«Une étude de santé pour les riverains»

Didier Gosuin (FDF) promet une étude épidémiologique aux Bruxellois d’ici fin 2004. But: mesurer l’impact des nuisances sur l’état de santé.

Selon le ministre régional bruxellois de l’Environnement, l’essor de l’aéroport profite largement à la Flandre.

Que pensez-vous du plan présenté vendredi par le ministre fédéral Bert Anciaux (Spirit) ?

C’est son xième plan et il est conforme à sa stratégie d’agir dans la précipitation avec le moins possible de transparence. Sa volonté première est de dribbler la Cour de cassation dont l’arrêt, attendu dans les prochains jours, risque d’annuler le jugement de la Cour d’appel de Bruxelles qui est le fondement de son plan de dispersion. Lorsque la Cour de cassation aura tranché, une cour d’appel flamande sera saisie du dossier et si, entre-temps, une décision politique intervient et est favorable aux plaignants du Noordrand (nord de Bruxelles), l’affaire restera pendante et ne sera activée par personne.

Comment qualifiez-vous l’attitude de certains bourgmestres qui accordent encore des permis de bâtir dans les zones de bruit?

La question a déjà été soulevée par DHL et Biac. Il faut arrêter cette pratique. Ce n’est pas le cas à Bruxelles. Le politique n’a pas géré de façon rationnelle l’essor de Bruxelles-National. Il est face à un dilemme. Soit il se fout de la qualité de vie des personnes survolées à Bruxelles ou en Flandre et il risque un effet boomerang. Soit il accepte un développement raisonnable, sur base de données objectives, dont le cadastre de bruit. D’ailleurs, je vais réaliser, d’ici la fin d’année ou début 2005, une étude épidémiologique sur Bruxelles, pour connaître l’impact du bruit sur la santé. J’ai eu des contacts épistolaires avec des communes voisines de l’aéroport de Roissy, qui en réalisent. Le but est de savoir comment elles s’y prennent ou si elles peuvent se charger de la nôtre, pour garantir la neutralité. À défaut, j’espère au moins avoir leur cahier des charges, pour confier l’étude à des bureaux universitaires. Ça se fait dans tous les aéroports internationaux, sauf Bruxelles.

Que dites-vous de l’aspect communautaire du dossier?

Il est bien présent et le complique davantage. Chacun sait que l’aéroport de Zaventem est situé en Flandre et son essor économique profite largement à cette Région. Mais très égoïstement, on dit que les Bruxellois ne prennent pas leur part de bruit, ce que je conteste. Si M. Anciaux agit ainsi, c’est sous la pression, non de riverains de Bruxelles, mais d’associations du Noordrand. Il n’est pas seul responsable de la situation: Isabelle Durant (NdlR: ex-ministre Ecolo) a dit, à l’époque, que Bruxelles était grand gagnant et ça a mis le feu aux poudres en Flandre.

M. Anciaux dit respecter la décision du conseil des ministres du 16 janvier?

Les réactions, notamment, de Laurette Onkelinx (NdlR: lire encadré) ne vont pas en ce sens. Manifestement, au sein de l’exécutif fédéral, on n’apprécie pas cette précipitation, d’autant que l’arrêt qui va tomber remettra les pendules à l’heure. Si on s’est écarté de l’accord de gouvernement, c’est que M. Anciaux disait qu’il fallait respecter l’arrêt de la Cour d’appel (NdlR: sur la dispersion) pour éviter l’astreinte de 50000 €. Ses arguments sont en train de s’envoler comme sable au vent.

Qu’attendez-vous des ministres francophones du fédéral?

La moindre des choses, c’est d’attendre l’arrêt de la Cour de cassation. Puis travailler vers des perspectives qui sont réinscrites dans la déclaration gouvernementale. Je ne cesse de démontrer que les modèles prévisionnels et théoriques ne sont pas vérifiés. Et que c’est à partir du terrain qu’il faut évaluer précisément les nuisances, les personnes qui en sont victimes et la répartition équitable avec aussi un objectif de sécurité. Le plan bis d’Anciaux ne s’écarte pas des sempiternels modèles théoriques que Biac (NdlR: le gestionnaire de l’aéroport) manipule depuis des années.

Sur base de travaux d’experts, le ministre Anciaux dit qu’il y aura moins de riverains touchés?

C’est le seul qui parvient à faire croire qu’en faisant voler plus d’avions, il y a moins de nuisances. C’est peut-être de la magie noire. Personne n’y croît. Mais je ne veux pas non plus faire chorus avec ceux qui disent qu’il n’y aura aucune nuisance. Si on veut maintenir un aéroport, près de la ville, en raison de ses diverses retombées, et répartir les nuisances, il faut que cette répartition soit objectivement démontrée.

La répartition objective satisferait-elle les riverains?

Peut-être pas, mais elle limiterait l’improvisation. Si c’est le psychodrame aujourd’hui, c’est parce que M. Anciaux a voulu aller vite en n’écoutant qu’un certain type de plaignants. Si on écoute qu’un son de cloche, on ne prendra jamais de bonnes décisions politiques. Vouloir à tout prix rencontrer l’arrêt de la Cour d’appel favorable au Noordrand, c’est ignorer tous ceux qui subissent des nuisances à Bruxelles et dans l’Oostrand (NdlR: est de Bruxelles). Il faut objectiver le débat pour éviter ces manèges d’actions juridiques intempestives.

Vous entérinez la dispersion?

Intellectuellement, la concentration est le meilleur principe. Mais pour ça, il faudrait d’abord un vaste programme d’isolation des maisons, qui coûterait des milliards. La grande erreur de Mme Durant est d’avoir prôné un principe intelligent, mais sans moyens. Toutefois, vu la configuration urbanistique autour de l’aéroport, je crains que la concentration ne soit très difficile, sauf peut-être vers Perk. Or on ne peut pas tout faire décoller et atterrir au-dessus de Perk. Il reste donc la dispersion. Mais il faut définir des zones à isoler à Bruxelles et en Flandre, dans le respect des normes de l’OMS, sur base d’outils scientifiques continuellement mis à jour.

Entretien : IRÈNE CUESTA