Survol de Bruxelles: les mesures s’enlisent, les riverains trépignent

LE SOIR MIS EN LIGNE 27/11/2017

BERNARD PADOAN

La réponse du ministre de la Mobilité, transmise vendredi à la Région bruxelloise, suscite la colère des associations de riverains. Elles déplorent qu’aucune mesure concrète et immédiate n’ait été prise pour diminuer les nuisances sonores. Le gouvernement fédéral, et singulièrement le MR, est accusé de jouer une fois de plus la montre.

La lettre de François Bellot est une piètre dissertation d’un pseudo-énarque fuyant ses propres responsabilités. » La violence des propos «tweetés» ce lundi matin par l’Union belge contre les nuisances des avions (UBCNA) est à la hauteur de la déception des riverains. Vendredi soir, le ministre fédéral de la Mobilité, François Bellot (MR), a envoyé – in extremis – à la Région bruxelloise sa réponse au jugement sur le survol de la capitale prononcé en juillet dernier par la présidente du tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé. Cette décision condamnait l’Etat belge « à faire cesser les violations manifestes de l’Arrêté bruit » en modifiant les conditions d’utilisation de la route du Canal (de jour et de nuit) et celles de la route du Ring et de la route aérienne utilisée pour les atterrissages sur la piste 01 (entre 23h et 7h). François Bellot avait quatre mois pour envoyer un courrier détaillant la procédure et le calendrier d’une étude d’incidences indépendante à mener pour objectiver ces nuisances. Mais surtout, le tribunal lui enjoignait de détailler des mesures opérationnelles concrètes « pour atténuer dans les plus brefs délais les répercussions des nuisances ».

Le ministre s’est donc exécuté sur le gong. Au grand désappointement des riverains qui jugent sa réponse nettement insuffisante, singulièrement sur les mesures concrètes à mettre en oeuvre pour améliorer le sommeil et la santé des Bruxellois. « Elle est tout simplement scandaleuse », déplore Jean-Noël Lebrun, de l’association Coeur Europe. « Le ministre s’assied sur la décision de justice, renchérit Brigitte Buffard, de Bruxelles Air Libre. Il ne prévoit rien à part cinq micromesures qui ne résolvent rien du tout dans l’immédiat (ces mesures techniques font l’objet d’études ou des groupes de travail, NDLR). C’est le néant absolu et c’est effarant. Le gouvernement veut clairement enterrer le dossier jusqu’aux prochaines élections. C’est décevant et très grave en termes de démocratie. » « Quand un simple citoyen est condamné, il a intérêt à exécuter le jugement, sinon on lui tombe dessus, explique Peggy Cortois, de l’UBCNA. Et l e gouvernement, lui, peut s’en dispenser ! Cela peut sembler cliché, populiste ou simpliste, pourtant c’est ça, la réaction des riverains. Et ils ont raison. »

« Ecrire une lettre, c’est facile »

Certes, le tribunal avait laissé une porte entrouverte, en précisant que le courrier du gouvernement pouvait ne pas contenir de mesures concrètes à mettre en œuvre immédiatement, pour autant que ce défaut soit correctement motivé. Dans ces conditions, le ministre Bellot affirme avoir fait son job et répondu aux attendus du jugement en refusant de prendre des mesures qui auraient simplement consisté, selon lui, à déplacer les nuisances d’une route à l’autre, préférant attendre de pouvoir les soumettre à la future étude d’incidences. Le gouvernement ne s’est pas plus engagé sur les mesures opérationnelles en cours d’examen, ni sur leur timing d’adoption, dès lors qu’elles pourraient avoir un impact sur la sécurité aérienne et surla capacité opérationnelle de l’aéroport – que le tribunal a demandé de ne pas affecter.

Le plus frustrant, pour les associations de riverains, c’est de voir que le ministre n’a repris aucune des vingt propositions que plusieurs d’entre elles lui avaient suggéréde mettre en oeuvre (départs systématiques depuis les seuils de piste, interdiction des vols de nuit ou, à défaut, prolongement de la nuit jusqu’à 7 h, déplacements de certaines routes et modifications de certains virages, interdiction d’accès pour les avions les plus bruyants…). « Ecrire une lettre, c’est facile,constate Peggy Cortois. Prendre ses responsabilités en donnant des ordres à Belgocontrol, c’est beaucoup plus difficile. François Bellot essaye de gagner du temps, mais il n’en a pas : il y a une décision de justice très claire à respecter. »

Pour Jean-Noël Lebrun, le ministre « n’est qu’un homme de paille ». Et de pointer du doigt… Didier Reynders : « Il prétend vouloir s’engager en faveur des Bruxellois, mais il ne se prononce pas sur le dossier le plus épineux pour la Région. » Les critiques à l’encontre du MR, seul parti francophone de la majorité fédérale, sont vives. « C’est clair que Bellot est freiné par son parti, renchérit Brigitte Buffard. Le MR ne veut pas trouver de solution pour ne pas se brouiller avec ses partenaires du gouvernement. Charles Michel tient à finir la législature en toute tranquillité. »

Du côté des riverains, la suite à donner est claire. « Nous soutenons Céline Fremault (ministre bruxelloise de l’Environnement et de la Qualité de vie, NDLR) pour qu’elle fasse appliquer les astreintes prévues par le jugement », assure Jean-Noël Lebrun. « On va être obligés de s’adresser à nouveau au juge, confirme Peggy Cortois. C’est désolant d’en arriver là alors que les normes de bruit bruxelloises ont été confirmées à tous les niveaux de pouvoir, y compris par l’Europe. »

Que va faire Céline Fremault?

La ministre bruxelloise de l’Environnement et de la Qualité de vie, Céline Fremault(CDH), l’a dit dès ce lundi matin dans nos colonnes : les réponses apportées par le ministre Bellot, qui tiennent selon elle « sur un Post-it »,sont loin d’être satisfaisantes pour la Région de Bruxelles-Capitale. Quelles suites compte-t-elle dès lors leur donner ? Céline Fremault ne se prononce pas encore officiellement. Outre ses juristes, la ministre consultera ce mardi les dix-neuf bourgmestres bruxellois, qui se sont joints à son action devant le tribunal ayant abouti en juillet dernier à la condamnation de l’Etat fédéral.

Mais on voit mal comment elle ne pourrait pas retourner devant la justice pour demander cette fois que les astreintes prévues (100.000 euros par semaine, avec un plafond de 5 millions) soient prononcées. « Il n’y a pas 10.000 possibilités »,confie un observateur averti, pour qui la réponse fédérale peut paraître « limite insultante ». Il faudra donc faire constater par le tribunal que les mesures proposées par François Bellot ne sont pas de nature à faire cesser les violations de l’Arrêté-bruit, et qui plus est pas « dans les plus brefs délais », comme indiqué dans le jugement. Ou qu’à tout le moins leur motivation est défaillante.

C’est que dans la gestion de ce dossier épineux où elle joue gros (le CDH bruxellois est au plus bas dans les sondages, alors même qu’il a échoué à changer la majorité au sein de l’exécutif régional), Céline Fremault a fait preuve d’une certaine opiniâtreté. « Elle est très, très méthodique, pour se préserver toutes les chances de succès »,constate une source proche du dossier. Et elle a obtenu plusieurs petites victoires, dont la moindre n’a pas été de fédérer la totalité des mayeurs de la capitale, en ce compris les bourgmestres MR. Du jamais-vu ! Elle a aussi obtenu la suppression de la tolérance sur les normes de bruit, ajouté six sonomètres aux neuf déjà installés sur le territoire régional, obtenu la perception des amendes auprès des compagnies aériennes en infraction (via les contraintes fiscales)… Une « stratégie de guérilla »qui s’avère payante jusqu’ici pour acculer le gouvernement fédéral dans un coin du ring.

Mais le plus dur reste à faire : obtenir le « knock-out », c’est-à-dire de vrais aménagements des routes de décollage et d’atterrissage à l’aéroport de Bruxelles-National, permettant de soulager réellement un maximum de riverains survolés. Un défi d’ampleur dans un contexte chaque jour plus électrique, alors qu’approchent les échéances électorales de 2018 (communales) et 2019 (législatives, régionales et européennes).

Survol de Bruxelles, pacte énergétique : ne pas décider ne peut tenir lieu de politique

LE SOIR – BENOÎT JULY 28/11/2017

Il arrive un moment où ne pas décider n’est tout simplement plus

tenable.

Gagner du temps. Si tel n’est pas l’objectif du ministre de la Mobilité,François Bellot, dans le cadre du survol de Bruxelles, cela y ressemble fortement. Si tel n’est pas l’objectif de la ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem, s’agissant de l’avenir énergétique du pays, cela y ressemble également fortement. L’impression qui ressort n’est-elle pas que l’échéance est, sans cesse, reportée ?

Attendu de pied ferme depuis qu’il a repris le dossier, François Bellot

n’a eu de cesse de prôner la patience. Il a d’abord longuement consulté, avant de proposer une ébauche de plan au printemps dernier, laissant entendre qu’il ne s’agissait aucunement « du » plan, mais de pistes qui devaient encore être soumises à concertation.

Pressé par la justice bruxelloise il y a quatre mois, François Bellot remettait ce week-end, le nez sur l’échéance, la promesse d’une étude d’incidences pour objectiver les nuisances sonores, renvoyant aux calendes grecques les mesures opérationnelles pour améliorer le confort des personnes survolées. En un mot comme en cent concrètement, on n’a pas avancé.

La ministre de l’Energie ne semble pas adopter une autre tactique. La sortie du nucléaire ? Bien que décidée dès 2003, pour un horizon de fermeture désormais fixé à 2025, on en est toujours à se demander quel scénario permettra d’effectivement fermer les sept réacteurs condamnés. Faudra-t-il construire des centrales au gaz, en sus depoursuivre les investissements dans le renouvelable ? Ce qui semble être l’évidence n’est toujours pas décidé. Et que dire de l’ébauche de pacte énergétique dont nous dévoilons les grandes lignes ? Un catalogue d’objectifs à long terme, certes louables, mais dénué de toutes mesures pour y parvenir. Que valent ces bonnes intentions si on ignore tout, après trois ans de concertation, des moyens de les concrétiser ?

Certes, ces dossiers sont d’une complexité inouïe : concilier une multitude d’intérêts contradictoires dans le cas du survol de Bruxelles, se projeter à un horizon dépassant de loin celui de la législature dans le cas de l’avenir énergétique du pays. Certes, nos arcanes institutionnels, qui juxtaposent les niveaux de pouvoir sur une même thématique, n’aident pas à déployer une vision cohérente ni, surtout, à l’organiser.

Mais il arrive un moment où ne pas décider n’est tout simplement plustenable. Où la non-décision ne peut plus tenir lieu de politique. Où l’objectif de tenir jusqu’aux prochaines élections sans y perdre de plumes n’est plus défendable. Les riverains de Zaventem ont tout autant besoin de clarté que les gestionnaires de l’aéroport. Les citoyens de ce pays ont le droit de savoir de quoi leur avenir énergétique sera fait. Dans le chef des politiques en charge de ces dossiers, tout cela se résume en un mot : la responsabilité