Pourquoi l’aéroport de Zaventem est si mal placé

lalibre.be
9 mai 2014

Placer un aéroport à l’est de Bruxelles n’était pas le meilleur choix. Une alternative a existé.

BELGIUM BRUSSELS AIRPORT ILLUSTRATIONLa polémique bat son plein. L’aéroport de Bruxelles-National est-il trop proche du centre de la capitale belge ? Beaucoup l’affirment, une telle distance (12km) serait « unique » en Europe, expliquent certains. Les chiffres démontrent le contraire. L’aéroport de Lisbonne est, par exemple, à 7 km du centre-ville, celui de Copenhague à 8km (voir tableau ci-contre). Or, on n’entend pas parler de crise politique portugaise ou danoise sur des nuisances aériennes.

Non, en fait le vrai problème de l’aéroport de Zaventem c’est sa situation, au nord-est de la capitale. « Cette localisation n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique, explique une source proche du dossier. On n’a fait que reprendre un terrain militaire, construit par l’armée allemande, à l’est de Bruxelles, alors que les vents dominants viennent de l’ouest. » O r un décollage « se fait toujours face au vent ». Conséquence ? La plupart des avions doivent décoller vers Bruxelles avec un survol dangereux d’une capitale européenne. »

Là où la plupart des aéroports au monde ont des zones de « dégagement » (par exemple, la mer pour Barcelone, des zones peu peuplées pour la majorité des aéroports), cette possibilité n’existe quasiment pas à Bruxelles. Bref, la cohabitation est loin d’être évidente entre des riverains fatigués par les nuisances et un aéroport qui s’estime freiné dans son expansion (cf. le déménagement du hub de DHL vers Leipzig en 2008).

Un aéroport créé par les Allemands

Comment est-on arrivé à cette situation ? Il faut sortir les livres d’histoire pour le comprendre. Etrangement, le sort de l’aéroport national s’est joué suite à des événements n’ayant pas grand-chose à voir entre eux : les deux expositions organisées par la Belgique (1910 et 1958) et les deux invasions allemandes. Tout commence donc en 1910, lorsqu’un champ de course de Stockel (Woluwe Saint-Pierre) est transformé en piste d’aviation. En 1914, les Allemands envahissent la Belgique et déplacent cet embryon d’aéroport à Haren, dans le nord de Bruxelles, soit quasiment à l’endroit où l’Otan est en train de construire son nouveau siège. A l’époque, les pistes sont encore en gazon. Elles seront utilisées par les premiers avions de la Sabena, créée en 1923.

En 1940, ce sont à nouveau les Allemands, de retour, qui donnent le ton. Ils créent un nouvel aérodrome militaire à Melsbroek, à deux pas des actuelles infrastructures de Zaventem. L’aéroport devient civil après la défaite du régime nazi. Mais l’histoire est une question de cycle et c’est une autre exposition, celle de 1958, qui va définitivement déplacer les activités aéroportuaires à Zaventem. A partir de cette date et avec le boom du secteur aérien, l’aéroport entame une spectaculaire croissance. « Le ver était déjà dans la pomme; dès l’origine, il était clair que l’aéroport n’est pas situé de manière idéale », explique un spécialiste.

Ceci dit, la Belgique n’est pas la seule à avoir construit un aéroport où les vols passent au-dessus d’une capitale. Bon nombre d’avions survolent le centre de Londres avant d’atterrir à Heathrow, le 1er aéroport européen. Les arrivées à Tempelhof (fermé en 2008), en plein cœur de Berlin, ont aussi longtemps été déroutantes.

Le projet avorté de Chièvres

Mais les autorités de ces pays voisins ont quasiment toutes réagi face au développement constant de l’aviation en Europe. L’idée étant d’éloigner au maximum les infrastructures des centres urbains. Exemple ? La France a créé Roissy pour décharger Orly, Rome a développé Fiumicino, Londres a créé Gatwick pour soulager Heathrow, tout en limitant les vols à City, son aéroport urbain. Même le Portugal a un plan pour développer un aéroport à plusieurs dizaines de kilomètres du centre de Lisbonne.

Alors, comment expliquer que de tels projets n’aient jamais vu le jour en Belgique ? En fait, il y a eu un projet belge. Au début des années 90, on a songé créer un aéroport national à Chièvres, dans le Hainaut occidental. Soit à 55 km de Bruxelles. Une étude de l’ULB avait estimé que l’endroit, une base aérienne militaire, était idéal : les environs étaient faiblement peuplés et le lieu très bien desservi. Autre avantage, l’aérodrome se situe à peine à 15 km de la région flamande et les répercussions économiques « retomberont donc aussi au nord du pays ». Le coût des travaux avait été estimé à 4 milliards d’euros.

Mais le projet, bien que relancé par Guy Verhofstadt en 2003, n’aboutira jamais. Sans doute y a-t-il eu des freins politiques, voire communautaires. Mais c’est surtout la faillite de la Sabena, en 2001, qui va enfouir le dossier. D’un coup, l’aéroport de Zaventem passa de près de 22 millions de passagers par an à 14 millions.  » Cette faillite est très mal passée auprès de l’opinion publique , explique une source. Quel homme politique allait encore se risquer à investir dans un secteur aérien décrédibilisé ? Et puis, à quoi cela servait-il de créer un aéroport flambant neuf si on n’était pas sûr de le remplir ? »

Mais la donne est peut-être en train de changer. Avec l’arrivée des low cost Ryanair ou Vueling, l’aéroport va approcher cette année son record historique de fréquentation, atteint juste avant la faillite de la Sabena. La croissance semble désormais constante. « Quand on sait qu’il faut plus de 10 ans pour construire un aéroport, il serait peut-être temps de commencer à songer à des alternatives », évoque un spécialiste.

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