’Institut d’urbanisme de Paris, résument la situation des riverains de l’aéroport de Roissy. Une analyse en partie partagée par Michel-Claude Lorriaux, chef du département environnement d’Aéroports de Paris (ADP), qui reconnaît un «décalage entre le bruit qui baisse et sa perception.» Une analyse que ne partage pas Simone Néronne, présidente d’Advocnar, Association de défense contre les nuisances aériennes en Ile-de-France: «On assiste à un lavage de cerveau permanent organisé par les transporteurs aériens. La réalité est que la situation ne cesse de se dégrader.»
La vérité est peut-être ailleurs. Les derniers travaux scientifiques montrent que la seule approche acoustique ne permet pas d’appréhender de manière satisfaisante la gêne ressentie par les riverains. «Les résultats d’études étrangères montrent qu’il n’y a pas d’accoutumance au bruit, ni psychologique, ni physiologique, indique Guillaume Faburel. Et ce n’est pas tant l’intensité que la répétitivité du passage des avions qui est en jeu. Il faut désormais prendre en compte des facteurs non acoustiques comme le trafic, les survols plus ou moins hauts, etc.»
Il s’agit d’ailleurs des requêtes des associations de riverains de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Après une action en justice devant le tribunal administratif de Pontoise qui a échoué en mars dernier, Advocnar vient de solliciter un nouveau recours gracieux auprès du ministre en charge des transports, Dominique Perben, afin qu’il publie un arrêté de couvre-feu nocturne. De son côté, l’association qui représente les riverains des Yvelines, Cirena, a adressé un autre recours gracieux à Dominique Perben, portant sur le relèvement d’altitude et la limitation du nombre de mouvements annuels. Pour le moment, le ministre fait la sourde oreille aux alertes des associations. Il faut donc aller voir du côté des autres autorités responsables, à savoir l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), les préfectures d’Ile-de-France et du Val d’Oise, et bien sûr, ADP.
Or, en ces temps d’introduction en bourse, il n’est pas dans les plans d’ADP de diminuer son trafic. D’ailleurs, ce n’est plus tant son problème que celui de la DGAC qui a repris, en 2005, une partie des responsabilités d’ADP, devenue société anonyme. «Les responsabilités sont désormais claires: ADP s’occupe des impacts environnementaux de son sol, la DGAC intervient dès que les avions sont dans l’air.» Sauf qu’une administration centralisée ne correspond pas aux enjeux «territoriaux». «Les gens utilisent le bruit comme un facteur de médiation vis-à-vis des politiques, cela leur permet d’être mieux entendus», analyse Guillaume Faburel.
Et pour cela, malgré les efforts réalisés lors de la dernière décennie, «beaucoup reste encore à faire», estime le chercheur qui cite, comme exemple de territorialisation, l’existence des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou des plans de déplacement urbain. Si les plans d’exposition au bruit (PEB) sont déjà en place, ils ne se réfèrent pas encore à des «indicateurs territoriaux pertinents», et restent très critiqués par les associations. La DGAC, qui a récemment créé une mission environnement, en a pris conscience. «Nous travaillons avec l’Acnusa pour mettre au point des indicateurs qui, espère-t-on, répondront mieux aux attentes des riverains, explique Pierre-Yves Huerre, chef de la mission. Nous sommes attentifs au bruit, mais aussi au survol d’une manière plus générale. La fréquence doit être prise en compte, ainsi que la gêne visuelle.»
D’autres lacunes vont également être corrigées. Dans le cadre du Plan régional santé-environnement, le préfet du Val d’Oise a lancé, le 12 juin, un dispositif chargé d’évaluer l’impact du bruit et de la pollution de l’air chez les riverains des aéroports Charles de Gaulle et du Bourget. Rien n’avait encore été fait jusqu’à présent alors que des études étrangères montrent qu’un risque existe bien, notamment d’hypertension (1). «Nous voulons mettre en place une surveillance de l’impact sanitaire des aéroports qui devrait commencer fin 2007, indique Christian Leyrit, préfet du Val d’Oise. L’analyse de cette surveillance devrait permettre au comité de pilotage du dispositif d’élaborer des préconisations.»
Autre paramètre encore peu pris en compte dans la politique de bruit, la dépréciation immobilière. Une étude de Guillaume Faburel (2) sur l’aéroport d’Orly avait conclu à une diminution de la valeur des logements dans les communes les plus proches et à un processus de paupérisation de l’espace. En effet, les acquéreurs d’immobilier sont plus jeunes et socialement plus modestes par rapport aux années précédentes et aux communes relativement épargnées. Mais peu d’informations sur ce sujet sont disponibles dans le cas de l’aéroport du nord francilien.
(1) Voir l’article du JDLE intitulé «Impact de la pollution sonore sur la santé».
(2) Guillaume Faburel et Isabelle Maleyre: « Le bruit des avions comme facteur de dépréciations immobilières, de polarisation sociale et d’inégalités environnementales. Le cas d’Orly.», Développement Durable et Territoires