L’argument aurait été avancé en 2002 pour refuser l’usage de la piste 20. En attendant, Bert Anciaux renonce aux nouvelles composantes de vent.

Les riverains de l’aéroport de Bruxelles-National seraient-ils les victimes d’un cynisme sans nom? En tout cas, selon un rapport confidentiel de réunion de Probru (groupe d’étude des nuisances de Zaventem), on serait tenté de répondre par l’affirmative. Lors d’une réunion du 7 juillet 2002 sur le sujet, le gouvernement aurait avancé comme argument pour refuser la non utilisation de la piste 20 pour les décollages de nuit le fait que «des gens importants habitent dans son prolongement».

Une rapide consultation des adresses laisse apparaître des coïncidences étranges. En effet, des administrateurs de Biac, gestionnaire de l’aéroport national, des hommes politiques et de grands patrons du milieu de la finance résident bien dans la zone dont on redoute le survol. A l’époque, les décollages nocturnes avaient lieu sur la piste 20 et le gouvernement projetait la concentration des vols sur la piste 25R. Une décision critiquée dans le rapport rédigé par Dirk Creupelandt, un ancien chef-pilote de la Sabena et membre de Probru. «Ce serait très étrange que la piste 25R devienne la principale piste de décollages de nuit, car elle se dirige tout droit sur la ville», lit-on dans le document dont nous avons pris connaissance.

Il était également question des subventions que le gouvernement fédéral devrait accorder aux riverains pour assurer l’isolation acoustique des maisons. Mais force est de constater qu’il n’en est rien jusqu’à présent. «Ce PV n’est pas officiel et me pose problème. La personne qui l’a signé était un simple membre du groupe et n’était ni le président, ni le secrétaire de Probru», dit Philippe Touwaide, médiateur de l’aéroport et ancien membre de Probru.

Casse-tête chinois

Même perplexité chez un autre membre du groupe. «Ce PV n’a jamais été celui de Probru. C’est un compte rendu erroné d’une réunion, récupéré par les riverains du Noordrand (nord de Bruxelles) qui l’ont utilisé comme pièce à conviction dans leurs actions judiciaires. Chaque zone autour de l’aéroport abrite au moins une personne importante et cet argument ne tient pas la route», dément notre source, souhaitant garder l’anonymat.

En attendant, le dossier des nuisances sonores de Zaventem finira par donner le tournis aux experts. Avant même son entrée en vigueur, les nouvelles mesures de vent qui devraient entrer en vigueur hier sont suspendues par le ministre Bert Anciaux (Spirit). Sur une action des riverains de l’Oostrand (est de Bruxelles), il préfère anticiper une suspension de ses mesures par le Conseil d’Etat. La contre-indication a été envoyée à Belgocontrol le vendredi 13 février qui l’a publié le 18. Si elle était appliquée, la mesure aurait entraîné une interdiction de décollage de la piste 25R par vent arrière de 5 noeuds et par vent latéral de 15 noeuds (avec repli sur la piste 02, c’est-à-dire la piste 20 dans le sens inverse).

Elle aurait permis de soulager les riverains du Noordrand au détriment de ceux de l’Oostrand. Mais au cabinet du ministre Anciaux, on assure qu’il s’agit juste d’un report. «Les nouvelles composantes ne changeront pas, mais on est en train de formuler une motivation plus adéquate pour les soutenir. La décision finale sera prise le plus vite possible», dit-on chez Anciaux.

Ph.Lawson

© La Libre Belgique 2004