Le curieux financement des médiateurs de Brussels Airport

Du Vif/L'Express du 06/06/2019 - Laurence Van Ruymbeke

Le personnel du service de médiation de Brussels Airport est payé par Skeyes, le gestionnaire du trafic aérien. Cet arrangement, vieux de dix-sept ans, établit entre ces deux acteurs un lien de dépendance qui pose question.

Le service de médiation relève les éventuels manquements de Skeyes lorsqu’il apparaît que les normes en matière de nuisances sonores ne sont pas respectées.

La convention, qui date de 2002, est confidentielle. Signée par Isabelle Durant, à l’époque vice-Première ministre et ministre Ecolo des Transports, elle acte la création d’un service de médiation pour l’aéroport de Bruxelles-National (rebaptisé Brussels Airport depuis 2006), chargé de recueillir et diffuser les informations relatives aux trajectoires suivies et aux nuisances occasionnées par les avions utilisant cet aéroport, en fonction des plaintes reçues. Renouvelé en 2004, cet accord l’est tacitement depuis lors.

L’équipe qui assure ce service de médiation rassemble un directeur du service, haut fonctionnaire venu du SPF Mobilité, et six membres du personnel. Ceux-ci sont recrutés par Belgocontrol, désormais rebaptisé Skeyes, en charge de la sécurité du trafic aérien. Ces employés, détachés, sont donc payés par Skeyes depuis 2004. Durant les deux premières années de fonctionnement du service, leurs salaires étaient en effet payés par Belgocontrol puis intégralement remboursés par le SPF Mobilité.

Le service de médiation est situé dans des bâtiments fournis gracieusement par Skeyes, sur le terrain de l’aéroport.  » De la sorte, nous disposons d’accès importants vers des canaux d’information, comme les radars, les données météo ou l’écran des senseurs autour des pistes « , détaille Philippe Touwaide, directeur du service. Le lien logistique ainsi établi entre ces deux acteurs n’en provoque pas moins quelques haussements de sourcils interrogateurs.

Le service de médiation n’a certes pas une fonction d’inspection ni de contrôle sur le gestionnaire de trafic aérien. Il en dépend toutefois pour obtenir les informations nécessaires à l’examen des plaintes qu’il reçoit des riverains. Et c’est lui qui relève les éventuels manquements de Skeyes lorsqu’il apparaît que les normes en matière de nuisances sonores ne sont pas respectées.

Selon les termes de la loi, le service de médiation doit être  » fonctionnellement indépendant « . La chose est-elle possible dans de telles circonstances de proximité entre le service et l’opérateur qu’il surveille ?  » Nous n’avons aucun lien hiérarchique avec Skeyes, qui ne donne aucune instruction au personnel mis à disposition « , assure Philippe Touwaide. Alain Kniebs, porte-parole de Skeyes, abonde :  » Skeyes n’interfère en aucun cas dans les missions du service ou dans la gestion fonctionnelle du personnel du service de médiation.  »

Sans doute serait-il néanmoins plus cohérent que le fonctionnement du service de médiation soit financièrement pris en charge par le SPF Mobilité. L’administrateur délégué de Skeyes y aspire d’ailleurs. Selon certaines informations, il souhaiterait que soit inscrit dans son nouveau contrat de gestion une clause prévoyant que l’Etat belge rembourse les frais du personnel détaché au service de médiation. «

Nous avons effectivement demandé des clarifications sur ce point « , confirme le porte-parole de Skeyes. Le gouvernement étant en affaires courantes, la négociation sur le nouveau contrat de gestion est au point mort. Si l’Etat prenait à l’avenir en charge les frais de fonctionnement du service de médiation, Skeyes devrait renoncer à percevoir les redevances qu’il reçoit pour certains avions bruyants décollant de Brussels Airport. Un accord de donnant-donnant avait en effet été conclu en ce sens en 2004.