Le plan Anciaux était « précipité »

La note juridique de la Région bruxelloise sur le dossier du bruit des avions a atterri au « Soir ». Elle n’est guère tendre pour le pouvoir fédéral…

WILLIAM BOURTON

Le 3 décembre dernier, le conseil des ministres fédéral s’accordait sur un plan de dispersion des nuisances sonores des avions de l’aéroport de Zaventem. Deux jours plus tard, le gouvernement bruxellois, passablement courroucé, chargeait son ministre de l’Environnement, Didier Gosuin (FDF-MR), « d’établir une note juridique et technique sur l’implication de la décision fédérale et des conséquences de toutes les dispositions contenues dans les arrêts de la 8e chambre de la cour d’appel de Bruxelles ». Un bon vent nous a glissé cette note de 17 pages, encore toutes chaudes.

Pour rappel, c’est ce fameux arrêt de la 8e chambre (flamande) de la cour d’appel de Bruxelles qui a tout déclenché. Le 18 novembre, la cour décidait d’imposer à l’Etat une astreinte de 50.000 euros par jour de retard dans la dispersion des nuisances sonores (obligation résultant d’un arrêt du 10 juin de la même cour).

Question centrale à laquelle le ministre Gosuin devait fournir une réponse : pour échapper aux astreintes, le gouvernement fédéral était-il contraint de prendre une décision de dispersion des vols toutes affaires cessantes, en escamotant la réalisation préalable d’un « cadastre du bruit », comme stipulé dans la déclaration gouvernementale violette ?

« L’expertise juridique réalisée par le Cabinet Nauta Dutilh démontre que la précipitation avec laquelle le gouvernement fédéral a décidé, le 3 décembre, la mise en œuvre de mesures de dispersion de vols n’était pas fondée et que plusieurs moyens juridiques lui permettaient d’échapper à l’astreinte ou, à tout le moins, de faire préciser les contraintes découlant des arrêts de la cour d’appel de Bruxelles », répond Didier Gosuin.

Quels sont ces voies de recours ? Sans les développer ici, citons en vrac : la demande du condamné à la suppression ou la suspension de l’astreinte sur base de la démonstration de l’impossibilité d’exécuter la condamnation ; la possibilité de saisir le juge des saisies ; la requête en interprétation et le pourvoi en cassation (la tierce opposition formée par la Région accréditant d’autant ces voies).

Notons que les juristes signalent aussi que la notification de la décision de justice du 18 novembre n’avait pas pour effet d’imposer le paiement d’astreinte à l’Etat : il eût d’abord fallu constater une infraction à la condamnation principale…

Mais depuis le 3 décembre, le dossier a subi un sérieux coup de théâtre. Le 19 décembre 2003, saisi par des riverains de la périphérie est, le Conseil d’Etat a suspendu le plan de dispersion des vols. La note Gosuin intègre ce fait.

Les juristes consultés notent ainsi que le Conseil d’Etat relève que « les scénarios de dispersion ne tiennent pas compte de la densité des populations survolées et que la modification du schéma actuel d’utilisation des pistes entraînera des modifications dans la qualité et la quantité des nuisances subies par les riverains ». Selon Gosuin, cet arrêt va clairement dans le sens des demandes bruxelloises d’un (véritable) cadastre de bruit. Qui plus est, cet arrêt de suspension « crée une impossibilité juridique d’exécuter immédiatement la condamnation principale (la dispersion des nuisances) qui doit amener la cour d’appel de Bruxelles à suspendre le paiement de l’astreinte ».

En conclusion, le ministre Gosuin propose à son gouvernement d’exiger du fédéral que toutes les données de l’aéroport soient fournies à l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE) afin de réaliser sans délais le fameux cadastre. Ceci en préalable avant toute nouvelle modification des vols !

Et si le fédéral ne tient pas compte de cette exigence bruxelloise ? Dans l’interview qu’il vient de nous accorder (« Le Soir » du 6 janvier), le ministre-président Daniel Ducarme (MR) a affirmé qu’il se réservait le droit de saisir le comité de concertation fédéral-Régions.

(c) Le Soir