Avec plus de 15 avions par nuit, les habitants du nord de Bruxelles ne
savent plus à quel saint se vouer.
Le bruit est tel que certains à Diegem veulent partir.
REPORTAGE
Située à 1,2 km de l’une des deux pistes principales (25 R) de l’aéroport de Zaventem, la maison de Gaston Govaerts est sans cesse survolée par les avions. De jour comme de nuit.
Mardi, 17 février, 21h30. Quelques riverains discutent de leur souffrance dans la véranda. Francophones ou néerlandophones, tous sont logés à la même enseigne, à des degrés divers. «J’habite depuis 50 ans à Meise, à environ 12 km de l’aéroport, et on a toujours eu des nuisances d’avions. C’était supportable et on ne se plaignait pas, mais à partir de 2002, la situation est devenue invivable avec cette idée de concentration des vols sur le Noordrand», soupire Jean (61 ans). Cadre dans une société bruxelloise, Kevin W. (41 ans) affirme qu’il n’a plus
de profil de sommeil normal et qu’une fois réveillé la nuit par un avion, il a du mal à se rendormir à Wemmel où il habite.
Somnifères et infarctus
Comme la plupart des riverains présents, il recourt à des somnifères pour pouvoir dormir. La discussion sur les dégâts des nuisances se poursuit quand, soudain, un bruit d’avion, assourdissant, secoue l’ambiance à l’intérieur de la véranda aux alentours de 22h. «Vous n’avez encore rien vu. C’est un MD 11 qui a décollé de la piste 25 R.
Il faut que tous ces avions cargo qui font autant de bruit partent avant 23h pour éviter à l’opérateur de payer des taxes élevées après cette heure-là», explique-t-il. La véranda bénéficie du double vitrage, tout comme les fenêtres de la maison; le toit de l’habitation a été
renforcé par du matériau anti-bruit, mais la puissance du bruit est telle qu’il n’a cure de ces obstacles physiques.
Des armoires et des objets de décoration sont dressés contre les murs comme pour arrêter le bruit, mais le résultat est maigre. «C’est rare d’avoir moins de 80 décibels dans la maison, malgré le budget que m’ont
coûté les travaux d’isolation. Les riverains de l’aéroport de Liège-Bierset peuvent s’estimer heureux, car la Région wallonne tente de faire quelque chose, contrairement à Bruxelles où on ne voit rien venir», renchérit Gaston Govaerts. A 46 ans, l’homme qui travaille au service logistique dans une banque bruxelloise a été opéré du coeur
pour un infarctus, il y a un mois. Il est dans ses derniers jours de convalescence. Il ne pense qu’à une chose: quitter au plus vite Diegem. «On impose aux entreprises privées de tenir compte des dégâts environnementaux de leurs activités dans leurs investissements, alors que Biac, une entreprise publique, a modernisé l’aéroport sans se soucier des isolations des maisons», peste Kevin.
L’aînée (13 ans) des trois enfants de Bruno (39 ans) se plaint de difficultés de concentration à l’école. Un autre riverain aussi vient de frôler la mort, suite à une attaque cardiaque. Frans (60 ans), lui, retraité au 1er mars, est passé des somnifères au Xanas (un anti-dépresseur) pour pouvoir dormir. «Le bruit des avions est tel qu’il déclenche les alarmes certains jours», sourit Fernande (57 ans).
Nuit infernale
Après une nuit passée dans cette maison mitoyenne, on ne peut que lui donner raison dans son désir de quitter la zone, car le bruit des avions est insupportable. Le grand concert a commencé vers 3h du matin et n’a pas arrêté. Entre 12 et 18 coucous bruyants ont survolé la maison et celle des voisins de 3 à 6h du matin, de quoi avoir la tête
comme dans un seau le lendemain matin. Gaston Govaerts qui prend un anti-dépresseur n’a pratiquement rien entendu du grand vacarme nocturne, surtout que, depuis quelques années, il se bouche aussi les oreilles avec des boules Quiès avant d’aller dormir. Ce n’est pas le cas de sa jeune épouse, d’origine asiatique, qui est sans cesse
réveillée par le bruit des avions.
La réalité au grand jour est plus inquiétante. De la chaussée de Diegem, à quelques mètres de la maison, on aperçoit le manoeuvre des avions sur la piste et le va-et-vient des clarks. Du jardin, on évalue facilement les dimensions des avions et on lit distinctement le nom de
la compagnie sur la carlingue. On voit aussi aisément les trains d’atterrissage qui se rabattent dans leurs cavités. «Les avions survolent la maison à environ 700 mètres», précise Gaston Govaerts qui a renoncé depuis belle lurette au barbecue en été dans le jardin. Il
estime déraisonnable le souhait de DHL de développer davantage des activités à Zaventem. A son avis, ce sera la fin des communes de Diegem et de Haren.
Johanna De Tessieres