lettre ouverte de Bruxelles Air Libre Brussel
au ministre fédéral de la Mobilité

Bruxelles, le 28 janvier 2005

Monsieur le Ministre,

concerne : votre interview à la revue « Mille Décibels »

C’est avec intérêt que nous avons découvert l’interview que vous venez d’accorder à cette revue.
Vos déclarations permettent, enfin, aux personnes survolées de connaître l’opinion et les intentions du ministre fédéral responsable de leur situation.

Nous nous réjouissons évidemment de connaître votre point de vue, mais nous étonnons cependant de découvrir dans votre texte un certain nombre d’erreurs flagrantes qui débouchent inévitablement sur des conclusions hasardeuses.

Si tout cela relève sans doute davantage d’un manque d’information de votre cabinet, que d’une volonté de désinformation, nous ne pouvons cependant vous cacher notre inquiétude face à vos conclusions.

Comment pouvez-vous, Monsieur le Ministre, préparer un plan pour l’avenir de l’aéroport fédéral, en disposant d’informations aussi peu fiables ?

Comment avez-vous pu préparer la licence d’exploitation destinée à la société privée qui a commencé à gérer l’aéroport, avec des renseignements aussi partiels ?

Si la Flandre demande de développer cet aéroport qui lui rapporte taxes et emplois, le rôle du ministre fédéral en charge de cette infrastructure est de tenir compte des nuisances supplémentaires qui seront générées et qui seront majoritairement subies par une autre région.

Si l’aéroport de Zaventem se trouvait à 2 Km de la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas, pensez-vous que le gouvernement néerlandais accepterait son expansion et son ouverture la nuit, à partir du moment où les routes de décollages seraient « équitablement » dispersées au-dessus de son territoire ?

C’est parce que l’Allemagne s’est opposée à l’expansion de l’aéroport de Zürich,
que Sabena/Swissair a convaincu BIAC de construire à Zaventem une nouvelle jetée destinée à recevoir son projet de « hub » européen.

La France refuse l’expansion de l’aéroport de Genève, qui se trouve à ses portes.

Alors, pourquoi la région de Bruxelles-Capitale devrait-elle accepter de devenir inhabitable pour que la Flandre puisse développer « son » aéroport ?

Puisque vous affirmez, Monsieur le Ministre, apprécier les propositions concrètes, en voici deux
qui devraient vous permettre de proposer des choix rationnels au gouvernement fédéral :

-# Vous désirez maintenir l’aéroport fédéral à Zaventem, aux portes d’une ville d’un million d’habitants et vous en acceptez l’incontestable caractère urbain. Vous le transformez en un « City Airport », ouvert de 07 à 23h et limité au transport de passagers à destination de l’Europe.
-# Vous désirez absolument créer en Belgique une grande plate-forme aérienne européenne, ouverte nuit et jour, destinée au fret et aux vols passagers, et il faut vous résoudre à délester ces activités en un endroit plus adéquat et moins densément peuplé, faute de pouvoir déplacer la ville.

Il n’existe aucune alternative responsable, crédible et durable.

Jamais, les personnes survolées à basse altitude ne « s’habitueront » à vivre dans le bruit et la pollution, et ce n’est pas le cynisme avec lequel vous leur demandez de « faire le travail sur eux-mêmes, qui leur permettra d’oublier le bruit » qui changera la situation.

Tôt ou tard, tout investissement supplémentaire destiné à développer Zaventem sera perdu, face à la révolte des centaines de milliers de personnes qui seront privées de sommeil et qui n’accepteront jamais de payer ce « développement » de leur santé.

Si c’est l’économie de la Flandre que vous souhaitez défendre, le gouvernement flamand est le lieu adéquat pour ce type de combat, mais ce n’est pas là que vous avez choisi de siéger. Faut-il vous rappeler que c’est Jos Beckx (SP.A) qui a déclaré « que l’on n’aurait jamais dû laisser construire sous les routes IN et OUT » et que les Bruxellois ne payeront pas le prix de cette imprévoyance.

Puisque vous avez décidé d’être ministre fédéral, les 100.000 Bruxellois d’expression néerlandaise et les 900.000 Bruxellois de toutes les autres langues, vous prient de tenir compte de leur situation intenable et de soumettre à leurs élus, un plan pour un avenir durable de votre aéroport fédéral.

Les Bruxellois survolés exigeront de leurs représentants politiques, au fédéral et à leur région,
de s’opposer à tout développement de l’aéroport fédéral, qui se ferait au détriment de l’habitabilité
de la ville et de la santé de ses habitants.

Les 4 plus grands aéroports européens se trouveront bientôt tous à moins de 2 heures de train.
Rien ne justifie donc de sacrifier les habitants de Bruxelles sur l’autel de la Mobilité, largement assurée grâce au TGV pour les courtes distances et grâce aux aéroports de Paris, Londres, Francfort et Amsterdam pour les vols intercontinentaux.

Nous nous réjouissons de constater que vous êtes favorable à la constitution d’un groupe de réflexion éthique et sommes disposés à vous fournir le nom de philosophes, géographes, économistes et environnementalistes qui pourraient contribuer à son succès.

En attendant l’honneur de vous lire, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Bruxelles Air Libre Brussel

Annexe 1 : les précisions suite à l’interview du ministre de la Mobilité parue dans « Mille Décibels »

Annexe 2 : [interview du ministre->http://users.skynet.be/bruairlibre2/documents/Interview_Landuyt.pdf]

Annexe 3 : [Le plan en 10 points de Bruxelles Air Libre Brussel->article570].

Réponse de Bruxelles Air Libre Brussel à l’interview du Ministre de la Mobilité.

(cfr numérotation dans le texte de l’interview)

(01) le « plan de dispersion est en cours d’évaluation », mais vous n’en attendez pas les résultats pour affirmer « que c’était ce qu ‘il y avait de mieux à faire et que vous n’allez pas changer ce choix »

(02)  » (…) le gouvernement fera procéder à une évaluation précise des zones survolées, commune par commune et/ou quartier de commune par quartier de commune, afin de mesurer l’impact sonore subi par les populations et afin d’alléger, dans le sens d’une répartition plus équitable, les nuisances ressenties. (…) Par répartition plus équitable, on entend notamment une révision  » procédures de vol en fonction des populations et/ou des zones survolées (…) en tenant compte de la sécurité des populations (…). Le programme d’isolation sera revu en fonction des solutions choisies (…)

(03) à part Zaventem, tous les aéroports européens établissent leurs « routes » au-dessus des zones les moins densément peuplées et ils proposent l’expropriation volontaire aux personnes qui résident sous ces routes (Bierset, Orly, Roissy, Schiphol, Francfort, …)

(04) c’est parce que la Flandre a permis de construire tout autour de l’aéroport, qu’aujourd’hui il faut survoler la ville pour poursuivre son exploitation. C’est par l’expropriation des personnes résidant dans les zones les moins peuplées qu’il faut revenir à un aménagement du territoire rationnel. Le fonds FANVA (financé par les opérateurs aériens) a été créé à cet effet, mais la dispersion des vols rend l’indemnisation des victimes impayable. Alors on survole plus de monde et les pollueurs n’indemnisent personne.

(05) les avions silencieux cela n’existe pas et n’existera jamais. L’avion du futur est déjà là, il s’appelle l’A380 et volera jusqu’en 2045. Savez-vous le bruit qu’il produira dès son premier vol ? et après 10 ans d’usage ? Votre licence d’exploitation interdit-elle les avions bruyants à Zaventem, de jour comme de nuit ? Quelle est l’autorité de contrôle indépendante chargée des constats et des sanctions ? Le bénéfice de la diminution de bruit sera rapidement mangée par l’augmentation du nombre de vols.

(06) A Paris, il est interdit de traverser le périphérique qui entoure la ville, à moins de 2.000 mètres d’altitude et à Rome, l’aéroport est tellement loin de la ville que les avions ne la survolent jamais.

(07) Si nos régions étaient des « étrangers l’un pour l’autre », il y a longtemps que Bruxelles aurait interdit le survol de la ville à basse altitude pour des raisons de sécurité et de santé publique. Bruxelles et la Belgique ont besoin d’un aéroport international, mais il n’est pas opportun de continuer à le développer à 2 Km d’une ville d’un million d’habitants.

(08) Le gouvernement bruxellois n’a aucun pouvoir pour déterminer l’avenir de l’aéroport de Zaventem, qui se décide au gouvernement fédéral, au gouvernement flamand et à la province du Brabant flamand, comme chacun peut le constater. La Région de Bruxelles ne dispose que de ses compétences environnementales pour protéger ses habitants des nuisances générées par un aéroport fédéral situé en Flandre et géré par une société privée. C’est pourquoi elle a promulgué des normes de bruit, qui restent malheureusement beaucoup plus tolérantes que les recommandations émises par l’OMS.

(09) La Belgique ne serait pas la seule à interdire les vols de nuit en Europe, c’est déjà le cas de nombreux aéroports urbains comme Genève, Orly, Dublin, … et il n’y a aucune raison d’attendre que l’Europe interdise tout vol de nuit parce que quelques aéroports, manifestement urbains, veulent pouvoir se développer de manière illimitée. Pourquoi Vatry, situé en pleine campagne devrait-il être fermé la nuit ? Pour ne pas concurrencer Zaventem qui est collé à une ville ?

(10) « Un bon aéroport est un aéroport qui n’est pas loin des gens ». Voilà une affirmation fausse qui date d’une époque où l’on ne disposait pas de liaisons rapides entre les villes et les aéroports et où le trafic était beaucoup plus faible. C’est le contraire qui se passe aujourd’hui. Les Allemands viennent de fermer l’aéroport urbain de Tempelhof. Munich et Oslo ont délocalisé le leur pour pouvoir le développer. Shangaï et Bangkok font de même. Ceux qui sont restés près des villes, comme Orly, Genève, ou Washington DC ont dû limiter leurs activités ou interdire les vols de nuit.

(11) Les habitants de Bruxelles devaient prévoir une évolution du trafic et des routes que les gouvernements successifs n’ont jamais anticipée. C’est toujours lorsqu’il était trop tard pour en construire un autre, que l’Etat a décidé d’encore agrandir l’aéroport de Zaventem. Ce n’est qu’en 1985 qu’Herman Decroo a décidé d’ouvrir l’aéroport aux vols de nuit. Et ce n’est que récemment que des personnes, qui ont choisi d’habiter en ville à plus de 8 Km de l’aéroport, sont aussi survolées de jour et de nuit, grâce à la politique de dispersion des vols.
Contrairement à la plupart des autres aéroports, aucune limite n’a jamais été fixée pour le développement du nombre de vols autorisés à Zaventem. Son développement est donc imprévisible.

(12) Il n’existe aucun cadastre du bruit réel. Comment auriez-vous pu l’établir à l’aide des 3
sonomètres dont vous disposez pour les 19 communes de Bruxelles ? Que savez-vous du bruit subi par les habitants d’Helmet, de Terdelt, de Laeken ou du quartier Saint-Henri ? Vous disposez de 2 modèles mathématiques (prévisionnel et effectif) qui ne reflètent en rien la situation vécue sur le terrain par des dizaines de milliers de personnes

Que faites-vous des directives européennes (mal traduites en droit belge) qui stipulent que les Etats veilleront à soumettre le moins de citoyens possible aux nuisances des survols à basse altitude ? Et que là où la situation est bonne, elle ne pourra être aggravée. Il y a lieu de se rapporter aux Directives européennes 2002/49/CE et 2002/30/CE qui traitent respectivement de l’évaluation et de la gestion du bruit dans l’environnement et des restrictions d’exploitation liées au bruit généré par les aéroports de la Communauté. Bref, le Parlement européen et le Conseil de l’union européenne demande :

1) que l’on diminue autant que possible le nombre de personnes exposées aux nuisances,

2) que les personnes concernées (en l’occurrence tous les survolés) soient informées clairement des projets des pouvoirs publics et consultées,

3) que les nuisances soient réduites autant que possible à la source (l’aéroport),

4) qu’une cartographie du bruit soit établie selon certaines règles (voir les annexes de la Directive) et

5) que des plans d’action soient élaborés par les pouvoirs publics dans l’esprit préconisé par la Directive.