Procédure légale pour marché public: Jacqueline Galant « s’est assise dessus »

RTBF.Be (27/10/15 à 18h51)

Le cabinet de la ministre fédéral de la Mobilité, Jacqueline Galant (MR), s’est adjugé les services du bureau d’avocats Clifford-Chance, notamment pour des conseils « dans ses discussions avec les compagnies aériennes, pour la rédaction de la nouvelle loi de procédures aériennes (dite Vliegwet) et dans ses contacts avec les autorités européennes« , écrivait Le Vif/L’Express le week-end dernier.

Quelque 150 000 euros auraient jusque-là été facturés par le bureau d’avocats pour des prestations effectuées entre octobre 2014 et mars 2015. Mais environ 500 000 euros sont au total inscrits dans le budget du service juridique du SPF Mobilité.

La ministre « a brûlé trois feux rouges« 

Les montants sont conséquents et, pourtant : ce marché public a été attribué en dehors de toute procédure légale. Jacqueline Galant a tout simplement « brûlé trois feux rouges » en termes de procédure :

  • L’appel d’offre, tout d’abord. « La ministre n’a pas mis en concurrence plusieurs cabinets d’avocats, alors qu’il fallait en solliciter au minimum trois« , indique la députée fédérale Vanessa Matz (cdh) qui s’est penchée sur le dossier. Un seul bureau a été consulté – Clifford-Chance – choisi sur base de ses seules compétences, dit-on au cabinet Galant. Et, dès lors, c’est bien Clifford-Chance qui s’est vu confié le marché public.
  • L’Inspection des Finances, ensuite. Son avis est en effet requis dès lors que le montant du marché dépasse le montant de 31 000 euros, dans le cas d’un marché de services (arrêté royal du 16 novembre 1994, art. 15). Le cabinet Galant n’a pas demandé l’avis de l’Inspection.
  • Le Conseil des ministres, enfin. « Elle ne s’est pas non plus tournée vers le Conseil des ministres, alors que le montant du marché l’impose« , explique Vanessa Matz, précisant que cela vaut pour tout marché dès 350 000 euros. Une intervention du Conseil inscrite à l’article 3 de l’arrêté royal du 3 avril 2013.

Toutes ces procédures sont inscrites dans des arrêtés royaux, et Jacqueline Galant n’en a donc respectée aucune.

« Une volonté délibérée d’échapper à toute forme de contrôle« 

La ministre avait dans un premier temps imputé la responsabilité au SPF Mobilité : « C’est mon administration qui m’a dit qu’il n’était pas nécessaire de consulter d’autres cabinets d’avocats avant d’attribuer le dossier« , avait-elle déclaré dans les colonnes de La Libre Belgique samedi dernier.

Une version légèrement nuancée par le président de l’administration, Laurent Ledoux. S’il confirme que ses services avaient, fin octobre 2014, signifié au cabinet Galant qu’il n’était pas nécessaire de mettre en concurrence plusieurs bureaux d’avocats, il précise néanmoins que le marché concernait alors un faible montant et un dossier urgent et confidentiel, à savoir les discussions avec les compagnies aériennes.

Mais la mission s’est ensuite étendue. Au même titre que la facture. Et Le Vif/L’Express dit tenir de source sûre que, début novembre 2014, le SPF a pourtant fait parvenir au cabinet Galant « un avis contraire et plus détaillé« , confirmant « qu’il y avait une procédure légale à suivre » dans l’attribution de ce marché public.

Notons aussi que, le 1er octobre dernier, l’Inspection des Finances a finalement bel et bien reçu un « dossier pour engagements provisionnels » à hauteur de 400 000 euros pour le marché attribué à Clifford-Chance. Un dossier sans aucune pièce justificative qui est arrivé à l’Inspection un an après la passation du marché.

C’est là une preuve pour Vanessa Matz que Jacqueline Galant et son cabinet étaient bel et bien conscients des procédures, et qu’ils se sont juste « assis dessus« . Pour le cdH, cela témoigne « d’une volonté délibérée d’échapper à toute forme de contrôle, suscitant de graves interrogations quant aux réelles intentions de l’intéressée« .

À quoi faut-il maintenant s’attendre ?

La ministre de la Mobilité sera entendue ce mercredi en Commission de l’Infrastructure, et sans nul doute largement interrogée sur cette affaire.

Du côté des humanistes, on prévient déjà : « Si la ministre ne vient pas à livre ouvert, en toute transparence, en Commission, nous saisirons la Cour des Comptes (comme le permet la loi du 29 octobre 1846 et le Règlement d’ordre de la Cour des Comptes, ndlr) », affirme Vanessa Matz.

Si tel devait être le cas, l’ensemble des éléments du dossier seraient remis aux parlementaires. Autant d’éléments qui pourraient être à charge de la ministre et de son cabinet, et dont pourraient découler des sanctions « juridiques et/ou pénales« , mais aussi « politiques« , tant « la confiance est rompue« , estime encore la députée centriste.

Et Vanessa Matz redoute que d’autres dossiers du cabinet Galant aient suivi la même « absence de procédure », car, dit-elle, « vu le dossier hypersensible qui est concerné ici (notamment la nouvelle loi de procédures aériennes, ndlr), il ne serait pas étonnant que, pour de plus petits montants, la ministre et son équipe se soient là aussi assis sur les procédures légales« . La partie émergée de l’iceberg ?