par Anne-France Rihoux, secrétaire générale d’Inter-Environnement Bruxelles dans
Bruxelles en mouvements n° 182, 1er mars 2007
Le tribunal de première instance de Bruxelles vient de donner raison à Bruxelles Air Libre dans son recours contre l’Etat belge. Petit rappel des faits : la Cour de Cassation a reconnu en janvier la validité des normes bruxelloises en matière de bruit. Or le gouvernement bruxellois compétent pour verbaliser les dépassements des normes de l’arrêté Gosuin a décidé de ne rien faire. Pas plus que le gouvernement fédéral n’a décidé de modifier les routes aériennes du plan Anciaux qui ne permettent pas de respecter les normes. Bruxelles Air Libre a donc demandé à la justice que la loi soit appliquée. Et la justice a autorisé les plaignants à faire lever des astreintes en cas de dépassements des normes à partir du 10 mai prochain. Il s’agit d’une étape importante pour la qualité de vie des Bruxellois qui installe une jurisprudence en matière d’action collective des associations.
Bruxelles Air Libre se voit ici reconnaître le droit de demander à la justice l’application des lois votées et décidées démocratiquement. D’habitude, les associations se voient déboutées parce qu’elles ne peuvent démontrer un intérêt personnel direct aux enjeux posés dans le procès. Seul est pris en compte l’intérêt propre de ses membres. Selon le professeur Nicolas de Sadeleer , le Conseil d’Etat a développé une jurisprudence restrictive qui exige une individualisation de l’intérêt du requérant. Du coup, difficile pour des associations comme Inter-Environnement Bruxelles ou ses membres d’intervenir juridiquement dans des enjeux patrimoniaux, immobiliers ou, plus encore, sur la qualité de l’air (action intentée en 2001 par IEB sur base de la loi de 1993).
Le monde associatif demande depuis plusieurs années que le droit collectif d’action en justice lui soit reconnu. Certains milieux, notamment économiques, paniquent et évoquent une multiplication d’actions en justice, un frein à l’innovation et les dérives de dédommagements constatées aux USA.
Les associations sont prêtes à accepter des garde-fous à l’action collective pour éviter la profusion de démarches obstructives, par exemple que l’association soit dotée d’une personnalité juridique depuis trois ans et que sa démarche s’inscrive dans son objet social défini dans ses statuts. Par ailleurs, l’association doit pouvoir prouver que cet objet est bel et bien au cur de son activité (en présentant des rapports d’activités, des communiqués, l’organisation d’événements, des publications…). Ces conditions sont d’ailleurs déjà présentes dans le cadre de l’action en cessation en matière environnementale instaurée depuis janvier 1993. Et la mesure n’a pas provoqué un envahissement des prétoires.
Par contre, la loi permettrait d’asseoir l’associatif dans le processus démocratique en donnant la possibilité de faire appliquer le droit existant voté démocratiquement par les élus.
Inter-Environnement Bruxelles souligne donc que cette décision de justice constitue le premier pas favorable à la création d’une jurisprudence favorable au droit de recours collectif en justice.