Du bruit Ă  tout jamais

Le projet de loi sur le survol de Bruxelles Ă©tabli par le ministre de la MobilitĂ© Renaat Landuyt, va ĂȘtre Ă©tudiĂ© en rĂ©union intercabinets. Les riverains craignent que cette loi bĂ©tonne dĂ©finitivement le plan de dispersion.

FRÉDÉRIC SOUMOIS

C’Ă©tait hier mardi que les chambres rĂ©unies du conseil d’Etat, requises en urgence, devaient rendre leur avis sur le projet de loi que le ministre de la MobilitĂ© Renaat Landuyt (SP.A) a forgĂ© pour Ă©tablir des procĂ©dures de vol pour l’aĂ©roport de Bruxelles-National. On ne sait ce qu’il contient, mais il devrait ĂȘtre examinĂ© ce matin en rĂ©union intercabinets. Depuis plusieurs semaines, le ministre tente de sortir de l’imbroglio constituĂ© par des jugements contradictoires, entraĂźnant parfois de lourdes astreintes. Son projet de loi, qu’il couve jalousement, est censĂ© rompre avec le cocktail incomprĂ©hensible, mille fois attaquĂ© et rapiĂ©cĂ© qu’est l’actuel plan de dispersion des vols. La loi mettrait Ă  plat les critĂšres de sĂ©curitĂ©, de capacitĂ© et de santĂ© des riverains. En donnant un texte de rĂ©fĂ©rence, le ministre entend empĂȘcher que chaque juge saisi tranche en fonction de sa subjectivitĂ© seule.

Ce projet discret, Le Soir se l’est procurĂ©. Au premier abord, il ne contient rien de rĂ©volutionnaire, ne parle ni de pistes, ni de niveaux de bruit, se contentant de dĂ©crire un processus d’Ă©laboration de procĂ©dures de vol, au fil de consultations d’instances.

Mais ce qui est explosif se trouve Ă  la fin, dans un article qui prĂ©cise qu’en attendant l’adoption de nouvelles procĂ©dures de vol, c’est le conseil des ministres qui les fixe par arrĂȘtĂ© royal. Cet arrĂȘtĂ© doit ĂȘtre confirmĂ© dans les 18 mois de son adoption, et en tous les cas avant le 1 er septembre 2008. Sinon, il devient caduc.

Une modification illusoire

En clair, cela ouvre la porte au bĂ©tonnage de l’actuel plan de vol jusqu’Ă  cette date. Comme pour la nouvelle loi sur la sĂ©curitĂ© routiĂšre, Landuyt dit compter sur le dĂ©bat parlementaire pour corriger la loi. Mais on peut douter de l’efficacitĂ© de la mĂ©thode dans un dossier oĂč la radicalisation communautaire et l’Ă©mergence des intĂ©rĂȘts Ă©lectoraux locaux ont pris le pas sur le dĂ©bat de fond.

S’il Ă©tait adoptĂ©, le texte pourrait aussi annihiler les dĂ©cisions de justice donnant raison aux riverains, puisqu’il coulerait en force de loi un texte qui est actuellement soumis Ă  de nombreuses procĂ©dures judiciaires. La longueur de la procĂ©dure de modification (315 jours) rendrait aussi toute modification illusoire. Ce texte, qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© examinĂ© par le Conseil d’Etat, avait reçu la critique de n’avoir pas Ă©tĂ© assez « concertĂ© ». Revu, celui-ci ne fait pas davantage l’unanimitĂ© : la RĂ©gion bruxelloise est favorable Ă  une loi, mais avec un retour Ă  la situation de 1999 d’ici lĂ . Et en passant par un accord de coopĂ©ration entre rĂ©gions.

La cerise sur le gĂąteau, c’est que le ministre Landuyt ne voudrait pas attendre le prochain conseil des ministres, le 21 avril, tentant d’imposer l’adoption par procĂ©dure Ă©crite. Comme l’avait Ă©tĂ© en 2003 le plan Anciaux, de sinistre mĂ©moire, sous la pression d’une prĂ©cĂ©dente dĂ©cision de cour d’appel. Une pression illusoire, puisque cette dĂ©cision avait Ă©tĂ© ensuite atomisĂ©e en cassation, tandis que le plan Anciaux, lui, mĂȘme qualifiĂ© de « provisoire » est restĂ© en vigueur.

Les partis francophones au fĂ©dĂ©ral accepteront-ils la manoeuvre, que Bruxelles et les riverains vivraient comme un abandon ? Il est probable que non. Mardi soir, vice-premiers MR et PS confirment qu’ils n’ont pas Ă©tĂ© saisis d’une demande de procĂ©dure Ă©crite. Ils affirment Ă©galement que les nĂ©gociations sur ce que seraient les rĂšgles « gelĂ©es » doivent encore commencer et que ce ne sera pas nĂ©cessairement la situation actuelle qui serait figĂ©e, mais un retour plus ou moins net Ă  la situation d’avant 1999. C’est en tout cas ce que disent aujourd’hui MR, PS et VLD.