Faute de carburant durable, l'aviation européenne ne sera pas assez verte en 2030
(30-03-2025)

L'association des compagnies aériennes européennes le confirme : il n'y aura pas assez de carburant d'aviation durable (SAF) pour remplir les obligations de décarbonation de 2030. Seule solution : retarder l'échéance.

Source : Le Soir (28 mars 2025)

Ils l'assurent en chÅ“ur et la main sur le cÅ“ur : les patrons des compagnies aériennes européennes veulent respecter les engagements du secteur et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, mais… celle-ci dépend à 65 % de l'utilisation du carburant aérien « durable Â», le SAF (sustainable aviation fuel). Les patrons des dix-sept compagnies membres de Airlines for Europe (A4E) ne remettent pas en cause non plus la trajectoire théorique imposée par l'Europe pour y arriver (obligation d'utiliser 2 % de SAF en 2025, 6 % en 2030 et ainsi de suite jusqu'à 70 % en 2050). Sauf qu'ils l'assurent : c'est impossible. Toutes les prévisions démontrent qu'il n'y aura pas une quantité de SAF suffisante, en Europe, pour respecter cet engagement, disent-ils.

« La seule solution, c'est de retarder les obligations Â», proclament à l'unisson les patrons de Lufthansa, Air-France-KLM, IAG, Ryanair, etc. (771 millions de passagers transportés en 2024, sans doute un milliard en 2025 sur les cinq milliards d'utilisateurs de l'avion à travers le monde). Michael O'Leary, le patron de Ryanair, précise : « Qu'est-ce que ça change si c'est 6 % de SAF en 2032 ou 2034 alors que nous sommes tous d'accord pour respecter l'objectif final de 2050 ? Mais 6 % en 2030, ce n'est pas réaliste. Du SAF, il n'y en aura pas assez. Â» Son collègue Luis Callego, le CEO du groupe IAG (British Airways, Iberia…), ajoute qu'un rapport du Boston Consulting Group (BCG) publié ce 27 mars prévoit un déficit d'approvisionnement pouvant atteindre 45 % en SAF et 30 % en biocarburants d'ici 2030.

« Regardez les Etats-Unis Â»
Sans oublier, rappellent les patrons des compagnies, que le SAF en Europe reste trois à cinq fois plus cher que le kérosène traditionnel parce que l'Union européenne ne trace pas une stratégie efficace pour en favoriser la production. « Regardez aux Etats-Unis Â», invite Michael O'Leary, « ils y arrivent parce qu'on a obligé les producteurs de carburant traditionnel à aussi produire du carburant durable. En Europe, regardez des groupes comme Shell ou BP qui renoncent ouvertement à produire ce type de carburant. Les compagnies aériennes investissent beaucoup dans de nouvelles technologies, des avions plus efficaces qui consomment moins, etc., mais le SAF n'est pas de notre ressort. Â» A4E résume : « La Commission européenne et les Etats membres doivent désormais prendre leurs responsabilités : les fournisseurs de carburant ne tiennent pas leurs engagements. Sans action urgente dans les mois à venir, la crédibilité des engagements sera gravement compromise et une réévaluation de ces engagements sera nécessaire. Â»

Parallèlement à cette supplique, les membres d'Airlines for Europe n'oublient pas non plus de réclamer à la nouvelle Commission européenne d'agir (en leur faveur) pour lutter contre la concurrence déloyale des compagnies aériennes non européennes qui ne paient pas les mêmes taxes (notamment sur les émissions de CO2), sur l'inefficacité des contrôles aériens (« qui coûtent de plus en plus cher pour un service de moins en moins bon notamment parce que les services sont en sous-effectif Â»), sur le coût des indemnisations pour retard et annulation (« laissez-nous nous retourner sur ceux qui causent réellement ces retards, notamment les contrôleurs aériens Â»), etc. La routine, quoi. « Malgré les bons résultats et la perspective de transporter un milliard de passagers en 2025, la part de marché de l'Europe dans le secteur aérien recule, c'est la seule. L'Europe ne peut pas laisser faire ça Â», résume Carsten Spohr (Lufthansa).

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