Airparif affirme que la canicule n’est pas la seule responsable de la détérioration de la qualité de l’air en 2003. Cet organisme, qui mesure les polluants dans l’atmosphère, constate une augmentation des niveaux de dioxyde d’azote largement due à la circulation routière.
C’est une bouffée d’air vicié dans la campagne électorale en Ile-de-France. Dans son bulletin du mois de mars, Airparif, l’association qui mesure la qualité de l’air dans la région, dresse un bilan peu glorieux de l’année écoulée. « 2003 aura connu de nombreux records en matière de pollution », constatent ces experts. Et à qui invoqueraient la canicule comme unique responsable de cette dégradation, elle rétorque que cette explication « ne peut, à elle seule, expliquer ces niveaux de pollution en hausse ».
Airparif ne nie pas que les conditions anticycloniques exceptionnelles constatées l’année dernière ont aggravé le bilan. L’absence de vent a empêché la dispersion des polluants, comme ce fut le cas lors de l’été pourri de 2002. L’ensoleillement, « de 20 à 30 % supérieur à la moyenne des dix dernières années », a activé la formation d’ozone, polluant secondaire qui se forme par dégradation photochimique d’autres polluants. Mais l’association constate que les résultats s’inscrivent dans une tendance de fond. Les émissions de polluants ne baissent plus, comme le veut certains discours rassurants, et augmenteraient même pour certains d’entre eux.
Conséquence : un jour sur six, l’indice Atmo, un indicateur calculé à partir d’un cocktail de polluants, a été qualifié de « médiocre » à « mauvais ». « Une fréquence inédite », selon Airparif. Le nombre des épisodes de pollution a également atteint un niveau inconnu depuis la mise en place des procédures d’information du public, en 1995. Les pics d’ozone contribuent largement à cette triste performance.
Hors des pics et de la canicule, les niveaux moyens d’ozone observés en 2003 ont été préoccupants. Ils sont le double de ceux relevés il y a dix ans. Airparif constate « une hausse régulière » des teneurs dans l’atmosphère, phénomène constaté « à l’échelle de tout l’hémisphère nord » depuis un siècle. Les objectifs de qualité, une sorte de seuil sanitaire qui permet de jauger la pollution de fond respirée au quotidien par les habitants, ont été dépassés comme jamais.
Le bulletin recense également une remontée des teneurs en dioxyde d’azote. La hausse est de 10 % en moyenne et de 20 % sur certains capteurs. Quatre millions de Franciliens sont exposés à un air qui, en moyenne annuelle, dépasse les normes sanitaires. Près de certaines zones de trafic, les riverains sont exposés à des niveaux qui atteignent le double des valeurs limites.
La hausse des niveaux de dioxyde d’azote est « sans lien avec la canicule », assure Airparif. 2003 confirme un constat établi de longue date par l’association : les teneurs de ce polluant restent stables, sans « qu’aucune tendance ne se dégage sur ces dernières années ». Les niveaux de particules fines n’évoluent guère non plus, cette année marquant cependant « une faible hausse ». Près de certains axes de circulation, les valeurs rencontrées excèdent, pour la première fois, les valeurs limites des législations françaises et européennes.
Les transports routiers jouent un rôle prépondérant dans cette pollution. Mais la nuisance aérienne est de plus en plus dénoncée. Le Conseil national de l’air s’est récemment intéressé à cette source de nuisance. Dans Les Poisons du ciel (Advocnar), Sébastien Trollé affirme qu' »en 2001, Aéroports de Paris a déclaré avoir émis 800 tonnes d’hydrocarbures dans l’atmosphère, soit plus de 2 tonnes par jour ». « 14,79 tonnes d’oxyde d’azote sont émises chaque jour par le trafic aérien d’Orly et de Roissy ; ce qui équivaut à 1 972 000 voitures à essence parcourant 50 kilomètres », poursuit l’auteur.
Dans ce tableau plutôt sombre, Airparif constate cependant une amélioration des teneurs en benzène « mais qui ne respectent toujours pas la réglementation à proximité du trafic ». Les niveaux de dioxyde de soufre et de monoxyde de carbone sont aussi en baisse, tandis que le plomb a quasiment disparu.
L’association constate également que les pics, certes plus nombreux, n’atteignent plus les sommets enregistrés au milieu des années 1990. Le seuil d’alerte déclenchant la circulation alternée, fixé actuellement à 360 microgrammes par mètre cube d’air pour l’ozone, n’a jamais été atteint en 2003. Mais une directive européenne de 2002 propose de ramener ce seuil d’alerte à 240 microgrammes. Si la nouvelle réglementation avait été appliquée en 2003, la circulation alternée aurait dû être mise en place trois fois.
Moins d’envolées spectaculaires des pics, plus de petites alertes et maintien d’une pollution de fond : ainsi se résume le bilan d’Airparif (disponible sur www.airparif.asso.fr). « Globalement, les concentrations moyennes annuelles de 2003 sont en hausse par rapport à celles de 2002, pour plusieurs polluants majeurs « , estime l’association. Elle prend ainsi à contre-pied le discours dominant dans la classe politique francilienne, qui prétend à une lente amélioration de la situation.
Le rapport n’a guère suscité de commentaires depuis sa publication. Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement, qui figure sur la liste UDF d’André Santini, s’est saisi de l’occasion pour dénoncer « non application de la loi sur l’air », qu’elle avait fait voter en 1996. Jean-Félix Bernard, conseiller régional (Verts) et président du Conseil national de l’air, a aussi réagi. Mais, en dehors de ces deux militants de la lutte contre la pollution, un pur silence a accompagné la publication d’Airparif.
L’association pose pourtant une question fondamentale. Le changement climatique et la hausse des températures constatée depuis la fin du XXe siècle semblent aggraver les effets de la dégradation atmosphérique. Des chercheurs travaillent à déterminer la part attribuable à la pollution dans la surmortalité constatée cet été. Un chiffre qui, lui, pourrait susciter des réactions.
Benoît Hopquin