Bruxelles-National, une excellente affaire

Outre la rapidité avec laquelle l’opération a été menée, c’est le montant de la transaction qui a suscité le plus d’étonnement dans l’opération de privatisation de la société gestionnaire de l’aéroport de Bruxelles-National : euro 735 millions, soit bien plus que les
montants qui circulaient ces derniers mois et qui tournaient autour des euro 400 à euro 500 millions. Une bonne affaire donc pour les actionnaires actuels de Biac, qu’ils soient privés ou public…

Comment expliquer un tel écart entre prévisions et conclusions ? Tout simplement dans la valeur potentielle de l’aéroport de Bruxelles-National. La valeur d’une entreprise s’évalue en fonction de deux données. D’une part, il y a la valeur patrimoniale, qui avait déjà crû considérablement ces dernières années avec l’achat par Biac de divers terrains attenants à l’aéroport et, surtout, la construction d’un nouveau terminal. Cette valeur était estimée, dans le dernier rapport annuel (2003), à euro 356.720.138. D’autre part, il y a la valeur, moins facile à évaluer, qu’on donne au potentiel futur de l’aéroport. C’est cette valeur potentielle qui a fait monter la note pour le groupe Macquarie.

La conclusion est donc très claire : si le montant de vente est si élevé, c’est que les perspectives de développement de l’aéroport sont énormes. Elles le sont évidemment par la situation géographique de l’aéroport, en plein coeur de l’Europe, à moins d’une heure de vol de Londres, Paris, Francfort, Amsterdam… «Cette position est
actuellement un inconvénient, explique un responsable de l’aéroport, car nous souffrons de la concurrence de ces plateformes, notamment pour les vols long-courriers. Mais lorsque ces aéroports seront saturés (Ndlr, ce qui est déjà chose faite pour certains d’entre eux)
et que les grands transporteurs y opéreront un nombre de fréquences important, Bruxelles-National aura une carte à jouer.»

L’autre grand atout de l’aéroport de Bruxelles-National, c’est son infrastructure. Alors que la plupart des autres grands aéroports sont proches de la saturation, Bruxelles est, en revanche, surdimensionné pour son trafic actuel. L’aéroport pourrait ainsi accueillir presque trois fois plus de vols pour atteindre le même niveau de trafic que
les grands aéroports. Il pourrait également accueillir deux fois plus de passagers par vol, les appareils utilisés à Bruxelles étant bien plus petits que ceux opérés dans d’autres aéroports européens. Il y a ainsi, à Bruxelles, un ratio de 65,2 passagers par avion soit la moitié moins qu’à Londres, Paris ou Francfort. Bruxelles dispose même d’un ancien terminal qui pourrait, le cas échéant, être rafraîchi à moindres frais. Pour accueillir des compagnies à bas tarifs, par exemple.

Bruxelles bénéficie aussi de nombreuses sources de revenus trop faiblement exploitées à l’heure actuelle mais qui pourraient l’être davantage à l’avenir : les recettes non liées à l’activité aéronautique à savoir les commerces, parkings, ressources immobilières… Autant de secteurs où le potentiel de développement est énorme dans un aéroport qui accueille chaque année l’équivalent de deux fois la population belge. Enfin, le groupe Macquarie peut se
réjouir de toute une série d’indicateurs de développement à forte valeur ajoutée dans toute une série de domaines : Bruxelles est orienté vers le trafic direct, moins coûteux et plus rémunérateur qu’un hub ; l’aéroport bénéficie encore d’une large capacité en vols de nuit (encore augmentée par le désengagement partiel de DHL) ; la
plateforme accueillera, dans quelques années, le TGV ; l’aéroport jouit d’un portefeuille de clients très diversifié (personne n’a plus de 10 % de part de marché), contrairement à de nombreuses autres plateformes très dépendantes d’un seul transporteur.

Bref, pour Macquarie, Bruxelles a tout d’une excellente affaire, ce qui explique le montant déboursé par un groupe qui n’a pas l’habitude de s’en remettre au hasard pour gérer ses affaires. Macquarie a toujours tiré le meilleur parti des aéroports où il s’est implanté, tels que Sydney, Birmingham, Bristol, Rome… qui ont tous connu des
hausses de trafic, de chiffre d’affaires et de revenus. Et tout indique qu’il en sera de même pour Bruxelles.

N.M.

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