« M. Michel, retournez dans votre réserve ! »

Dans un entretien accordé au journal « Le Soir », le 2 mai, intitulé « Louis Michel sort de sa réserve », notre Ministre des Affaires étrangères s’en prend (finalement !) au plan de dispersion des vols d’avions de son collègue Anciaux. Un conseil des ministres restreint devrait débattre de la question cette semaine.

Il ne faut naturellement pas voir dans ce soudain intérêt pour le sort des riverains de l’aéroport (national ?) de Zaventem le moindre lien avec les élections régionales et européennes du 13 juin prochain. La circonstance que la plupart des communes bruxelloises et de sa périphérie concernées votent majoritairement MR est à l’évidence purement fortuite.

La question qui se pose, cependant, est de savoir si Louis Michel est encore en mesure de défendre une opinion qu’il ne contredira pas à travers des sophismes dont il est de plus en plus seul à être convaincu. En effet, on en n’est pas au premier revirement du chef de la diplomatie belge : Autriche, loi sur la compétence universelle, etc. Même l’illustre stratège militaire prussien von Clausewitz, s’il était encore vivant, y perdrait son latin. M. Michel est un sprinteur, alors que le dossier des vols d’avions, tout comme la diplomatie belge, requièrent un coureur de fond, quelqu’un qui sache « tenir la distance ». Ce n’est pas de harangues préélectorales dont les riverains ont besoin mais de solutions durables, non partisanes et fondées sur le respect de leur vie privée, la protection de l’environnement et la conformité avec les normes de santé et de sécurité les plus élémentaires.

La prudence doit être de mise et le riverain/électeur ne peut être à nouveau séduit par ce qui apparaît, cette fois, un atterrissage forcé ou, disons-le, sans sophisme, un décollage raté. Faut-il rappeler que depuis que l’actuel gouvernement est en place, les habitants du « Noord » et de l’« Oostrand », ainsi que ceux de Laeken, Schaerbeek, Etterbeek, Woluwé-Saint-Lambert, Woluwé-Saint-Pierre, Watermael-Boitsfort et d’autres communes bruxelloises de plus en plus nombreuses ont été confrontés à une politique gouvernementale en matière de survol de la capitale chaotique, voire irresponsable ? De multiples professionnels de l’aviation ont témoigné, notamment dans la presse, de la dangerosité des plans de dispersion successifs : décollage par vent arrière, utilisation de pistes trop courtes, etc. Est-il nécessaire de souligner que tous les plans Anciaux, qui participent presque aujourd’hui en raison de leur nombre et de leur diversité au « Livre des records », ont été entérinés par le conseil des ministres, y compris par ses représentants bruxellois ? Croit-on utile de devoir renvoyer au site Internet de l’ex-membre de la Volksunie pour y lire les éloges que celui-ci y fait de Louis Michel en le remerciant du soutien appuyé que ce dernier lui a toujours apporté dans ce dossier épineux ?

Mais ce qui inquiète, avant tout, c’est la méconnaissance manifeste de notre représentant aux relations extérieures, de toute la problématique liée aux nuisances subies par les riverains d’aéroports, dont on peut inclure ceux de Gosselies et de Bierset. Dans son interview publiée dans « Le Soir », M. Michel déclare que pour résoudre la question des « désagréments » causés par le survol de Bruxelles et de ses alentours, « la seule bonne formule, c’est de pousser à la suppression des vols de nuits partout en Europe ». Or, les nouvelles moutures du plan Anciaux provoquent autant – si pas plus – d’incommodités et de dangers le jour que la nuit. Avec environ 300 vols d’avions à très basse altitude durant toute la journée du samedi, l’on perçoit avec difficulté, l’efficacité d’une interdiction des vols de nuit, jugée d’ailleurs improbable par Louis Michel !

S’agissant de la demande d’extension de DHL (qui n’est pas – comme certaines méchantes langues le prétendent – une abréviation de « DeHorsLouis »), le chef des libéraux francophones précise qu’il n’est « pas disposé à tout laisser faire ». Les Bruxelloises et les Bruxellois ainsi que les ressortissants de la périphérie peuvent dormir tranquilles : en septembre, lorsque le gouvernement fédéral devra se prononcer sur la requête de DHL (ouf, c’est après les élections !), Louis Michel – c’est promis, juré, craché – n’acceptera pas plus de 34.000 mouvements nocturnes au lieu des 35.000 sollicités.

Et le Ministre fédéral ne manque pas d’audace en estimant, d’une part, ne pas « vouloir participer à la démagogie des écologistes et du CDH » et, en soutenant d’autre part, que « si nous en sommes là, c’est en grande partie la faute de Mme Durant (ex-Ministre de la Mobilité), qui n’a pas fait ce qu’elle devait au moment où il fallait le faire ». Sous l’angle de la démagogie, il est effectivement fort à craindre qu’il faille rapidement appliquer à l’actuelle prise de position de Louis Michel la sagesse d’une citation de Jacques Prévert selon laquelle « la meilleure façon de faire du sur place, c’est de suivre une idée fixe », tant des mesures concrètes et sérieuses tardent à être prises. La seule solution, à terme, comme l’a soutenu l’ancien Chef de cabinet de M. Verhofstadt, est la fermeture de l’aéroport de Zaventem, et la construction ou le développement d’un nouvel aéroport national loin de zones densément peuplées. Quant à la prétendue responsabilité de l’ancienne Ministre Ecolo, Isabelle Durant, tous les habitants de l’ouest, du sud de Bruxelles et de l’« Oostrand » savent pertinemment que la situation était incomparablement meilleure à l’époque où la représentante écologique était en charge du dossier du survol de la capitale et de ses communes avoisinantes. S’il y a bien quelqu’un qui « n’a pas fait ce qu’[il] devait au moment où il fallait le faire », c’est sans le moindre doute possible notre responsable du premier parti à Bruxelles ! Louis Michel ne devrait pas « sortir de sa réserve » mais y retourner, car il a pris clairement quelques heures de vols (en trop) !

P.L.

Bruxellois (en manque de sommeil et de tranquillité)