LE SOIR MIS EN LIGNE LE 15/10/2015
PAR VĂRONIQUE LAMQUIN ET PIERRE VASSART
La ministre revendique son indĂ©pendance dans le dossier. Et conteste tout aspect communautaire Ă sa recherche dâune solution durable. Mais elle ne convainc pas tous les observateurs.
Si Jacqueline Galant arrive Ă faire atterrir une solution qui ne soit pas communautaire dans ce dossier des routes aĂ©riennes sous un gouvernement MR-N-VA-CD&V, câest sans conteste quâelle mĂ©ritera la plus glorieuse des mĂ©dailles. Les observateurs, pourtant, en sont persuadĂ©s : de fortes tensions qui freinent le dossier existent entre le cabinet de la ministre, son administration (la Direction gĂ©nĂ©rale du transport aĂ©rien, ou DGTA) et Belgocontrol (lâ« entreprise publique autonome » chargĂ©e de la sĂ©curitĂ© du trafic aĂ©rien en Belgique). Des tensions qui auraient bien une origine communautaire.
1 Des tensions avec son administration. DĂšs le dĂ©but de son mandat, Jacqueline Galant a dĂ©clarĂ© publiquement que par souci de neutralitĂ©, elle ne souhaitait pas de Bruxellois dans lâĂ©quipe qui ferait aboutir le dossier. Elle se dĂ©fie par consĂ©quent de son administration, au point dâavoir engagĂ© un bureau dâavocats, Clifford Chance, pour rĂ©diger un projet de loi aĂ©rienne (appelĂ©e « vliegwet » mĂȘme par les francophones) plutĂŽt que de recourir Ă sa propre administration. « Câest pour cela quâil faut un organe indĂ©pendant de contrĂŽle qui, lui, pourra contrĂŽler si les procĂ©dures sont respectĂ©es, explique-t-elle. Et pourquoi mon administration rĂąle par rapport Ă cet organe indĂ©pendant ? Regardez lâadministration du ministre, elle nâest peut-ĂȘtre pas toujours totalement indĂ©pendante non plus. » Lorsquâon lui demande qui, aujourdâhui, effectue les contrĂŽles, elle rĂ©pond : « Lâadministration. Il y a certaines personnes, ajoute-t-elle, qui sont fort sensibilisĂ©es par rapport Ă la problĂ©matique du survol. Cela ne me dĂ©force pas moi. Cela dĂ©force lâadministration parce quâelle doit gĂ©rer tous les dossiers de maniĂšre indĂ©pendante. » Plus Ă©tonnant, et confirmĂ© par diffĂ©rentes sources : la ministre et son chef de cabinet refusent que le prĂ©sident du SPF MobilitĂ© et des experts de la DGTA participent Ă certaines rĂ©unions au cabinet concernant les procĂ©dures aĂ©riennes relatives Ă lâaĂ©roport de Zaventem. Belgocontrol, en revanche, est toujours reprĂ©sentĂ©. « Faux, rĂ©torque Jacqueline Galant. Tous les stakeholders sont consultĂ©s. »
2 Une « vliegwet » pilotĂ©e depuis la Flandre. Les dĂ©tracteurs de Jacqueline Galant voient planer lâombre de Belgocontrol dans tous les choix quâopĂšre la ministre dans ce dossier. Et sâinterrogent quant Ă la neutralitĂ© de son administrateur dĂ©lĂ©guĂ©Â : cet homme, en effet, câest Johan Decuyper, qui nâa pas souhaitĂ© rĂ©pondre Ă notre demande dâentretien. EtiquetĂ© CD&V, il fut le chef de cabinet dâEtienne Schouppe (CD&V) de 2008 Ă 2010, lorsque ce dernier Ă©tait secrĂ©taire dâEtat chargĂ© de la MobilitĂ©. Depuis plusieurs mois, en vertu de la loi aĂ©rienne de 1937, la cellule environnement de la DGTA demande Ă Belgocontrol des informations prĂ©cises sur les vols au dĂ©part et Ă lâarrivĂ©e de lâaĂ©roport.
De source interne Ă lâorganisme, on nous le confirme : Johan Decuyper a formellement interdit Ă son administration toute transmission dâinformations qui ne serait pas validĂ©e par lui personnellement. Mais Jacqueline Galant nây croit pas : « Je suis la ministre de tous les Belges, insiste-t-elle. Je ne me laisse instrumentaliser par aucune association ou niveau de pouvoir. On travaille avec le mĂ©diateur ; câest la personne la plus objective dans le dossier. Il peut notamment nous donner une idĂ©e plus prĂ©cise du nombre de rĂ©clamations. » Et si la ministre souligne « nous avons de trĂšs bonnes relations avec Belgocontrol », elle ajoute toutefois : « nous lui demandons dâavoir beaucoup plus de transparence. Lâancien management nâavait pas cette politique de transparence. Depuis un an, ça Ă©volue : ils ont un site internet, ils ont participĂ© Ă la JournĂ©e DĂ©couverte Entreprises. Câest anecdotique, mais ce sont autant de moyens pour informer les citoyens. Pareil pour lâaĂ©roport, qui a crĂ©Ă© une revue,Contact.Si on explique et quâon donne un maximum dâinformations, les gens ont moins peur. »Et prĂ©cise encore : « Lâaccord de gouvernement prĂ©voit clairement quâil faut arrĂȘter lâingĂ©rence des politiques dans les entreprises publiques autonomes. Mais il faut leur donner un cadre dans lequel ils doivent travailler. Et il faut leur donner une stabilitĂ©. » En fait, croient savoir les associations de riverains, Johan Decuyper agit en sorte quâĂ terme, Belgocontrol Ă©chappe totalement Ă lâautoritĂ© et au contrĂŽle de la DGTA, au sein de laquelle devrait pourtant voir le jour ce fameux « organe de contrĂŽle indĂ©pendant » du trafic aĂ©rien, dont la crĂ©ation figure au programme du gouvernement.