« normalement, on cherche des routes aériennes qui passent au-dessus des endroits les moins peuplés »

INVITEE: Loyola de Palacio est Vice-Présidente de la Communauté Européenne, chargée des relations avec le Parlement européen et Commissaire aux Transports et à l’Energie.

JOURNALISTE: Jean-Pierre JACQMIN

Loyola de Palacio, bonjour. Alors ce choix musical, Volare, Cantare, ce pourrait être aussi le choix musical de la Région wallonne! Et même de Ryanair finalement: les décisions de la Commission européenne ne l’empêchent pas de voler, ni les bénéfices de chanter.

Exactement. Je crois que la décision d’hier est une décision équilibrée qui va permettre de chanter et de voler à partir de Ryanair. Dans le cas d’espèce, c’était l’Italie, la chanson est italienne et pourquoi pas? Vacances, business… Enfin Charleroi est une alternative pour plusieurs activités.

Mais est-ce qu’il n’y a pas eu beaucoup de musculation autour de ce dossier ? On a cru un moment que les décisions allaient obliger Ryanair à s’en aller. Vous avez accepté finalement un compromis politique ?

Non. Depuis le début, l’objectif que j’avais en tête comme commissaire aux Transports, c’était de bien mettre au clair que nous soutenons les low coast. Dans la politique européennes des transports , l’existence des low coast carriers est très importante.

Les compagnies à bas prix?

Exactement. Les compagnies à bas prix supposent plus de concurrence, plus de possibilités pour les consommateurs, une offre plus épanouie à bons prix. Donc, pour les passagers, pour les consommateurs, un avantage.

Mais j’avais une autre chose en tête. Et ça, c’est la justification qui nous a permis de donner le feu vert pour la plupart des supports et des aides que reçoit Ryanair à Charleroi, c’est le développement des aéroports régionaux. Cela suppose un développement régional, social, des activités et une meilleure utilisation des infrastructures et une lutte contre la congestion.

A quelques mois des élections, la Commission européenne a voulu montrer un visage plus humain ?

Comme vous savez, la Commission ne se présente à aucune élection. Non, je crois que c’est simplement avoir le sens de la réalité. Pour notre politique de transport, nous avons besoin d’une offre d’aéroports alternatifs plus large pour éviter la congestion. Mais aussi la politique de cohésion est l’une des grandes politiques de l’Union européenne: nous voulons une Europe équilibrée, avec un développement équilibré. Nous savons que la Région wallonne a des problèmes et Charleroi est l’une des activités porteuses sur son territoire.

Mais quand on voit ce qui reste au bout du compte… Bien sûr, Michaël O’Leary vous traite de communiste, de personnage qui enfreint la liberté du marché! Mais finalement, 4 millions d’euros maximum – et ce sera peut-être même moins si les calculs sont bien faits -, est-ce que tout ça valait vraiment une demande de remboursement, une mise à l’amende ?

Il y a des questions de principe. Monsieur O’Leary fait des déclarations, je crois qu’il a fait un peu de théâtre dans les derniers temps, mais chacun joue son jeu.

Mais grâce à cela, on a tellement dit que ça allait aller mal, que ça allait être très dur pour Ryanair, que Ryanair allait quitter Charleroi, ce matin, Charleroi souffle! Du côté de la Région wallonne, Jean-Claude Van Cauwenberghe a déjà dit qu’on allait prendre son temps avant de voir si on allait déposer plainte, si on allait aller en appel. Et puis l’action de Ryanair a augmenté de 10 % hier. On est dans un jeu de dupe?

Non. Tout au moins, de la part de la Commission. Le jeu et les représentations de monsieur O’Leary, c’est à lui. Mais la Commission, toujours, je n’ai parlé publiquement qu’hier.

Mais toujours, notre idée était de voir comment combiner les lois de la concurrence au niveau européen avec le développement des aéroports régionaux et des low coast. Ce que nous introduisons, c’est de la transparence: tout le monde pourra obtenir les mêmes conditions que Ryanair. De la concurrence et donc une clarification des systèmes. Et une partie des soutiens, des aides d’État que verse la Région wallonne, d’une façon ou d’une autre, à Ryanair ne sont pas admissibles dans les règles européennes de concurrence. Donc Ryanair devra rembourser. Mais c’est la partie minime de tout l’accord. Je crois, j’insiste: c’est un accord équilibré.

Les voyageurs vont sans doute devoir payer un peu plus cher leurs billets d’avion. Certains parlent de 6 à 8 euros supplémentaires par billet ?

Nous permettons qu’il y ait un support pour les aides au démarrage de nouvelles lignes. Mais au bout de 5 ans, une ligne devrait être consolidée. peut-être qu’il y aura une petite augmentation de prix qui pourra monter jusqu’à 6 ou 8 euros aller-retour, ce qui est quand même limité. Ça ne change pas le fait que les offres d’une compagnie comme Ryanair restent très très intéressantes. Et je crois que c’est quelque chose qui, partiellement au moins, pourrait être pris en compte par la propre compagnie qui a des marges très importantes. Mais je dois dire que Ryanair bénéficie d’aides d’État qui sont payées, en fin de compte, par le contribuable wallon.

On a libéralisé le ciel européen il y a quelques années, certains se sont engouffrés dans les brèches et finalement ceux qui ont libéralisé, la Commission européenne n’a pas pensé qu’il pouvait y avoir le développement d’autres actions comme celles des aéroports régionaux ? Vous devez corriger par la loi un certain nombre de dérives ?

Non, je crois que, simplement, il y a une évolution. Quand la libéralisation a été faite, ce qu’on cherchait précisément, c’était une plus grande concurrence, une plus grande offre pour les gens, pour les passagers, les consommateurs et une plus grande efficience du secteur. Un secteur qui jusqu’à l’époque pesait lourd sur les comptes publics des différents États membres qui, pour la plupart, devaient y aller de leur poche. Mais c’était de l’argent du contribuable!

Quand on n’a plus pu le faire, la Sabena en Belgique est tombée en faillite.

Oui, mais maintenant, nous voyons Brussel’s Airlines qui va très bien.

Sobelair a fait faillite…

Oui mais il y aura, vous le verrez, une alternative plus performante, rajeunie et revitalisée qui en sortira. J’en suis sûre.

Du type Ryanair ?

Je ne sais pas, je ne vais pas prévoir l’avenir. Mais il est clair qu’il y a là une possibilité d’activité énorme et que l’activité dans le secteur aérien s’est multipliée de façon spectaculaire dans les derniers temps. Et la décision d’hier va permettre à d’autres aéroports régionaux d’aller de l’avant, avec des offres et des possibilités comme Charleroi a fait.

Les vols de nuit: est-ce que la Commission européenne a quelque chose à dire dans l’interdiction ou l’autorisation des vols de nuit?

Premièrement, il n’y a pas de règle au niveau européen. Il ne peut pas y avoir de règles au niveau européen. Ce sont des règles générales qui s’appliquent au niveau international et qui supposent que chaque aéroport, en fonction des problèmes avec les citoyens, avec la population voisine, peut prendre des décisions de restriction des vols de nuit. Ou même de suppression totale de vols de nuit.

Donc ça pourrait se faire ici à Bruxelles-National, et la Commission européenne n’a rien à dire là dedans?

Nous devons voir si c’est conforme au droit international que nous avons souscrit au niveau européen. Donc pour supprimer totalement les vols de nuit, il faut qu’il y ait certaines conditions qui soient remplies, de problèmes avec les populations, d’affectation de bruit aux populations et de non alternative d’autres types de solutions, parce qu’il y a d’autres solutions.

Mais d’après vous, c’est le cas à Bruxelles ? On voit quand même énormément de riverains qui se plaignent, il y a des difficultés de dispersion de vols…

J’ai vu que, par exemple, l’aéroport de Zaventem a acheté certaines habitations qui étaient tout près des pistes, c’était celles qui souffraient davantage. On va y faire des bureaux. Parce qu’il y a d’autres activités! Evidemment pas dormir, parce que la nuit, ce n’est pas le meilleur endroit , mais il y a d’autres activités qui trouvent un avantage d’être juste à côté de l’aéroport. Surtout à un moment où il existe des solutions pour réduire tout au moins les bruits, des doubles vitrages et d’autres systèmes d’isolement acoustique. Donc il y a des solutions au moins partielles, elles peuvent et doivent être appliquées. Mais ceci étant, il y a aussi des restrictions, qui selon des règles peuvent être appliquées.

Vous avez un sentiment sur la manière dont le dossier est géré par les autorités belges pour le moment? On parle de dispersion de vols de nuit sur l’ensemble de la capitale.

Je sais qu’il y a des difficultés internes mais normalement, on cherche des routes aériennes qui passent au-dessus des endroits les moins peuplés. Mais je sais que d’autres éléments ont été introduits ici, et je ne vais pas me mêler de questions internes belges. Ça, c’est trop compliqué…

Venons-en alors aux questions internes espagnoles: c’est la fin de la vie de cette Commission européenne, vous avez dit que vous ne rempiliez pas. Vous serez ministre espagnole dans le prochain gouvernement, il y a des élections législatives à la mi-mars en espagne ?

Premièrement, il faut que les Espagnols se prononcent et votent. J’espère qu’il y aura une majorité au Parti populaire qui permettra à monsieur Rajoy qui est le successeur de monsieur Aznar, de constituer un gouvernement. Ce sera à lui de décider avec qui il veut travailler. Je n’en sais rien. En tout cas, mon horizon, c’est de rester jusqu’au 30 octobre commissaire et Vice-Présidente de la Commission européenne. Ensuite, j’ai d’autres projets. Il n’est pas exclu que je retourne en Espagne, mais mon horizon, c’est rester jusqu’au bout de la commission, ça veut dire octobre.