Extension de DHL :
évaluation du coût de l’isolation acoustique
et de l’impact réel
sur la santé des Bruxellois

Le 11 mai dernier, j’ai eu l’occasion de dresser un premier bilan de la situation réelle d’exposition des Bruxellois aux nuisances du trafic aérien nocturne. Ce premier bilan a permis de démontrer l’énorme décalage qui existe entre le cadastre théorique de bruit du ministre Anciaux et les nuisances réellement subies sur le terrain qui se traduit par une sous-évaluation manifeste de l’impact du plan de dispersion. Les mesures qui ont suivi ce premier bilan et qui se poursuivent confirment très clairement le constat que nous avons pu dresser à propos des nuisances réelles à Bruxelles.

Tableau comparatif entre le cadastre théorique prévisionnel et les mesures sonométriques depuis la mise en œuvre effective du plan de dispersion des vols de nuit (du 21/03/2004 au 02/05/2004) : voir annexe

Aujourd’hui, personne ne peut nier cette sous-évaluation du cadastre prévisionnel de bruit ! Connaître l’impact réel du plan de dispersion est important. Evaluer l’impact sur la santé est essentiel.

Adaptation de l’étude Annemans aux mesures réelles de bruit : 50.000 victimes bruxelloises

Dans le cadre de son plan de dispersion, le ministre Anciaux a demandé au professeur Annemans de la faculté de médecine de l’université de Gand de réaliser [une étude de santé sur base du cadastre théorique de bruit->art287]. Pour rappel, un des principaux arguments avancés par le ministre Anciaux pour motiver la mise en œuvre de son plan de dispersion fut que « 19,5 % de personnes en moins seront soumises à des troubles du sommeil ». Si l’approche scientifique développée par le professeur Annemans apparaît tout à fait pertinente, il faut bien se rendre compte que l’analyse et les conclusions reposent sur les chiffres fantaisistes du cadastre théorique. Si on procède à une simple extrapolation des calculs sur base de la situation mesurée sur le terrain, il y a de quoi mettre à mal les déclarations rassurantes de la BIAC.

Sans remettre en cause la démarche du professeur Annemans, l’extrapolation des résultats de cette étude à la situation réelle d’exposition en Région bruxelloise nous éclaire sur les conséquences du plan de dispersion en matière de santé publique :

-* Rien qu’en Région bruxelloise, plus de 50 000 personnes sont réellement affectées par des troubles du sommeil liés à l’activité aéroportuaire nocturne alors que les évaluations faites sur base du cadastre théorique n’en dénombraient que 6 435 ;
-* Comparé à la situation de 2002, le plan de dispersion augmente de manière substantielle le nombre de personnes réellement affectées par des troubles du sommeil, contrairement aux conclusions avancées par le ministre Anciaux dans le dossier de motivation du plan de dispersion ;
-* L’étude d’impact prévisionnelle relative à l’augmentation des activités de DHL nous indique, pour un scénario minimaliste correspondant à un doublement du trafic aérien nocturne, une augmentation de plus de 50 % du nombre de personnes réellement affectées par des troubles du sommeil.

Isolation acoustique : l’impayable facture

Tous les accords liés à la problématique des nuisances sonores, comme la déclaration gouvernementale du reste, consacrent le principe d’isolation acoustique autour de l’aéroport de Bruxelles-national. A Bierset, par exemple, le principe d’équité qui est développé pour le plan d’exposition au bruit intègre, très logiquement, la réalisation d’un vaste programme d’isolation et de rachat des habitations. Car il s’agit là de veiller à respecter pour chacun les normes de l’OMS tant pour les pics de bruit que pour la qualité globale de l’environnement sonore de jour et de nuit. C’est cette démarche qui doit être suivie pour l’aéroport de Bruxelles-National. Forte d’une solide expérience en matière d’isolation acoustique des bâtiments et d’une expertise spécifique au bâti bruxellois, la société A-Tech vient, à ma demande, de conclure une première étude afin d’estimer le coût nécessaire à la réalisation du programme d’isolation acoustique en Région de Bruxelles-capitale.

Dans l’hypothèse du maintien du plan de dispersion et de l’extension du développement des activités de DHL à Bruxelles (correspondant à un doublement du trafic aérien nocturne), quelque 135.000 logements bruxellois devront bénéficier d’une isolation acoustique renforcée à 30, 35 ou 40 dB d’atténuation : soit un coût supérieur à 1,1 milliards d’euros !

Si les montants nécessaires à la réalisation du programme d’isolation peuvent apparaître imposants, ils sont loin d’être exagérés. D’autres références relatives à des estimations et à des réalisations concrètes de programmes d’isolation confirment les chiffres avancés :

-* Dans le bassin parisien, l’insonorisation de 150.000 logements (avec un plafond d’intervention fixé à 80 %) est estimée à 1,2 milliard d’euros ;
-* A Paris-Charles de Gaulle, 2.948 logements individuels et 353 logements collectifs ont déjà été insonorisés pour un montant de 31,76 millions d’euros ;
-* A Bierset, un plan financier de 265 millions d’euros a été adopté par la Région wallonne pour réaliser le programme d’isolation (y compris le rachat d’habitations sur base volontaire dans la zone la plus proche de l’aéroport) concernant 11.000 logements.

Bien entendu, ce coût nécessaire à la réalisation du programme d’isolation n’intègre pas les interventions nécessaires en Région flamande où un vaste programme de rachat des maisons situées en bout de pistes sera incontournable.

Si l’on transpose la logique de Bierset (zones d’expropriation et rachat des habitations dans les prolongements de la piste), les noyaux urbains de Diegem, du nord de Steenokkerseel et encore les quartiers du Kouter à Zaventem seront vidés de leurs habitations.

Le passif environnemental est, juridiquement, à charge de l’Etat et/ou de l’exploitant

Au regard du droit européen (articles 1, c) et 4. 1.directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté), l’Etat est tenu d’adopter une approche équilibrée lorsqu’il traite des problèmes liés au bruit dans les aéroports situés sur leur territoire et ils ont même l’obligation positive de promouvoir un développement de la capacité aéroportuaire qui soit respectueux de l’environnement.

Ce principe général de respect d’un juste équilibre impose à l’Etat de tenir compte des intérêts des particuliers. Il l’empêche de faire passer au second plan les droits d’autrui par référence au bien-être économique général. Il y a une dizaine d’années, la Cour de cassation elle-même a souligné qu’il n’existait aucun principe général de droit consacrant la prééminence de l’intérêt public sur l’intérêt particulier.

A cet égard, on ne peut manquer de remarquer que des mesures de réparation ou de réduction du préjudice telles la limitation de mouvements nocturnes de certains appareils, des subventions à l’isolation acoustique, la possibilité offerte aux particuliers de déménager sans en supporter les conséquences financières ont été considérées comme permettant de maintenir l’équilibre entre le développement économique d’une infrastructure d’importance nationale et les droits des particuliers. A Liège, le tribunal civil n’a pas hésité à considérer que l’autorité publique aurait pu et dû régler les problèmes des riverains par la mise en place d’un programme de gestion des nuisances dont l’application devait grosso modo coïncider avec la survenance d’inconvénients graves pour les riverains. Cet enseignement est sans doute d’autant plus pertinent pour l’aéroport de Bruxelles-National que cela fait près d’un et demi que l’Etat fédéral est censé mettre en œuvre un programme d’isolation acoustique. Une loi-programme prévoit un arrêté royal en la matière depuis décembre 2002…

Si l’Etat ne peut donc se dispenser d’assumer le coût environnemental du développement de l’aéroport de Bruxelles National, l’exploitant le peut encore moins. L’année dernière, la Cour de cassation a eu l’occasion de souligner qu’un exploitant est soumis, en région flamande, à un principe général de précaution qui lui impose de prendre toutes les mesures de nature à réduire, éviter ou supprimer les nuisances qu’il cause au-delà de ce que lui prescrit son permis d’environnement. En définitive, si l’Etat n’assume pas le passif environnemental de sa politique de développement aéroportuaire, ce sera l’exploitant qui aura à l’assumer.

Conclusions

A nouveau, je voudrais donc parler le langage de la vérité et être extrêmement clair. Je me suis exprimé sans ambiguïté contre l’extension de DHL à Bruxelles et j’ai inscrit ce point à l’ordre du jour du Gouvernement bruxellois. Si le Gouvernement bruxellois autorise cette extension, se sera sans moi. Et j’annonce clairement la stratégie qui sera la mienne tant que je serai en charge de ce dossier. D’abord, nous allons créer l’instabilité juridique autour de ce dossier. Le politique peut décider ce qu’il veut, nous vivons dans un pays où la justice a ses droits. Et, personnellement, je crois que c’est devant les tribunaux qu’on remportera le combat de DHL. Le moindre acte administratif, le moindre permis, la moindre décision doit faire l’objet de recours tant devant les tribunaux civils qu’au Conseil d’Etat. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, j’ai introduit une action en cessation au nom de la Région bruxelloise.

Ensuite, nous allons nous acharner à démontrer que l’isolation est un défi impossible. C’est aussi l’objet de cette première étude. Les sommes nécessaires à l’isolation sur Bruxelles et les expropriations en Flandre sont colossales et seraient beaucoup mieux utilisées si on les consacrait à la création d’emplois. Et j’attends avec impatience les déclarations de celles et ceux qui oseront prétendre, devant l’importance de ces sommes, qu’il n’est pas raisonnable de faire de l’isolation acoustique et de l’expropriation alors que les riverains d’autres aéroports de Belgique bénéficient de pareilles mesures. Même si ces mesures sont tout sauf la panacée, les juges apprécieront la différence de traitement …