La DGTA étrille la « Vlieg­wet » de Ga­lant/Clif­ford

lecho.be
09:11/2015

Selon l’ad­mi­nis­tra­tion du trans­port aé­rien, l’avant-pro­jet de loi ré­digé par le ca­bi­net Clif­ford Chance pour la mi­nistre Ga­lant ne res­pecte pas les obli­ga­tions eu­ro­péennes. Elle es­time qu’il confère une im­pu­nité à Bel­go­con­trol et ne ga­ran­tit pas l’in­dé­pen­dance ainsi que l’ob­jec­ti­vité des études de sé­cu­rité.

La se­maine s’an­nonce char­gée et dé­ter­mi­nante pour la mi­nistre de la Mo­bi­lité, Jac­que­line Ga­lant (MR) et son ca­bi­net. Pour ce lundi matin, ils doivent four­nir à la Confé­rence des pré­si­dents de la Chambre les do­cu­ments liés au dos­sier d’at­tri­bu­tion (ir­ré­gu­lière?) d’un contrat de mis­sion de conseil au ca­bi­net d’avo­cats Clif­ford Chance (mails, contrats, avis, etc.). L’ob­jec­tif est de voir si, après ana­lyse des do­cu­ments, la mi­nistre Ga­lant a violé la loi sur les mar­chés pu­blics en oc­troyant le contrat à Clif­ford et si elle a menti au Par­le­men­taires en char­geant in­uti­le­ment son ad­mi­nis­tra­tion.

Par ailleurs, les dé­pu­tés pro­cé­de­ront le 13 no­vembre à l’au­di­tion de Laurent Le­doux, pré­sident du SPF Mo­bi­lité et Trans­ports. Ce­lui-ci est convo­qué pour un en­tre­tien avec la mi­nistre Ga­lant dans le cadre de son éva­lua­tion.

Selon nos in­for­ma­tions, la Di­rec­tion gé­né­rale du trans­port aé­rien (DGTA) a trans­mis le 9 sep­tembre 2015 ses re­marques sur le « pré-draft » de l’avant-pro­jet de loi des pro­cé­dures aé­riennes et sur l’au­to­rité in­dé­pen­dante de contrôle éla­boré par le ca­bi­net d’avo­cats pour la mi­nistre Ga­lant. Voici ces re­marques.

Les cri­tiques de l’ad­mi­nis­tra­tion sont nom­breuses et dé­montrent que le tra­vail du ca­bi­net d’avo­cats en la ma­tière est léger. Il res­sort des do­cu­ments dont nous avons eu connais­sance que le texte s’ins­pire d’un pro­jet éla­boré en 2010 par l’an­cien se­cré­taire d’Etat à la Mo­bi­lité, Etienne Schouppe (CD&V). Or, un gros tra­vail a été fait par le pré­cé­dent gou­ver­ne­ment au­quel ap­par­te­nait le MR. Ce­lui-ci avait déjà ap­prouvé, le 24 avril 2014, en pre­mière lec­ture en conseil des mi­nistre, un avant-pro­jet de loi sur les pro­cé­dures aé­riennes et l’au­to­rité in­dé­pen­dante de contrôle du bruit des avions de Brus­sels Air­port.

  • « Il en ré­sulte selon la DGTA que l’en­semble des pro­cé­dures aé­riennes que le gou­ver­ne­ment en­tend an­nexer à la loi de pro­cé­dures de­vrait faire l’ob­jet d’une étude d’im­pact en­vi­ron­ne­men­tal et d’une concer­ta­tion pu­blique préa­lable tel que pres­crit par la di­rec­tive 2001/42/CE et la loi du 13 fé­vrier 2006. Dans la même lo­gique, il convient de s’as­su­rer que les pro­cé­dures aé­riennes soient préa­la­ble­ment conformes aux di­verses obli­ga­tions eu­ro­péennes à charge de l’Etat. Et no­tam­ment celles pres­crites par la di­rec­tive UE 2002/49/CE qui pré­voit l’obli­ga­tion de mise en place de plans d’ac­tion bruit. Ni l’une, ni l’autre de ces obli­ga­tions eu­ro­péennes ne sont à ce jour plei­ne­ment res­pec­tées par l’Etat. Il ne suf­fit en effet pas d’écrire à l’ar­ticle 5 qu’ »une ap­proche équi­li­brée est adop­tée dans l’ap­pli­ca­tion de la pré­sente loi… » pour que ce soit le cas dans les faits « , com­mente les agents de la DGTA.

D’après la DGTA, le texte de Clif­ford Chance com­porte des risque d’abus et d’im­pu­nité dans le chef de Bel­go­con­trol, l’or­ga­nisme de contrôle de l’es­pace aé­rien belge.  » Il se­rait bien plus lé­gi­time de ne pas don­ner au pres­ta­taire de ser­vices de na­vi­ga­tion aé­rienne (Bel­go­con­trol) un sta­tut pri­vi­lé­gié vis-à-vis des autres in­ter­ve­nants (com­pa­gnies aé­riennes, Brus­sels Air­port) puisque Bel­go­con­trol, voire même Brus­sels Air­port peuvent eux-mêmes se rendre cou­pable d’un non-res­pect de pro­cé­dures aé­riennes (et que) les mêmes mo­tifs de sé­cu­rité, sû­reté ou opé­ra­tion­nels peuvent jus­ti­fier ou non des condi­tions dé­ro­ga­toires tant pour les uns que pour les autres sans qu’on aper­çoive de jus­ti­fi­ca­tion à un trai­te­ment dif­fé­ren­cié « , pour­suit l’ad­mi­nis­tra­tion.

A titre d’exemple, la DGTA re­lève que si un pi­lote res­pecte une in­jonc­tion du contrôle aé­rien qui n’est pas jus­ti­fiée, l’au­to­rité in­dé­pen­dante de contrôle de­vrait im­po­ser des sanc­tions à Bel­go­con­trol et non à la com­pa­gnie aé­rienne,  » mais le texte ac­tuel ne le per­met pas « .

Les ju­ristes de la DGTA re­lèvent d’autres dis­po­si­tions du texte de Clif­ford Chance et pré­cisent que  » les re­ma­nie­ments du texte ini­tial de Schouppe ren­forcent l’im­pu­nité de Belg­go­con­trol. Il convient de re­voir fon­da­men­ta­le­ment l’équi­libre et la charge des obli­ga­tions et des sanc­tions créées par cet avant-pro­jet de loi dans le but de faire sup­por­ter par chaque in­ter­ve­nant la res­pon­sa­bi­lité de ses ac­tions et du res­pect des pro­cé­dures aé­riennes ». La DGTA es­time aussi que le texte n’offre pas suf­fi­sam­ment de ga­ran­ties d’in­dé­pen­dance et d’ob­jec­ti­vité aux études de sé­cu­rité et de ca­pa­cité re­quises dans le cadre du pro­ces­sus d’éla­bo­ra­tion des pro­cé­dures aé­riennes dans la me­sure où elles sont confiées à Bel­go­con­trol (étude de sé­cu­rité) ou à Brus­sels Air­port (étude ca­pa­cité en co­opé­ra­tion avec Bel­go­con­trol).  » Il convien­drait à tout le moins de rendre la su­per­vi­sion de ces études par le Co­mité d’avis que la loi en­tend créer « .

Les dis­po­si­tions concer­nant le futur Co­mité d’avis et au­to­rité de contrôle sont, d’après la DGTA, par­ti­cu­liè­re­ment confuses « de telle sorte qu’il est dif­fi­cile de com­prendre les rôles res­pec­tifs du Co­mité de contrôle et du Co­mité d’avis. La réunion de ces deux mis­sions dif­fé­rentes au sein d’une même struc­ture n’est-elle pas contra­dic­toire, ou à tout le moins por­teuse de risques de conflits d’in­té­rêts ? Il nous semble que le Co­mité ne peut à la fois pré­pa­rer les res­tric­tions d’ex­ploi­ta­tion, don­ner son avis au mi­nistre, contrô­ler et sanc­tion­ner, étant alors juge et par­tie « .

L’ad­mi­nis­tra­tion du trans­port aé­rien plaide alors pour une sé­pa­ra­tion or­ga­ni­sa­tion­nelle ou à tout le moins fonc­tion­nelle. Elle cri­tique sé­vè­re­ment d’autres élé­ments du texte de Clif­ford prou­vant ainsi que même si le ca­bi­net d’avo­cats a des com­pé­tences re­con­nues dans les ma­tières in­ter­na­tio­nales (fu­sions-ac­qui­si­tions, aides d’Etat, etc.), il a des la­cunes dans les ma­tières liées à l’ex­ploi­ta­tion aé­rienne et au bruit des avions.  » En l’état, ce pro­jet de loi n’offre pas une base à une lé­gis­la­tion du­rable de fixa­tion et de contrôle des pro­cé­dures et routes aé­riennes. Il em­pêche en par­ti­cu­lier la DGTA ou toute struc­ture que le pro­jet en­tend créer (Co­mité) d’as­su­rer une vé­ri­fi­ca­tion ef­fec­tive et ef­fi­cace des opé­ra­tions et ac­corde une forme d’im­pu­nité à Bel­go­con­trol « , conclut l’ad­mi­nis­tra­tion de l’aé­ro­nau­tique.