Entretien avec Luc Misson, avocat de riverains

AprĂšs l’arrĂȘt par la cour d’appel de LiĂšge, Me Luc Misson, avocat de plus de 500 familles riveraines de LiĂšge-Airport, est plus qu’amer. Pour rappel, les trois juges ont estimĂ© que ni la RĂ©gion wallonne, ni la SAB (gestionnaire du site), ni TNT n’ont commis aucune faute. dans le dĂ©veloppement du site

Le jour de gloire auquel vous vous attendiez s’est transformĂ© en jour de dĂ©ception?

J’Ă©tais convaincu que la cour allait prononcer l’arrĂȘt des vols de nuit parce qu’ils sont en cours depuis 6 ans et que la RĂ©gion wallonne n’est pas parvenue Ă  protĂ©ger efficacement les riverains. Ils ne le seront toujours pas dans un proche avenir et je croyais que la cour d’appel allait faire cette constatation maĂźtresse Ă  l’instar du tribunal de premiĂšre instance. En fĂ©vrier 2001, il avait considĂ©rĂ© qu’en n’ayant pas pris des mesures en faveur des riverains 6 mois aprĂšs le 1er mars 1998 (dĂ©but des vols de nuit), la RĂ©gion a commis une faute et qu’elle se rĂ©parait en dommages et intĂ©rĂȘts sans aller jusqu’Ă  l’arrĂȘt des vols de nuit. Trois ans plus tard, on est toujours au mĂȘme point et comme rien de bien significatif ne s’annonçait comme progrĂšs, je croyais qu’Ă©chapper Ă  l’arrĂȘt des vols de nuit serait improbable pour les autoritĂ©s aĂ©roportuaires.

Comment expliquez-vous ce retournement de situation?

C’est le rĂ©sultat du dĂ©libĂ©rĂ© des trois magistrates et cela m’Ă©tonne. Il n’y a pas une ligne de l’arrĂȘt avec laquelle on est d’accord. C’est le problĂšme des recours. Maintenant, nous allons saisir la Cour de cassation ou la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, mais quand? Et c’est lĂ  qu’il y a une dĂ©sespĂ©rance, car on n’a rien dans l’immĂ©diat. J’ai pu m’entretenir quelques minutes avec les riverains et ils sont dĂ©sespĂ©rĂ©s, mais leur dĂ©termination n’est pas Ă©branlĂ©e. Ceux qui Ă©taient prĂ©sents hier sont dĂ©cidĂ©s Ă  aller jusqu’au bout et pourront encore se battre pendant 20 ans.

L’arrĂȘt ne met donc pas fin au calvaire des riverains?

Absolument pas et il faut bien se dire qu’il est un signe avant-coureur d’une grosse augmentation des nuisances sonores. On prĂ©voit l’arrivĂ©e des gros porteurs dĂšs que la piste principale sera allongĂ©e et l’arrĂȘt crĂ©e un environnement trĂšs sĂ©curisant pour les compagnies et la SAB. On se demande si les juges n’envoient pas une invitation Ă  DHL de venir s’Ă©tablir Ă  Bierset. En tout cas, les compagnies qui veulent voler de nuit et qui ont besoin de beaucoup de latitude sur le plan environnemental auront compris qu’il y a une protection efficace garantie par la cour d’appel de LiĂšge.

Certains parlent d’un arrĂȘt politique.

Il ne m’appartient pas de le dire. Quand un avocat n’est pas satisfait des dispositions d’un arrĂȘt, il formule ses critiques en termes de recours et dans notre cas, ce sera un pourvoi en cassation avec des moyens de droit.

Pensez-vous que l’arrĂȘt donne la prioritĂ© Ă  l’Ă©conomie plutĂŽt qu’Ă  l’environnement?

Tout Ă  fait et c’est trĂšs clair. On ne peut pas dire que la protection du domicile et de la vie privĂ©e a Ă©tĂ©, pour la cour d’appel, la prioritĂ© dans son raisonnement. Par contre, Ă  diverses reprises, on souligne la protection de l’emploi. J’aurais dĂ©jĂ  considĂ©rĂ© la confirmation du jugement du tribunal de premiĂšre instance comme un Ă©chec grave, la rĂ©ussite Ă©tant l’arrĂȘt des vols de nuit. Ici, on n’a mĂȘme plus les dommages et intĂ©rĂȘts. Je ne suis pas sĂ»r que mes adversaires avaient rĂȘvĂ© un arrĂȘt pareil.

© La Libre Belgique 2004