Les nuits des voisins de l’aéroport? Loin d’être un long fleuve tranquille…
Anciaux a adapté son plan, mais il n’est pas conforme à l’avis du Conseil d’Etat.

PHILIPPE LAWSON

Après avoir traité le dossier des nuisances sonores de l’aéroport de Zaventem sur base des commentaires et du vécu des riverains, rien de plus normal que de passer la nuit chez l’un d’eux pour approcher de plus près cette réalité. Rendez-vous a donc été pris avec trois familles de l’Oostrand (Wezembeek-Oppem, Crainhem, Sterrebeek, Woluwe, etc.) pour cette expérience inédite. «Je ne trouve pas d’autres mots que torture pour qualifier la souffrance qu’on nous impose avec le bruit des avions. La semaine dernière, le bruit a été tellement infernal que ma femme qui est enseignante dans une école spéciale pour fille à Bruxelles n’a pas pu aller au travail. Elle était épuisée», raconte M.Eekman. Jeudi, vu l’heure relativement tardive (22h), le couple a préféré aller au lit tôt pour profiter de quelques heures de sommeil avant le concert bruyant des vols d’avions.

Il est environ 23h et on entend au loin et par moments le vrombissement du moteur de quelques avions qui zèbrent le ciel. «Ce n’est rien pour l’instant. Vous verrez à partir de 4h du matin», dit Jacques Sidler qui habite Wezembeek-Oppem depuis 1978. Mais vers 2h20 du matin, le bruit assourdissant d’un avion vint interrompre le sommeil de votre serviteur. Puis a suivi un moment de répit d’environ deux heures. Mais c’est vers 4h du matin que le véritable tapage nocturne a commencé. Les décollages d’avions et leurs virages à gauche au-dessus de l’Oostrand se suivent. Il est difficile de (re) trouver le sommeil dans ces conditions et la répétition du phénomène est sans doute invivable. Ce qui justifie la farouche opposition des riverains de l’Oostrand au futur plan de dispersion des vols d’avions au départ de l’aéroport de Bruxelles-National. En témoignent les affichettes «Plan Anciaux, non, nee» qui ornent les fenêtres et les troncs d’arbres.

Hausse du bruit

Au cabinet du ministre des Transports et de la Mobilité, Bert Anciaux (Spirit), on affirme qu’après les 3 nouvelles trajectoires entrées en vigueur le 19 janvier, les nouvelles routes et la nouvelle utilisation des pistes seront opérationnelles fin mars. Mais avant, les nouvelles composantes de vent seront appliquées dès le 19 février. La piste 20 sera donc plus utilisée et, à la clé, une augmentation des nuisances pour l’Oostrand au profit du Noordrand (nord de Bruxelles). «Il est difficile d’en évaluer la proportion, car tout dépendra de la météo», explique un spécialiste. Mais l’arrêt du Conseil d’Etat sera, de fait, violé, car il stipule qu’ «une autorité administrative ne peut pas prendre une décision ayant pour effet d’accroître les nuisances subies par les citoyens et les atteintes à leur vie privée et familiale».

Mais la gêne est diversement ressentie par les riverains. «C’est depuis l’installation de DHL à Zaventem en 1996 que nous avons autant d’avions la nuit. Mais moi je suis moins dérangé que d’autres riverains parce que j’habite un peu en retrait de l’icône de bruit des avions qui survolent notre commune», dit Fernand Van Diest, cadre dans le secteur alimentaire et habitant de Wezembeek depuis 1976.

Et de souligner que l’éventualité de l’extension des activités de la société de courrier express l’inquiète davantage. «Avec le principe de la dispersion, on prépare déjà le terrain pour que DHL augmente ses activités. Dans le nouveau permis d’environnement déposé par Biac (gestionnaire de l’aéroport), on ne parle plus de la limite des 25000 vols nocturnes pas an. C’est scandaleux. Pourquoi ne décolle-t-on pas la nuit de la piste 07. La zone (Erps-Kwerps) est moins densément peuplée et les habitants sont déjà habitués. Il n’y a même pas contestation là-bas», renchérit un autre riverain.

Dirigeant d’une entreprise de travaux publics, Stéphane dit être dérangé davantage par les décollages nocturnes. Il fustige l’idée d’un négociateur indépendant (NdlR: Steve Dubois a été désigné vendredi) dans le dossier DHL. «Il va défendre les intérêts de qui? Le fédéral refuse de prendre ses responsabilités. Il faut mettre le dossier à plat», suggère-t-il.

© La Libre Belgique 2004