Renaat Landuyt, M.

Le ministre de la Mobilité a eu le mérite de mettre un peu d’ordre dans la loi sur la Sécurité routière.
Mais il a usé et abusé de ce thème pour sa promotion personnelle.
Quand au dossier de l’aéroport de Zaventem, il est plus embrouillé que jamais au grand dam des riverains qui exigent en vain les astreintes dues.

analyse

gilles toussaint et philippe lawson

Soyons de bon compte: en récupérant en 2004 le strapontin de la Mobilité des mains de son fantasque camarade Bert Anciaux, le Brugeois Renaat Landuyt (SP.A) héritait d’un cadeau empoisonné, certains dossiers ayant été quelque peu maltraités par son prédécesseur.

Celui de la sécurité routière, tout d’abord. Placé au rang des priorités nationales depuis le passage d’Isabelle Durant à la Mobilité, celui-ci s’est traduit par une loi mal emmanchée qui fut l’objet de toutes les critiques émanant tant des associations d’usagers de la route, que des rangs policiers ou de ceux de la magistrature. Face à la levée de bouclier notamment provoquée par les « super-amendes », mais aussi par les multiples recours engagés contre diverses dispositions de la loi, Renaat Landuyt fit d’abord mine de jouer les « durs ». « Je ne changerai rien, disait-il dans un premier temps, mais j’écouterai tout le monde… » Bien lui en prit, puisque quelques mois plus tard, la Cour d’arbitrage sommait tout bonnement le gouvernement de revoir en profondeur sa copie en la matière. Ce qui fut fait pour finalement aboutir l’an dernier à une législation plus équilibrée.

Un résultat auquel ne sont pas étrangères les nombreuses parties associées à la Commission fédérale Sécurité routière et qui aurait assurément pu être encore meilleur si l’on avait laissé à celles-ci le temps de mener leurs travaux à terme…

Très sensible au nord du pays, le thème de la sécurité routière représente un terreau idéal pour flatter l’électorat flamand. Renaat Landuyt l’a bien compris et ne s’en est pas privé, multipliant jusqu’à la nausée les petites et grandes annonces en la matière, transformant au passage l’IBSR en officine trop souvent dévolue à sa promotion personnelle. Et qu’importe le caractère irréaliste ou très orienté de certaines mesures lancées dans la précipitation. Et qu’importe si policiers et juges demandent grâce. Car Renaat a son « Baromètre occasionnel de la sécurité routière », dont la validité scientifique ne manquerait pas d’attiser la curiosité d’Isaac Newton en personne mais qui sert de justification à toutes ses actions.

Précieux outil que celui-là, qui lui permet notamment de rappeler plus souvent qu’à son tour qu’en matière de sécurité routière les responsables politiques francophones sont des cancres (ce qui n’est pas tout à fait faux) ou de taper sur le supposé laxisme des parquets. Régionalisons tout cela, souhaite d’ailleurs ouvertement le ministre fédéral de la Mobilité.

On pourrait encore parler de l’absence de politique en faveur de la mobilité justement, ou de cette quête obsessionnelle d’exposition médiatique (médias qu’il méprise par ailleurs pour peu que ceux-ci le contrarient). Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui je suis ? Une version pipolo-politisée de M. Contact. Le képi en moins.

Le second dossier, difficile il faut le reconnaître, dont a hérité Renaat Landuyt est la problématique du bruit des avions de l’aéroport de Bruxelles (Brussels Airport). Et ici, force est de constater qu’il y a eu une démission totale (volontaire ?) de la part du ministre fédéral de la Mobilité. Depuis son arrivée aux commandes, le dossier fait du surplace et les discussions traînent en longueur sans qu’aucune solution équilibrée ne vienne soulager la souffrance des riverains.

Mépris de la justice

A l’instar de son prédécesseur Bert Anciaux, père du polémique plan de dispersion des nuisances, il n’a pas réussi à débarrasser le dossier de ses relents communautaires. Il a renvoyé la patate chaude aux Régions, invitant Bruxelles-Capitale et la Flandre à accorder leurs violons avant d’intervenir. Les deux entités le pressent de leur côté d’agir. En vain. Au grand dam des riverains qui assistent au surplace en spectateurs abattus par le bruit des avions qui gâchent leurs nuits de sommeil.

Pourtant, il y a des priorités et rien ne l’empêche de décréter la mise en place d’une réelle autorité indépendante de contrôle dotée de vrais pouvoirs et de confier à des acteurs internationaux (pour éviter des procès de partialité) la réalisation d’un cadastre de bruit. Les nuisances n’ayant pas de coloration linguistique, il aurait pu prendre des mesures pour que les avions survolent des zones moins densément peuplées. C’est une question de bon sens.

Renaat Landuyt incarne l’inertie du fédéral dans le dossier du bruit des avions avec une attitude qui frise le mépris vis-à-vis des décisions de justice (21 condamnations du fédéral). Il refuse tout simplement de les appliquer en utilisant toutes les voies de recours possibles pour éviter de payer les astreintes (déjà 725000 €) dues par le fédéral aux riverains. Dans le même temps, l’ardoise financière du fédéral s’élève à 1,25 million d’euros à titre d’honoraires d’avocats.

Et pour couronner le tout, au lieu de travailler de concert avec le service de médiation de l’aéroport qui lui fait sans cesse des propositions pour solutionner le dossier, Renaat Landuyt leur aurait déclaré la guerre. Car la vérité des chiffres relatifs notamment aux plaintes (478 000 en 2006 et déjà 450 000 du 1er janvier au 10 mai 2007) ne le sert pas.